3128- Au Royaume-Uni, Keir Starmer ne veut pas raconter d’histoires 2 posts
Au Royaume-Uni, Keir Starmer ne veut pas raconter d’histoires
Bon, il n’a pas promis de sang, de sueur et de larmes comme
Churchill en 1940. Mais Keir Starmer n’a pas cherché à dorer
la pilule à ses compatriotes en dévoilant son projet de budget
pour l’année qui vient. « Les choses vont empirer avant d’aller
mieux », a martelé le Premier ministre britannique. S’exprimant
depuis la roseraie de Downing Street où Boris Johnson et ses invités
festoyaient durant la pandémie, ses propos tenaient plus de la potion
amère que de l’eau de rose.
De décisions « difficiles », des coupes budgétaires, des impôts supplémentaires
: ce programme austère offre un contraste saisissant avec
celui du Nouveau Front populaire (NFP) français. Car si le NFP prévoit
bien des hausses d’impôts pour financer ses largesses sociales,
c’est vers les hauts revenus qu’il se tourne exclusivement. Tandis
qu’à Londres, les travaillistes sont décidés à demander à la
classe moyenne de prendre aussi sa part à l’effort national.
Il est vrai que la gauche françaisecampe (encore ?)
dans l’opposition. Le Labour britannique, lui,
propulsé au pouvoir début juillet après la bérézina des conservateurs,
doit faire avec la réalité d’une économie exsangue et reconnaît la nécessité
de s’attaquer sérieusement à la dette britannique, comparable à
celle de la France.
Starmer a un avantage, celui d’avoir marginalisé les radicaux du parti
bien avant les élections. Certes, le tour de vis social qu’il prépare a
réveillé son aile gauche et une partie des syndicats. Mais le Premier
ministre et sa chancelière de l’Échiquier Rachel Reeves font le pari que
ce cap semblera plus crédible aux Britanniques que des promesses en
forme de fuite en avant.
Le Royaume-Uni n’est pas la France. Mais il n’est pas interdit à la
gauche française de se pencher sur les raisons
du succès de son homologue d’outre-Manche.
Certes, le Labour a capitalisé sur la déroute du
Parti conservateur, les erreurs du Brexit et l’effet amplificateur du
mode de scrutin. Mais en choisissant de risquer l’impopularité pour
soigner le pays, il mérite que son expérience soit suivie avec attention.
Bousculé dès sa prise de fonction par des émeutes racistes et islamophobes
qu’il est parvenu à contenir en réagissant avec fermeté, l’ancien
directeur des poursuites pénales pour l’Angleterre et le pays de
Galles sait que les fractures du pays sont profondes et que l’exercice du
pouvoir va ressembler à une course d’obstacles. Raison de plus pour
ne pas raconter d’histoires à ses concitoyens.
Christophe Lucet édito Sud-Ouest