Emmanuel Macron enjambe les JO et appelle à des « compromis » entre les forces républicaines
Le chef de l'Etat n'a pas donné suite ce mardi soir à la proposition de la gauche pour Matignon, appelant les forces politiques, dont aucune n'a la majorité, à « travailler ensemble ». Il a indiqué qu'il ne nommerait pas de Premier ministre avant la fin des Jeux olympiques mi-août.
Par Isabelle FICEK LES ECHOS
Décidément, la gauche aime surprendre Emmanuel Macron. Après s'être écharpés au moment des élections européennes, les partis de gauche s'étaient immédiatement rabibochés pour les élections législatives.
Ce mardi soir, après plus de deux semaines de déchirements, revirements, tensions autour d'un nom pour Matignon, le Nouveau Front populaire a sorti de son chapeau celui de Lucie Castets - une haute fonctionnaire engagée dans la défense des services publics avec le collectif Nos Services Publics - pour le proposer comme Première ministre, juste avant la première interview du chef de l'Etat sur France Télévisions et Radio France depuis les résultats du second tour des législatives. De quoi tenter de perturber son message.
Une « trêve politique »
Car Emmanuel Macron, hormis sa lettre aux Français quelques jours après les résultats, avait prévu de prendre la parole avant l'ouverture des JO, pour sonner, avec la trêve olympique, une « trêve politique » , avait-il déjà laissé entendre lundi. Avec l'espoir que cette trêve permette à la température politique, montée très haut ces derniers jours, de redescendre, et ce faisant, de pousser les uns et les autres à discuter alors qu'aucun bloc n'a la majorité et que tous, même le Nouveau Front populaire arrivé en tête, sont très loin de la majorité absolue.
Alors ce mardi soir, depuis la scène qui surplombe, au Trocadéro à Paris, la Seine sur laquelle va se passer la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques, Emmanuel Macron est revenu sur la dissolution - « Un choix en conscience fait avec beaucoup de gravité », a-t-il défendu - et les leçons qu'il tire de ce scrutin.
« Il n'y a pas de sous-députés »
Et d'abord que les Français ont confirmé qu'ils ne veulent pas de l'extrême droite au pouvoir. Une pierre dans le jardin de Marine Le Pen, en dépit du nombre de voix - plus de 10 millions - dont le Rassemblement national a bénéficié… Il a d'ailleurs estimé anormal que le RN et ses députés ne soient pas dans les instances de l'Assemblée. « Il n'y a pas de sous-députés », a-t-il martelé.
Aussi, Emmanuel Macron, qui a agacé jusqu'à ses propres troupes en ne reconnaissant pas, dans sa lettre aux Français, qu'il avait perdu ces législatives, a cette fois fait ce pas : « La majorité sortante a perdu ». Mais il a aussi souligné que le bloc central n'a pas disparu. Et que tout le monde est loin de la majorité absolue. Le chef de l'Etat a aussi estimé que la répartition des postes à l'Assemblée nationale a montré que le NFP est loin d'avoir la majorité, ayant échoué à faire élire André Chassaigne au Perchoir . « Les Français nous ont dit, travaillez ensemble ! » n'a-t-il cessé de marteler.
Emmanuel Macron a d'ailleurs immédiatement pris cet exemple pour dire que « le sujet, ce n'est pas un nom, c'est quelle majorité », repoussant de fait le nom de Lucie Castets , assurant qu'il ne nommerait pas de nouveau Premier ministre avant mi-août. « Comme personne n'a de majorité, personne ne peut appliquer son programme, aucun des blocs ne peut le faire, ni le NFP, ni la majorité sortante », a continué le chef de l'Etat, estimant que « la responsabilité de ces partis est de faire ce que font toutes les grandes démocraties : sortir de leurs évidences, savoir bâtir des compromis et se dire comment faire ensemble […] sinon ils auront trompé les Français. »
« Travaillez ensemble ! », a encore enjoint Emmanuel Macron, se disant « garant » de ceci et du vote des Français. Le pacte législatif de la droite est d'ailleurs vu comme un début encourageant pour dialoguer, un embryon sur lequel s'amarrer et prospérer. « C'est la pelote de laine dans laquelle il faut mettre aussi des fils roses et des fils verts », avance un proche d'Emmanuel Macron.
Il a de fait sonné la trêve politique, expliquant que le gouvernement démissionnaire allait continuer de gérer les affaires courantes le temps des JO. Mais il a indiqué qu'ensuite, il faudrait avancer, c'est-à-dire cette fois nommer un nouveau Premier ministre, sans doute, quand même, avant les Jeux paralympiques.
« Libérer et protéger mais aussi unir »
Sur le fond, Emmanuel Macron a assuré avoir entendu les messages des électeurs sur la demande de pouvoir d'achat, de sécurité, de justice, soulignant notamment qu'il faut que le travail paie mieux. Mais il a aussi appelé à « préserver » ce qui a été fait sur l'emploi, l'attractivité, la réindustrialisation. « Il faut continuer à libérer et protéger mais il faut aussi unir », a-t-il martelé, glissant qu'il ne dissoudrait pas l'Assemblée dans un an - ses proches estiment que cela peut aider à détacher le PS de LFI - et qu'il ne démissionnerait pas non plus.
Le NFP, avant même de se mettre d'accord sur un nom, criait au « déni de démocratie » face à la trêve annoncée. Il a redoublé ce mardi soir. La température risque de mettre du temps à redescendre.
Isabelle Ficek