S’il n’avait précipité le pays dans une crise politique sans précédent et entrouvert la porte du pouvoir au RN en décidant la dissolution de l’Assemblée, ou pourrait soupçonner Emmanuel Macron de regarder le chaos qu’il a provoqué comme un enfant s’amuserait d’avoir botté dans une fourmilière.

Plus grand-chose ne tenait vraiment debout depuis 2017, et ce qu’il restait des vestiges de « l’ancien monde » est sur le point de s’écrouler. Le chef de l’Etat avait prévu de s’exprimer ce mardi, mais le séisme qu’il a déclenché est tel qu’il attendra un jour de plus pour laisser la poussière retomber et l’horizon se dégager.

Quel spectacle de désolation, ou peut-être d’espoir, allons-nous voir apparaître trois jours après l’annonce fracassante et inattendue de dimanche soir qui, en un clin d’œil, a fait trembler la France sur ses fondations républicaines ?
Dans son allocution aux Français, le chef de l’Etat a expliqué ne pas pouvoir faire « comme si de rien n’était » à propos du résultat des élections européennes, il a évoqué « la fièvre et le désordre » qui se sont emparés du débat parlementaire, et a donc considéré la dissolution comme un moyen de clarification de la vie publique. Elle est déjà à l’œuvre, « ainsi que la recomposition du paysage politique et la sortie des faux-semblants », nous indique l’entourage du Président : « Les forces républicaines d’un côté, les forces extrémistes de l’autre ».

Il sera question de l’émergence de cette bipolarisation nouvelle à l’occasion de la conférence de presse prévue ce mercredi, au lendemain de l’annonce par le patron des Républicains de son intention de conclure une alliance avec le Rassemblement national pour les élections législatives. Si ses espoirs de conquérir Matignon se réalisent, Jordan Bardella a trouvé en Eric Ciotti son ministre de l’Intérieur. Les ténors de LR peuvent toujours invoquer « une décision personnelle », condamner la faute commise et appeler à la démission du félon, le mal est fait.
La porosité entre les deux formations politiques est actée, une brèche est ouverte, et le parti qui en cultivait l’héritage trahit les valeurs du Gaullisme et signe peut-être son arrêt de mort.

C’est aussi les grandes manœuvres à gauche. À cet instant, elle pense devoir s’unir par tous les moyens, avec des discussions en cours à propos d’un « Front populaire » qui rassemblerait autour du PS, de LFI, du PCF et de EELV la plupart de ses formations. Les résultats des Européennes ont rebattu les cartes de ce côté-ci de l’échiquier politique si bien que les négociations pourraient déboucher sur un accord plus proche du programme commun de 1972 dans les rapports de force, que sur une version 2 de la Nupes rejetée par les socio démocrates. Pour que les coalisés topent, les Insoumis devront en rabattre par rapport à 2022.

Et le camp présidentiel dans ce grand chamboule tout ? On croit savoir qu’il consacre tous ses efforts… à sa survie.