Joe Biden se retire enfin de la course à la présidentielle américaine de novembre. Le président des Etats-Unis l'a annoncé en direct à ses compatriotes, dans une lettre adressée à « my fellow Americans » et publiée sur le réseau social X.

« Cela a été le plus grand honneur de ma vie de servir comme président des Etats-Unis. Même si mon intention était de chercher la réélection, je crois qu'il est dans l'intérêt de mon parti et de mon pays de m'interrompre et de me concentrer uniquement sur l'exercice de mes devoirs de président jusqu'au reste de mon mandat », a-t-il expliqué dans cette lettre.

Il a également signalé qu'il s'adresserait à la nation dans la semaine pour expliquer plus en détail sa décision. C'est un soulagement pour de nombreux démocrates, qui ne voulaient pas lui forcer la main, par respect. Ils auraient d'ailleurs dû organiser une forme de putsch pour changer leur candidat, après une campagne des primaires où il a obtenu un nombre écrasant de délégués.

Kamala Harris relève le gant

Il a remercié sa vice-présidente Kamala Harris (et colistière pour un potentiel deuxième mandat) « pour avoir été une partenaire extraordinaire ». Dans un nouveau message, il lui a fait la courte échelle : « Aujourd'hui, je veux apporter mon soutien complet à Kamala pour être la nominée de notre parti cette année. Démocrates, il est temps de se rassembler et de battre Trump. Faisons cela. » Dans la foulée, il a posté un appel aux donateurs, « Finissons le travail », avec leur photo à tous les deux, et en apposition, cette phrase : « je viens juste de donner à Kamala Harris ! ».

En dépit du soutien apporté par Joe Biden à sa colistière, le doute reste entier : va-t-il y avoir une mini-primaire avant la convention ? Une convention ouverte ? Les hiérarques du parti préféreront-ils paver la voie à Kamala Harris, qui est noire, asiatique, femme, pour ne pas choquer la gauche progressiste ? La nomination de la vice-présidente présenterait l'avantage de pouvoir débloquer rapidement les fonds accumulés pour le candidat Biden auprès des donateurs.

Pression des démocrates

Un nombre croissant de parlementaires démocrates lui avaient demandé de se retirer ces derniers jours. L'éminent sénateur Joe Manchin, qui avait été le poil à gratter du mandat et qui a finalement troqué son appartenance au parti démocrate pour le label indépendant, était le dernier en date à l'avoir appelé au retrait.

Jusqu'au dernier instant, l'équipe de Joe Biden a multiplié les démentis, réaffirmé qu'il restait en lice. Selon les médias américains, le président était profondément vexé du manque de soutien de Barack Obama. Il a vu sa signature et celle de Nancy Pelosi dans ce qu'il a considéré comme une conspiration. Cette conjuration semblait lui avoir donné envie de se battre.

Cependant, un sondage très mauvais pour lui a été publié par le Detroit « Free Press », dimanche matin, dans l'Etat-pivot du Michigan : à 42 % des voix, le démocrate était sept points derrière son adversaire républicain. Il faut remonter à Bush senior, en 1988 pour trouver un tel écart de voix en faveur du Grand Old Party. Barack Obama a salué les réalisations de son ex-vice-président, sur X : «l'un des présidents les plus notables, ainsi qu'un ami cher et un partenaire pour moi». «Aujourd'hui, il nous a été rappelé à nouveau qu'il est aussi un patriote de premier ordre», a-t-il ajouté.

Joe Biden ne s'est pas relevé de son duel télévisé avec Donald Trump fin juin. Les téléspectateurs ont pu constater son déclin cognitif irréversible. Après ce raté, il y a eu d'autres lapsus, d'autres bourdes. Ces derniers temps, Joe Biden n'incarnait plus tant la sagesse de l'expérience que le naufrage de la vieillesse.

Son adversaire Donald Trump a su jouer de ce contraste en projetant une image de force invincible et en faisant oublier qu'il n'a guère que trois ans d'écart d'âge avec Joe Biden - 78 ans, versus 81. Le candidat républicain est auréolé de gloire après a voir échappé de peu à une tentative d'assassinat . Il a reçu l'onction de son parti cette semaine, lors d'une convention à Milwaukee qui a marqué l'unité retrouvée de la base, derrière son nom.

La critique de JD Vance

Dimanche, le nouveau numéro deux sur le ticket présidentiel de Donald Trump, JD Vance , a déclaré sur X que Joe Biden ne pouvait pas, selon lui, se retirer de la course sans se retirer de la présidence également. « Sil ne brigue pas la réélection, cela équivaut à admettre que le président Trump avait raison depuis le début de dire que Joe Biden n'était pas suffisamment capable mentalement pour servir comme commandant en chef », a-t-il écrit.

« Joe Biden-l'escroc n'était pas en état de se présenter, et il n'est certainement pas fait pour diriger - et il ne l'a jamais été ! » a commenté Donald Trump sur son réseau Truth Social, en accusant sans fondement son ex-adversaire d'avoir obtenu la Maison-Blanche « avec des mensonges, des fake news, et sans quitter sa cave ». « Tout son entourage, y compris son médecin et les médias, savait qu'il n'était pas capable d'être président », a-t-il enfoncé le clou.

Les républicains ont tout intérêt à garder comme adversaire un vieil homme affaibli. Ils veulent également voir les démocrates divisés au moment où eux sont unis.

Les accomplissements du mandat Biden

Joe Biden a rappelé dans sa lettre aux Américains les accomplissements de son mandat, qui ne sont pas minces. L'Amérique a « l'économie la plus forte du monde », s'est-il vanté, rappelant, notamment, les « investissements historiques pour reconstruire », la baisse programmée du coût des médicaments, l'extension de la couverture santé, « la loi la plus significative pour le climat dans l'histoire du monde », la « revitalisation » et le « renforcement » des alliances internationales de l'Amérique.

Il ne va pas se croiser les bras d'ici à novembre. Dès son retour à Washington, Joe Biden va devoir gérer un dossier difficile, avec la visite du Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou. Depuis la riposte d'Israël aux attaques du Hamas le 7 octobre, Joe Biden est critiqué de tous les côtés : par son électorat, d'abord, soucieux du sort des populations civiles à Gaza.

Joe Biden est également attaqué par les républicains, qui dénoncent sa décision de retenir un temps la livraison de bombes à Israël ; et il est critiqué, aussi, par le Premier ministre israélien, défiant à l'égard de Washington, quand bien même les Etats-Unis financent très largement la sécurité d'Israël et même si Joe Biden a oeuvré pour faire adopter par le Congrès un nouveau paquet d'une quinzaine de milliards de dollars d'aide supplémentaire à Israël.