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Au Brésil, un bras de fer des temps modernes
C’est un bras de fer des temps modernes qui se joue au Brésil
depuis samedi. Depuis qu’un juge du Tribunal fédéral suprême,
Alexandre de Moraes, figure de la lutte contre la
désinformation, a ordonné la suspension du réseau social X,
ex-Twitter. En coupant ainsi le « courant » à cette plateforme, il a plongé
ses 22 millions d’abonnés dans le silence numérique d’une immense
zone blanche, et son illustre propriétaire, le milliardaire américain
Elon Musk, dans une colère noire.
Toutefois, si la justice brésilienne a choisi la manière forte, on ne peut
comparer ce géant d’Amérique latine à l’Iran, à la Chine ou à la Corée
du Nord, trois pays – parmi d’autres… –, où X est interdit afin
d’éviter toute contestation. Bien sûr, Elon Musk n’a pas manqué
de dénoncer une grave atteinte à la liberté d’expression. Et de
fait, suspendre un réseau social n’est jamais neutre car, dans
bien des cas, émergent, derrière
ces coupures, des motivations politiques. Au Venezuela, le président
réélu cet été – mais contesté – Nicolás Maduro a ainsi lui aussi ordonné
la suspension de X…
Reste que le cas brésilien est différent. Le juge Moraes estime que ce
réseau social tente d’échapper au « pouvoir judiciaire ». Et ce dans un
but précis : « Instaurer un climat de totale impunité et d’‘‘anarchie’’ sur
les réseaux sociaux, notamment durant les élections municipales de
2024. » Concrètement, il reproche à X d’avoir réactivé des comptes
suspendus par la justice. Or, les partisans d’extrême droite de Jair Bolsonaro,
le président déchu, n’ont pas désarmé, comme l’a prouvé leur
tentative de coup d’État à Brasília en janvier 2023… À cet égard, les
réseaux sociaux n’ont plus à prouver leur puissance. C’est sur Twitter
qu’en décembre 2020, Donald Trump avait appelé ses soutiens à une
« grosse manifestation sauvage » à Washington le 6 janvier 2021, pour
tenter d’invalider l’élection de Joe Biden ; manifestation qui avait abouti
à la prise d’assaut du Capitole et qui vaut à l’ex-président américain
d’être poursuivi… Pour Elon Musk, rien de choquant toutefois. Aussitôt
après avoir racheté Twitter, il a rouvert le compte de Donald Trump,
dont il soutient aujourd’hui la campagne. Que les réseaux sociaux
soient devenus le royaume des conspirationnistes et des complotistes
n’est pas une nouveauté. Mais dans un monde toujours plus global et
numérisé, quand la liberté d’expression vire à la désinformation et à la
manipulation, il y a danger. Ce combat doit être mené. Et ce d’autant
plus quand ces réseaux sociaux sont devenus de véritables Goliath.
Jefferson Desport édito Sud-Ouest