L’hypothèse d’une instabilité chronique de la vie politique française sera-t-elle démentie dimanche soir 7 juillet lors du dépouillement des votes ? C’est l’une des inconnues majeures de la campagne électorale la plus surprenante de la Ve République. La brièveté de son cours engendre une configuration difficile à prévoir, pas seulement à cause des triangulaires.

Marine Le Pen – le personnage politique dont on parle le plus aujourd’hui chez nos voisins et partenaires – prétend que les urnes révéleront « un tsunami » qui emportera tout sur son passage. À l’entendre, sa majorité absolue allant bien au-delà des 289 sièges nécessaires, étiquetés RN, permettra d’asseoir solidement le pouvoir de l’extrême droite en France. Évidemment, plus que jamais, le vocable d’extrême est démenti par celle qui prétend servir la cause de la « droite nationale et patriote ». Son poulain de 28 ans est si sûr du bon alignement des planètes qu’il peut se permettre de faire la fine bouche. En cas de majorité relative, Jordan Bardella n’ira pas à Matignon. Trop risqué. Ce qu’il veut, c’est le pouvoir absolu d’un groupe parlementaire mastodonte, taillé pour contrecarrer toute motion de censure de ses adversaires coalisés.

À gauche, malgré des gages donnés sur le financement du programme, le réalisme empêche de croire que 289 députés puissent miraculeusement sortir du chapeau NFP – Nouveau Front populaire. Ces deux blocs laisseraient-ils aux autres un espace riquiqui ? Pas si simple à calculer, car les macronistes ont encore des rêves nourris des peurs des extrêmes. Quant aux Républicains classés « tout sauf Ciotti » ils certifient qu’ils sauront tenir leur rang…

Dans ce contexte, l’hypothèse de l’instabilité alimente bien des incertitudes, en particulier pour la santé économique du pays, pour la crédibilité de la carte diplomatique française au sein de l’UE et sa place dans le monde. Pour lutter contre la perspective annoncée d’une France qui aurait perdu la boussole, les états-majors politiques s’activent à rassurer sur leur capacité à faire face aux responsabilités dictées par les bulletins de votes en grand nombre.

« Le concours de beauté » devant le Medef, jeudi matin, a montré que nombre de poids lourds du patronat ont changé de lunettes. Le RN serait devenu plus « business compatible » alors que les représentants de gauche restent suspectés d’être ennemis du capitalisme, sous la domination des partisans de Mélenchon. Entre « deux maux » les représentants des intérêts économiques et financiers ont fait leur choix sans forcément l’afficher sur la place publique. Le RN et ses porte-voix ne seraient plus tout à fait des pestiférés pour le patronat, pas seulement du côté des petites entreprises, conscients qu’ils sont de l’assise de sa base sociale. Ajouté à cela le fait que le monde de l’économie a horreur de l'instabilité politique, facteur de troubles.

L’enjeu des contacts tous azimuts développés par le RN comme par les représentants de la social-démocratie au sein du Nouveau Front populaire, en direction du monde de l’entreprise, vise à démontrer la crédibilité d’une alternance sans heurts concernant notamment les projets d’investissements. La stabilité versus l’instabilité restera au cœur des trois semaines d’ici au premier dimanche de juillet.

Après, Emmanuel Macron sera-t-il arbitre du jeu ? Pas sûr. Mais orchestrer la marginalisation de son rôle n’est pas, non plus, une carte rassurante pour la stabilité des institutions et donc du pays. Il reste trois ans. L’espace d’un scénario de cohabitation en version inédite…