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La Nouvelle-Calédonie et le sanglot de l’homme blanc
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par Franz-Olivier Giesbert, pour Le Point - mai 2024 Republié par Jal Rossi
Concernant la Nouvelle-Calédonie, ne soyons pas dupes de l’«alliance objective» des «décoloniaux», de la gauche radicale et des indépendantistes, sans oublier le jeu trouble de la Chine et de l’Azerbaïdjan.
Il y a un racisme antiblanc comme il y a un racisme antinoir. Il se trouve pourtant beaucoup de Français pour en douter. Or, cette évidence devrait aveugler tout le monde, à moins de penser, non pas avec sa cervelle, mais avec une idéologie.
Faisons-nous face, en Nouvelle-Calédonie, à un suprémacisme kanak ? Peuple migrant, les Lapitas, premiers habitants de l'archipel, sont arrivés il y a trois mille ans sur des pirogues. Ils sont les ancêtres des Kanaks que la France a colonisés à partir de 1853, sous Napoléon III, et dont un collectif qualifié de mafieux par Gérald Darmanin réclame ces jours-ci à grands cris l'indépendance.
Si la colonisation n'est pas en soi un crime contre l'humanité, n'en déplaise à Emmanuel Macron, elle n'est certes pas ce que la France a fait de mieux. Célébrée par de nombreuses personnalités marquées à gauche, d'Hugo à Blum en passant par Ferry, elle consista, d'une certaine façon, à faire le «bien» des peuples malgré eux, tout en leur faisant les poches. En ce qui concerne la Nouvelle-Calédonie, elle la transforma en méga-bagne pour ses condamnés avant d'exploiter ses mines de nickel, minerai dont les cours viennent de s'effondrer.
Tout n'est pas toujours la faute de Macron : sur la tragédie actuelle de la Nouvelle-Calédonie, on ne peut décemment pas incriminer le président et son gouvernement. Ils ont fait ce qu'ils ont pu – peu –, comme n'importe quel autre pouvoir à leur place. Après les accords de Matignon avec Rocard, en 1988, puis ceux de Nouméa avec Jospin, en 1998, une nouvelle ère s'est ouverte entre la France et l'archipel, qui a eu droit à plus d'autonomie, de crédits, de subventions, etc. Sans parler d'un système électoral provisoire privilégiant les Kanaks : avec seulement 41,2 % de la population, ils pouvaient imposer leur loi.
En excluant du droit de vote les électeurs ne résidant pas depuis 1998 en Nouvelle-Calédonie – soit près d'une personne sur cinq –, la France privilégiait les citoyens «de souche» et instituait, selon les ennemis de cette réforme temporaire, une sorte d'apartheid électoral à l'envers, au détriment des Français d'origine européenne qui, de couleur ou pas, étaient considérés comme des étrangers. C'était bafouer la démocratie et le suffrage universel, mais c'était aussi un mal pour un bien : le prix à payer pour calmer les esprits et trouver une solution durable après la décennie d'insurrections à répétition des années 1980.
«Non à l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie» : tel a été le résultat de trois référendums successifs dans des conditions qui ne pouvaient que satisfaire des indépendantistes, même si, après avoir réclamé le dernier, ils l'ont finalement boycotté. Arrivé au bout du processus, il fallait revenir à l'état de droit et «dégeler» enfin le corps électoral figé depuis l'accord de Nouméa, il y a plus d'un quart de siècle. C'est précisément ce que refusent les Kanaks pour qui, apparemment, la Nouvelle-Calédonie n'est pas la France : si le droit du sol prime en métropole, c'est, au contraire, le droit du sang qui doit prévaloir en Nouvelle-Calédonie, où l'obsession des indépendantistes et des «décoloniaux» est d'empêcher sur leur archipel un «grand remplacement» par des Européens, blancs ou pas, qui n'ont rien à y faire.
Voilà bien la tartufferie des «décoloniaux» et de la gauche radicale : qu'importent les accords passés, la démocratie doit s'adapter à leurs objectifs, le suffrage universel n'est valable que s'ils l'emportent. Sinon, c'est l'émeute, comme ces temps-ci, avec le soutien logistique de dictatures très actives en Nouvelle-Calédonie, en particulier la Chine et l'Azerbaïdjan, des régimes qui ne cherchent, comme chacun le sait, que le bonheur de l'humanité. L'archipel est un enjeu stratégique, et pas seulement à cause du nickel, dont il est le troisième producteur mondial. Sa zone maritime représente 19 % d'un domaine qui fait de la France la deuxième puissance sur les mers et les océans après les États-Unis.
Allons-nous vivre une nouvelle guerre d'Algérie ? L'affaire n'a sans doute rien à voir. Avant l'indépendance, il y avait 1 million de pieds-noirs contre 9 millions d'Algériens d'origine arabe ou berbère. Ce qui amenait de Gaulle à résumer ainsi la situation, à propos des Français d'Algérie : «Ils sont trop pour partir et pas assez pour rester.» D'où la tragédie. Les proportions ne sont pas les mêmes en Nouvelle-Calédonie, loin de là ; les Kanaks y sont même minoritaires. Misère de la politique : Macron est donc condamné à renouer le dialogue et à remettre, sans perdre courage, l'ouvrage sur le métier. Rien n'est gagné. Avant toute chose, on conseillera au président de lire un grand classique, de surcroît prophétique, sur la colonisation et le décolonialisme : Le Sanglot de l'homme blanc, de Pascal Bruckner (1). Il y apprendra, s'il ne le sait déjà, que nous ne sommes pas toujours coupables de tout.
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«Le Sanglot de l'homme blanc. Tiers-monde, culpabilité, haine de soi», de Pascal Bruckner (Seuil, 1983).