Par Alexis Lambalieu Sud-Ouest
 
 

Dimanche 7 juillet, les électeurs se rendront une nouvelle fois aux urnes pour le second tour des législatives. Si l’arc républicain a déjà permis de réduire le nombre de triangulaires pour faire face au Rassemblement national, le pays pourrait devenir ingouvernable avec trois blocs irréconciliables

 

Majorité relative ou absolue ? Coalition ? Blocage institutionnel ? À quatre jours du verdict du second tour des élections législatives, le suspens est total sur les conséquences du vote de ce dimanche 7 juillet. En faisant le choix de dissoudre l’Assemblée nationale, Emmanuel Macron a décidé de « faire confiance au peuple français » pour répondre à la colère des élections européennes et espérer retrouver une majorité confortable au Palais Bourbon. Mais le « sursaut démocratique » attendu s’est surtout transformé en pari perduArrivé en troisième position avec 21 % des voix au soir du premier tour, le camp présidentiel doit désormais tout reconstruire et déjà penser à l’après Macron. Si une cohabitation semble inévitable, quelques autres scénarios se dessinent pour l’après second tour. Tour d’horizon.

 

 
A trois jours du second tour d’élections législatives historiques en France, déjà marquées par une poussée sans précédent de l’extrême droite, l’incertitude règne sur le futur visage du pays, menacé d’affaiblissement voire d’ingouvernabilité

Majorité absolue

C’est l’hypothèse la plus claire d’un point de vue institutionnel. L’un des trois gros blocs (Nouveau Front populaire, Ensemble ou Rassemblement national) remporte au moins 289 sièges à l’Assemblée, suffisants pour gouverner le pays. Une majorité absolue pour le NFP ou le RN provoquerait pour la quatrième fois dans l’histoire de la Ve République une cohabitation entre le président de la République et un Premier ministre d’un parti politique différent. Dans ce cas et selon l’article 8 de la Constitution, Emmanuel Macron devra nommer celui qui occupera Matignon, même s’il doit le choisir, dans les faits, au sein de la majorité parlementaire. Il présiderait toujours le Conseil des ministres, pourrait signer des ordonnances et aurait tout de même son mot à dire sur les postes clés à la Défense et aux Affaires étrangères.


 

En cas de victoire du Rassemblement national au soir du 7 juillet, c’est Jordan Bardella qui fait figure de grand favori pour le poste de Premier ministre. « J’entends être un Premier ministre de cohabitation, respectueux de la Constitution et de la fonction du président de la République, mais intransigeant sur la politique que nous mettrons en œuvre au service de la France », a-t-il déclaré peu de temps après l’annonce des résultats du premier tour, où son parti est arrivé en tête avec près de 34 % des suffrages.

 

 

Si le Nouveau front populaire sort grand vainqueur de cette élection, l’équation est plus complexe. Les différents partis au sein du mouvement ne sont pas en accord sur le potentiel futur Premier ministre. Jean-Luc Mélenchon, pressenti en 2022, suscite désormais beaucoup de défiance de la part de ses alliés. Ni Marine Tondelier, ni François Ruffin, ni Fabien Roussel, ni Raphaël Glucksmann, ne souhaitent voir l’insoumis à Matignon. Au sein des différents partis qui composent l’alliance de gauche, le PS, LFI, le PCF et les Écologistes, « il y a un accord pour dire que le Premier ministre devra être trouvé au consensus parmi les différentes forces politiques », affirmait Tondelier.

Majorité relative

Si aucun des trois blocs n’obtient plus de la moitié des sièges dans l’hémicycle, le camp arrivé en tête a de fait une majorité relative. Une situation comme celle que connaît le pays depuis 2022, difficile à gouverner, tant le gouvernement doit convaincre les autres partis politiques pour faire adopter des lois. En témoigne le nombre de 49-3 utilisés sous le mandat d’Élisabeth Borne.

 

 
Comme prévu, le président de la République a perdu son pari solitaire de la dissolution et se retrouve isolé à l’Élysée face à un RN en pleine dynamique électorale. Après son succès du premier tour, un front républicain semble se reconstruire

Dans ce cas de figure, le président de la République nomme aussi le Premier ministre, issu de la majorité, afin d’éviter d’être sous la menace permanente d’une motion de censure. Arrivé en tête des intentions de vote au premier tour, le camp lepéniste est en pole position pour obtenir cette majorité relative, devant le Nouveau front populaire et le camp macroniste. Jordan Bardella a explicitement déclaré qu’il n’accepterait pas le poste de Premier ministre s’il n’a pas une majorité absolue, ne souhaitant pas « être un collaborateur du président ». De son côté, La France insoumise a également déclaré qu’elle ne participerait pas à un gouvernement de coalition avec la majorité.

 

Législatives 2024 : sans majorité, Macron, un Jupiter empêché
Après avoir perdu sa majorité dans cette dissolution, le chef de l’État va aussi voir son influence se réduire. Conséquence de cette cohabitation qui se profile, le pouvoir va quitter l’Élysée pour Matignon. Un saut dans l’inconnu pour celui qui préside le pays depuis sept ans

« Assemblée plurielle » et coalition

Avec trois blocs potentiellement irréconciliables le soir du 7 juillet, le risque du blocage institutionnel est fortement envisageable. Pour éviter que le pays ne soit à l’arrêt pendant les deux prochaines années (en attendant l’élection présidentielle de 2027), le camp présidentiel, notamment Gabriel Attal, défend l’idée d’une « Assemblée plurielle », un groupe mené par la majorité sortante (Ensemble) autour duquel pourraient se rallier d’autres partis.

ANALYSE. Législatives 2024 : face au RN, jusqu’où peut aller une grande coalition de la gauche à la droite ?
 
L’idée d’une grande coalition de la gauche à la droite en passant par les macronistes chemine. Mais ce scénario suppose que le RN n’obtienne pas la majorité absolue. Et si tel est le cas, encore faudra-t-il que ses adversaires réussissent à s’entendre. La perspective d’un pays ingouvernable pourrait les y aider
 

Si ce front républicain réussit à maintenir le parti de Marine Le Pen à l’écart du pouvoir, se posera donc la question de qui gouverne la France. Encore faut-il trouver une figure assez forte et capable de rassembler le PS, les Verts, certains LR (ceux qui n’ont pas suivi Éric Ciotti et son alliance avec le RN) et les partis de la majorité actuelle. Sachant que la future Assemblée, qui n’aura donc aucune majorité évidente, ne pourra pas être dissoute avant un an. La présidente sortante de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet, a appelé à une « grande coalition allant des LR aux écologistes et aux communistes ». En attendant l’heure de vérité du second tour, aucun opposant au pouvoir macroniste ne s’aventure à endosser une telle hypothèse.

Gouvernement de techniciens et « a minima »

Dans ces élections au verdict encore inconnu, une autre possibilité circule : un gouvernement de techniciens. Une version édulcorée qui permettrait aux politiques de moins s’exposer, composée de hauts fonctionnaires ou experts sans étiquette partisane. Une situation déjà testée en Italie où l’ex-président de la Banque centrale européenne Mario Draghi a pu gouverner en période de crise politique avec le soutien des principaux partis.

 

 

Dans tous les cas, cette coalition permettrait de « gouverner a minima », sans grande ambition réformatrice mais pourrait au moins faire adopter le budget pour rassurer les marchés. Avec tout de même un risque : faire encore plus monter le Rassemblement national, s’il décide de se réfugier dans l’opposition.