EDITO. Tentative d’assassinat de Donald Trump : ce monde-là fait peur
Trump debout, du sang sur le visage, le poing levé et le regard noir : voilà l’Amérique héroïque, celle des westerns et des guerres, qui offre un visage de légende à son peuple médusé. Tout semble inéluctablement écrit dans cette campagne présidentielle : un Joe Biden adversaire vieilli et bafouillant face à l’inaltérable milliardaire, vainqueur de l’adversité, des mauvais procès sur commande, des fourberies et des chausse-trappes de l’élite, gladiateur toujours debout face aux forces du mal qui voudraient l’abattre. Le portrait est forcément trop beau pour être honnête, et pourtant, aujourd’hui, à la grande convention républicaine de Milwaukee, c’est au « héros invincible » que ses supporters galvanisés feront le plus tonitruant des triomphes. America First ! Donald Trump first !
L’attentat auquel l’ancien Président vient d’échapper témoigne du degré de violence dans lequel se noie désormais la démocratie américaine.
Sans doute, il ne faut pas oublier que l’histoire des Etats-Unis s’est écrite dans une culture de la violence, à la force des muscles et des colts, des tumultes et des carnages, d’une guerre civile ô combien meurtrière, et que cette démocratie que nous louons volontiers s’honore tout de même de l’assassinat de quatre de ses Présidents – Abraham Lincoln en 1865, James Garfield en 1881, William McKinley en 1901 et John Fitzgerald Kennedy en 1963 –, enfin qu’elle érige en droit fondamental la possession et l’éventuelle utilisation d’armes à feu garanties par le deuxième amendement de la Constitution auquel on ne touche pas.
Précisément, Donald Trump en bon républicain a toujours défendu le puissant lobby des armes à feu, quels qu’aient été le nombre de fusillades, dans les écoles ou les centres commerciaux, ayant régulièrement défrayé la chronique. Et il est certain que l’attentat dont il vient d’être victime ne changera rien dans ses convictions.
De même, il ne changera pas la brutalité de ses propos qui conforte sa séduction auprès des classes moyennes « trumpisées ». Il n’est qu’à se souvenir de l’assaut mené contre le Capitole, le 6 janvier 2021, par ses partisans les plus radicaux – tentative de coup d’Etat d’une sorte de cour des miracles qu’il n’a jamais finalement condamné, et qui témoigne de l’attachement viscéral d’une partie de ses troupes.
Autant dire que le candidat Trump ne s’embarrasse guère des fioritures qui, selon lui, encombrent la démocratie. Fort face à plus faible que lui, il brutalise qui ose l’affronter, selon la très vieille stratégie de la conquête de l’Ouest. Certes, quand les nerfs sont à vif dans une société fracturée où les loups se font face, il arrive que la violence un jour l’atteigne à son tour. Après tout, une simple blessure à l’oreille, c’est le prix que doit payer le « héros » pour (sans doute) redevenir l’homme le plus puissant du monde. Et avouez que ce monde-là fait peur.