Éditorial Christophe Lucet
Sud-Ouest

Le retour du Labour, message pour la France et l’Europe

Promis à une victoire large, et sans doute historique, le Labour
(Parti travailliste) devrait offrir aux Britanniques une de ces
alternances « normales » entre droite et gauche dont les Français
ont perdu l’habitude et peut-être le secret. Et tandis que le
Royaume-Uni s’apprête, malgré le bruyant retour du trublion nationaliste
Nigel Farage à la tête de son parti Reform UK, à tourner la longue
page du Brexit, la France affronte à son tour un moment de crise aiguë
et de vertige.

Certes, le Rassemblement national a abandonné en apparence son
impopulaire projet de Frexit. Mais tout dans son programme rappelle
le slogan des Brexiteurs, qui voulaient « reprendre le contrôle ». Leur
victoire de juin 2016, étroite mais fracassante, a été suivie par huit années
chaotiques qui ont miné le Parti conservateur et ont laissé un goût
amer, y compris à ceux qui s’étaient laissés tenter par le choix d’une
rupture nationaliste avec leurs partenaires européens.

Keir Starmer, qui va remplacer Rishi Sunak au 10, Downing Street, s’est
bien gardé de promettre un nouveau référendum. Mais il est acquis que
le prochain Premier ministre de sa Majesté va s’empresser de
resserrer les liens distendus avec le continent, actant l’échec
d’une politique orgueilleuse qui a largement contribué à appauvrir
le pays, en plus des conséquences de la pandémie et de la
guerre en Ukraine sur le niveau de vie des Britanniques.

Cette élection au Royaume-Uni, anticipée elle aussi mais attendue,
prise en sandwich entre les tours de nos législatives, va-t-elle inspirer le
peuple français ? Dans un commentaire remarqué sur la situation
politique chez le voisin français, Keir Starmer a souligné qu’à son avis,
la leçon à tirer du premier tour des législatives en France était la nécessité
« de répondre aux préoccupations quotidiennes des gens ». Ce
conseil-là, tous les partis français sont sans nul doute prêts à l’entendre.
Mais l’austère et raisonnable chef du Labour britannique en donne un
autre : il est périlleux de promettre aux électeurs plus qu’on ne pourra
tenir. Venant du futur chef d’un pays qui revient de loin et qui a du
chemin à faire pour rendre du pouvoir d’achat, des services publics
décents et de l’espoir à ses citoyens, il serait bon que ce conseil d’ami
soit reçu cinq sur cinq de ce côté de la Manche par tous ceux qui, par la
voie d’une majorité nette ou au sein d’une coalition, aspirent à exercer
le pouvoir.