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Hubert Védrine : L’Otan « plus en forme, mieux armée »

 

Pour l’ancien ministre des Affaires étrangères, le sommet de l’Otan est dominé par une question centrale : que feront
les alliés européens des États-Unis si ceux-ci changent de ligne sur l’Ukraine ?

 

 

Pour Hubert Védrine, Emmanuel Macron a eu raison d’aller au sommet de l’Otan à Washington malgré la situation 

politique volatile en France. LAURENT THEILLET /SUD OUEST

 

 

Emmanuel Macron a-t-il eu raison de se rendre au sommet de l’Otan à Washington alors que la situation
politique en France est volatile?


Oui, bien entendu. Le président de la République est dans son rôle. Et je rappelle qu’il est informé en temps réel de ce qui se passe à Paris. Personne ne comprendrait qu’il n’assume pas sa fonction surtout quand la situation mondiale est aussi sérieuse. Un sommet international est une chose sérieuse et puisque la plupart des Français ne se soucient pas en général de ce genre de sujet, mieux vaut se placer du point de vue des partenaires de la France.


Je vous pose donc la question : que peuvent penser ces partenaires alors que le président français a subi un échec politique interne ?


Ils gardent leur sang-froid. Ils savent qu’Emmanuel Macron est élu jusqu’en 2027 et que dans une assemblée de 32 pays comme l’Otan, il se trouve toujours un ou des pays qui traversent des crises internes. C’est le cas en France en ce moment.


Oui, mais une cohabitation à Paris ne va-t-elle pas limiter la capacité d’initiative de Macron ?
Je ne crois pas. La situation qui se prépare n’est pas une cohabitation comme celles de Mitterrand-Chirac, Mitterrand-Balladur ou Chirac-Jospin. J’ai connu les trois. Cette fois, aucun parti opposé à Macron n’a la majorité. Ce n’est pas la même chose. Pour les partenaires étrangers, la France reste la France et n’est pas le seul pays à traverser des turbulences : c’est le cas aux États-Unis et croyez moi, ce sujet est autrement plus discuté au sommet de Washington. Car la vraie question, c’est l’élection américaine de novembre et un éventuel retour de Donald Trump à la Maison-

Blanche.
On peut parier que la santé de Joe Biden, qui a flanché lors de son débat télévisé contre Trump, doit être
scrutée…


Bien sûr car c’est la même question. Sur ce sommet de l’Otan plane l’inconnue du choix des électeurs américains
et un éventuel changement politique dans le soutien à l’Ukraine.


Ce soutien à Kiev est réaffirmé, n’est ce pas ?


Oui, et il a été décidé que le soutien à Kiev de chacun des alliés est désormais centralisé par l’Alliance atlantique.
Il est pérennisé mais en même temps, chacun sent bien que si Trump est élu, et même si Joe Biden parvenait à être réélu, il n’y aura pas de nouveau plan américain massif pour l’Ukraine comme celui de 61 milliards de dollars accordé au
printemps. La question qui est dans les têtes au sommet de Washington est de savoir si les Européens seraient
capables de prendre le relais. Ces derniers savent que ce sera difficile même s’ils consacrent davantage de moyens à leur défense [23 pays sur 32 dépassent désormais les 2 % du PIB pour la Défense, NDLR].


Ce sommet est le dernier pour Jens Stoltenberg qui va céder sa place de secrétaire général de l’Otan à Mark
Rutte. Est-ce que cela change quelque chose ?


Non, cela ne change rien. Il est de tradition que le secrétariat général soit entre les mains d’un Européen mais l’Otan est une alliance militaire dont la colonne vertébrale est le Pentagone et les moyens militaires des États-Unis. Là encore, un éventuel changement se jouera à l’élection américaine de novembre.


L’Alliance, fondée en 1949 au début de la Guerre froide, a 75 ans. Comment se porte-t-elle ?


Lorsque Emmanuel Macron avait parlé de sa « mort cérébrale », c’était,parce qu’elle se montrait incapable de régler un différend entre la Grèce et la Turquie. L’Otan a été créée pour faire face à la menace soviétique. Quand celle-ci s’est évaporée, les alliés se sont endormis. Vladimir Poutine les a réveillés, entraînant même l’entrée de la Suède et la Finlande qui étaient neutres. La voilà plus en forme, mieux armée et mieux organisée.


Le Hongrois Orban, installé à la présidence tournante de l’Union européenne, en a profité pour rendre visite
à Poutine sans mandat. Qu’en pensez-vous ?


Cette présidence est sans grande importance, ce qui relativise la portée du voyage. Cela fait longtemps que la Hongrie milite pour un accord avec Moscou mais ce n’est pas elle qui fixe la ligne. Sur ce sujet, la vraie question non réglée est de savoir quelle sera la position du prochain président américain, et ce que feront les alliés européens si l’Amérique change un peu de ligne et les pousse à jouer un rôle plus grand pour la défense de l’Europe.

 

Christophe LUCET Sud-Ouest



11/07/2024
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