3024-cette famille de Cahors doit payer l’électricité verte qu’elle produit !!! ??? 2 posts
"C’est un crève-cœur de devoir arrêter le moulin" : pourquoi cette famille de Cahors doit payer l’électricité verte qu’elle produit
Saint James est un moulin accroché aux berges du Lot, à Cahors, qui produit de l’électricité hydroélectrique. Certains jours, le cours négatif de l’électricité oblige les propriétaires à mettre leur centrale à l’arrêt.
Comme tous les territoires, le Lot rêve de produire plus d’énergie verte : les ressources hydrauliques et photovoltaïques constituent ses principaux gisements… Mais entre la volonté d’une production électrique vertueuse et la réalité, se cachent des méandres administratifs et financiers surprenants. C’est sur les rives du Lot, au Moulin Saint-James, à Cahors, que la famille Taillefer témoigne de cette expérience où tout n’est pas un long fleuve tranquille.
En amont de leur histoire, il y a le rachat de cette vieille bâtisse où les turbines sont à l’arrêt. « On est en 2006. Il nous faudra près de deux ans pour restaurer les canaux d’eau, les mécanismes et les turbines situées sous le moulin. La production électrique est lancée en 2008. En 2011 et 2012, nous investissons dans de nouveaux alternateurs », raconte Guilhem Taillefer. Un joli projet pour une famille passionnée qui s’est épuisée à la tâche, restaurant et réhabilitant le moulin à "la force de ses bras", pour amortir au mieux son lourd investissement. Ensuite, on imagine qu’il ne reste qu’à laisser faire le courant et que c’est dans la poche. Hélas, ce n’est pas si simple.
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Un moulin en capacité de produire 700 000 KWatts / an en moyenne
Prenons cette année 2024 jusque-là plutôt bien arrosée, et laissons Guilhem Taillefer nous expliquer : « Il y a un niveau d’eau plus élevé que d’habitude dans la rivière. D’ailleurs, en ce mois de juillet, nous avons déjà atteint la production réalisée sur toute l’année 2023, ce qui est vraiment exceptionnel. Pourtant, on ne fait pas de chiffre sur la production électrique que nous injectons dans le réseau national. Pire, si je laisse le moulin produire, certains jours, je dois payer cette électricité verte que j’injecte dans le réseau ». Incroyable, une histoire à en perdre la raison… Car, cette centrale assure une production équivalente à la consommation électrique de 300 personnes sur une année.
Voilà donc Cahors dotée d’un moulin en capacité de produire 700 000kWatts / an en moyenne sur la base de 8 000 heures de production, qui est mis à l’arrêt tous les 15 jours à trois semaines, les week-ends aussi pour ne pas payer une facture pour l’électricité gratuite fournie.
« C’est une année terrible pour le moulin, admet le propriétaire, car nous sommes sur une période de rachat de l’électricité négative. En 2022, année de fortes chaleurs et de sécheresse, nous avons eu un bien meilleur rendement car nos tarifs contractuels étaient fixes. Mais ce contrat a pris fin, nous voici certains jours à devoir payer 10 €/MW produit. Car, tout dépend du cours boursier de l’électricité sur EPEX SPOT. Au sein de la petite coopérative de producteurs, nous sommes donc soumis aux aléas des marchés financiers. Parfois, quand le tarif passe en négatif à 2 heures du matin, nous nous levons pour mettre le moulin à l’arrêt. C’est un crève-cœur. Nous sommes en capacité de produire de l’énergie verte et on l’arrête ».
On est encore loin de la période estivale d’étiage
À cela s’ajoute un système de prélèvement de l’État ; ou encore une taxe IFER (NDLR : l’IFER s’applique aux centrales de production d’énergie électrique d’origine photovoltaïque ou hydraulique dont la puissance est supérieure ou égale à 100 kilowatts.) « On paie l’eau qui passe par le moulin, alors qu’on ne l’a ni polluée, ni consommée, qu’on produise ou qu’on ne produise pas », résume Guilhem Taillefer.
Quant à l’étiage cet été, le propriétaire est plutôt confiant, les barrages en amont sont encore bien remplis. « À ce jour, pour un mois de juillet, le niveau du Lot est normal. Il faudra attendre mi-août/mi-septembre pour voir arriver la période d’étiage », reconnaît-il.