3115-« On se pose la question de l’avenir des Juifs en France » 2 posts

Attaque à la synagogue de La Grande-Motte : « On se pose la question de l’avenir des Juifs en France » (Simone Rodan Benzaquen, directrice Europe de l'American Jewish Committee)

ENTRETIEN — Une enquête pour tentative d’assassinat terroriste a été ouverte après l’incendie criminel déclenché hier devant la synagogue de La Grande-Motte (Hérault).
 

 

Simone Rodan Benzaquen, directrice Europe de l'American Jewish Committee
Simone Rodan Benzaquen, directrice Europe de l'American Jewish Committee (Crédits : © LTD / ELIOT BLONDET/ABACAPRESS)

 

Le suspect a noué un drapeau palestinien autour de sa taille. Sa tête est couverte d'un keffieh rouge. Sur ces images de vidéosurveillance, on devine une arme de poing glissée à sa ceinture. Ce samedi vers 8 heures, l'homme quitte en courant les abords de la synagogue Beth Yaacov de La Grande-Motte (Hérault), où deux voitures ont été incendiées. Une bonbonne de gaz a explosé, blessant un policier municipal qui tentait de s'approcher. Appelés par des riverains, les pompiers ont alerté la gendarmerie, alors que cinq personnes se trouvaient à l'intérieur de l'édifice religieux, où devait se tenir un office dans la matinée. La section de recherche de Montpellier, une équipe cynophile et le GIGN ont été dépêchés sur place afin de mener les investigations et le parquet national antiterroriste a été saisi. « Tout est mis en œuvre pour retrouver l'auteur de cet acte terroriste et protéger les lieux de culte », a écrit le président de la République sur X. Sur place, le Premier ministre, Gabriel Attal, a déclaré : « Nous avons échappé à un drame absolu. » Cette attaque survient alors que l'on dénombrait 366 « faits antisémites » au premier trimestre 2024, une hausse de 300 % par rapport à l'année précédente. À l'heure où nous mettions sous presse, le suspect n'avait pas été retrouvé.

 

 

LA TRIBUNE DIMANCHE - Qu'avez-vous ressenti devant cette nouvelle attaque antisémite ?

SIMONE RODAN BENZAQUEN - De la colère et de la lassitude. Depuis le 7 octobre, il y a une explosion des actes antisémites, mais en réalité ça fait vingt ans, depuis le début de la seconde Intifada, qu'il y a une récurrence de ces crimes. À la fin des années 1990, il y avait en France quelques dizaines d'actes antisémites par an. À partir des années 2000, il y en a environ 350. En 2023, c'est passé à 1 676. Il y a un continuum évident.

Vous dites qu'en réalité ces chiffres sont bien plus élevés ; pourquoi ?

Parce que le ministère de l'Intérieur ne prend en compte que les plaintes déposées, or on sait que 80 % des victimes de ces actes ne les signalent pas. Dans notre « Radiographie de l'antisémitisme en 2024 » menée avec l'Ifop, 25 % des Français juifs interrogés disent avoir subi un acte antisémite depuis octobre.

Attaque à la synagogue de La Grande-Motte : « On se pose la question de l’avenir des Juifs en France » (Simone Rodan Benzaquen, directrice Europe de l'American Jewish Committee)

Le suspect de l'attaque, sur une image de vidéosurveillance. (Crédits : © LTD /AFP)

 

Qu'avez-vous appris sur le profil des auteurs d'actes antisémites ?

Il y a parmi eux des électeurs de La France insoumise, qui ont une propension plus élevée à la justification de la violence liée à la haine d'Israël. De même chez les électeurs du Rassemblement national. Il y a l'antisémitisme dit musulman, avec une spécificité : plus ils fréquentent des lieux de culte, plus ils sont antisémites. La première catégorie distinguée dans notre étude, la plus haineuse, est d'abord composée de jeunes. Ceux qui passent beaucoup de temps sur les réseaux sociaux risquent de devenir plus antisémites que les autres. Nous avons identifié un profil nouveau mais en nette progression : les conspirationnistes prorusses proches de l'extrême droite.

Quel est l'état d'esprit des Juifs français que vous rencontrez dans le cadre de votre ONG ?

Ils ont peur. Ils cherchent à effacer leur identité juive. Ils enlèvent les mezouzas à leur porte d'entrée. Ils changent de nom sur les applications de livraison de repas. On se pose la question de l'avenir des Juifs en France. Il y a beaucoup de demandes d'installation en Israël, et les Juifs de certains quartiers emménagent dans des villes qu'ils estiment plus sûres.

Y a-t-il une baisse de la fréquentation des synagogues ?

Pas pour l'instant, parce qu'elles sont protégées par la police, il y a un portique à l'entrée, des fouilles, on n'y entre pas sans y connaître quelqu'un.

Est-ce que certains ont vu dans le vote Le Pen une solution, un espoir ?

Certains, oui, bien sûr, mais ce n'est pas massif, c'est en dessous de la moyenne nationale. Zemmour a plus séduit, parce qu'il est juif et qu'il ne porte pas le poids du nom Le Pen.

Comment lutter contre cette explosion des actes antisémites ?

Il faut plus de fermeté dans les peines prononcées par la justice. Nous demandons que soit rendu public le nombre de condamnations pour antisémitisme, car il y a un sentiment, parfois justifié, de laxisme. Ensuite, la question de l'éducation est primordiale. C'est à l'école et à l'université qu'ont lieu le plus de faits antisémites. 70 % des 18-25 ans disent avoir subi un acte antisémite depuis octobre. Apprendre l'histoire de la Shoah ne suffit pas pour lutter contre l'antisémitisme. Il faut que soient expliqués les liens entre haine d'Israël, antisionisme et antisémitisme. Après le 7 octobre, les professeurs n'ont quasi pas abordé le sujet avec leurs élèves, et il y a eu une explosion des signalements. Je comprends que ce soit un sujet difficile à enseigner, mais si on ne le fait pas, il n'y aura pas d'amélioration. L'antisémitisme est le symptôme d'un problème plus large, de la polarisation de la société, de son effondrement. Il faut une approche globale pour tenter de le résorber.

Trouvez-vous la classe politique à la hauteur de l'enjeu ?

Non. Mélenchon et LFI portent une responsabilité écrasante quand ils considèrent que les attaques du 7 octobre ne sont pas terroristes, que l'antisémitisme est résiduel, que le Hamas est un mouvement de résistance. Voir la gauche républicaine tomber dans les bras de LFI et considérer que l'antisémitisme n'est pas une ligne rouge envoie un message dangereux.

 



25/08/2024
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