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Ciotti et Le Pen, la crise de trop chez LR
Le chemin de croix des Républicains (LR) qui, en sept ans, a
vu la droite de gouvernement se racornir jusqu’à l’os, se
poursuit. On saura plus tard si Éric Ciotti a planté ou non le
dernier clou du cercueil. Mais si son choix de proposer une
alliance électorale au Rassemblement national aux législatives des
30 juin et 7 juillet devait, in fine, permettre à LR de sauver des sièges
à l’Assemblée, ce serait au prix d’une rupture avec l’ADN de ce parti
conservateur, libéral et social marqué par le gaullisme.
Que le président de LR depuis fin 2022 tende la main au RN n’est à
vrai dire pas surprenant : tenant d’une ligne dure sur la sécurité et
l’immigration proche, pour ne pas dire identique, à celle des lepénistes,
le député des Alpes-Maritimes sait que dans son département
et ailleurs, la porosité entre les deux électorats est forte. Et il a bien
vu que le glissement de ses troupes vers la liste de Jordan
Bardella s’est mué le 9 juin en véritable exode.
Son choix de proposer une alliance aux triomphateurs de
l’heure pourrait sembler un acte de réalisme politique.
Encore eût-il fallu que ce rapprochement, auquel lui-même
s’opposait encore vertement fin 2021 lorsqu’il briguait la candidature
LR à la présidentielle (perdue contre Valérie Pécresse), soit débattu
en interne. Ciotti a préféré passer en force le Rubicon et la colère qui
a saisi les poids lourds de LR, y compris son allié Laurent Wauquiez,
tourne à la crise existentielle.
Dans la France de 2024, l’idée d’un « cordon sanitaire » autour de
l’extrême droite ne tient plus, étant donné l’ancrage de millions de
Français dans un vote protestataire devenu vote d’adhésion. Un
tabou a sauté, et le patron de LR peut arguer qu’il ne fait que prendre
acte d’une « normalisation » du RN en refusant de faire la morale à
ses électeurs. Soit. Mais le faire dans l’urgence et dans le dos de ses
amis ressemble à un reniement et à une reddition en rase campagne.
Dévitalisée depuis l’émergence du macronisme, prise en étau entre
la majorité sortante et les héritiers de Jean-Marie Le Pen, la droite
républicaine, celle de De Gaulle et Pompidou, Giscard et Barre,
Chirac et Seguin, Balladur et Sarkozy, est en mode survie. Le 9 juin
aux européennes, elle était parvenue à sauver les meubles en gardant
une forme de cohérence. Mais la crise interne dans laquelle
l’enfonce la décision solitaire de son chef actuel risque d’être celle de
trop.
Christophe LUCET édito Sud-Ouest