ENTRETIEN. Nouveau Premier ministre : "Au PS, l’hostilité envers LFI débouche sur une alternative qui n’existait pas auparavant", juge Jean Garrigues
Alors qu’une crise politique sans précédent s’installe, les Français attendent toujours la nomination d’un nouveau Premier ministre. L’historien spécialiste de la politique, Jean Garrigues analyse cette situation de blocage pour La Dépêche du Midi.
Est-on dans une situation de blocage historique en France ?
Dans l’histoire, cette situation a trois forces politiques égales a déjà existé mais elle est inédite sous la Ve République et qui à l’opposé de l’esprit donné aux pratiques institutionnelles. Depuis 1962, on a pris l’habitude d’avoir une majorité parlementaire qui coïncidait avec la politique du Président. Aujourd’hui, on est dans une situation où aucun des trois blocs qui se partagent l’espace politique n’est en mesure de gouverner seul. Ce qui explique le refus d’Emmanuel Macron de tenter l’expérience du NFP. Une expérience qui serait rapidement soumise à une motion de censure.
Il faudrait donc d’être capable de constituer une coalition, comme sous la IVe République par exemple, mais tout le problème est de réunir des partis qui ont pris l’habitude d’être dans une opposition frontale. Surtout après 50 ans de bipolarité sous la Ve République qui ont opposé gauche et droite. Nous sommes donc dans une situation exceptionnelle qui ressemble à ce que l’on a vu sous d’autres République mais avec des structures mentales et d’autres habitudes qui sont celles de la Ve République.
Il est impossible de monter un gouvernement de coalition en France ?
Les enjeux électoraux des prochaines années entravent une solution de coalition. On sait très bien que si les socialistes ou les écologistes acceptent de tenter l’expérience de se séparer de LFI, ils en paieront les conséquences au moment des élections législatives, soit dans un an s’il y a une dissolution soit au moment de 2027. Pareil pour les Républicains, qui en acceptant de travailler avec le centre et la gauche risqueraient de se priver d’une partie de leur électorat. Cette solution de la coalition entre en contradiction avec la tradition politique, les pratiques traditionnelles et les contraintes électorales. La situation est extrêmement compliquée mais la poutre travaille comme disait Édouard Philippe.
Elle travaille à gauche et notamment au PS où les divisions semblent éclatent au grand jour ?
C’est intéressant de voir que les choses bougent au PS avec cette tentation de l’alliance avec le centre gauche, le centre droit et même la droite. Hélène Geoffroy a toujours été hostile au rapprochement avec la France insoumise mais aujourd’hui cette hostilité débouche sur une alternative qui n’existait pas auparavant. Avec la possibilité d’une autre alliance qui serait une rareté historique que l’on a retrouvée dans des situations d’après-guerres.
Qu’en est-il de l’hypothèse du gouvernement technique ?
Cette hypothèse suppose de nommer un Premier ministre déconnecté du jeu des partis politiques. Il ne s’agit pas de choisir une personnalité sans couleur politique mais quelqu’un étant dépourvu de toute ambition présidentielle ou d’attache partisane. Et il en serait de même pour le reste du gouvernement. Cette déconnexion devrait être actée de façon très claire pour échapper aux contraintes électorales qui sont un gros facteur du blocage. Autre point primordial : le futur Premier ministre doit être un Premier ministre de cohabitation sans aucune attache avec le Président. Il doit être dans une situation d’opposant à Emmanuel Macron. Cela me semble une obligation pour acter l’échec de la coalition macroniste aux élections
PLANTU