Xi à Paris : comment traiter avec le géant chinois

C’est « derrière des portes closes » que les droits de l’homme
seront évoqués lors des échanges entre Emmanuel Macron
et Xi Jinping. En visite d’État à Paris pour marquer les 60 ans
de la reconnaissance de la Chine maoïste par la France
gaulliste, le numéro un chinois sait que la puissance de son pays est
désormais un bouclier efficace contre les critiques venues d’Occident.
Depuis des années, Pékin s’évertue comme d’autres autocraties, et avec
un certain succès, à expliquer que le modèle de l’État de droit et des
libertés hérité des Lumières ne serait pas universel.

Ce n’est l’avis ni des Tibétains – qui manifestaient à Paris dimanche
contre la venue de celui qu’ils nomment « le dictateur » – ni de la poignée
d'Ouïghours qui ont rappelé à leurs risques et périls le sort de la
minorité musulmane dont les citoyens sont « rééduqués » par centaines
de milliers dans des camps de travail au Xinjiang.
Mais que pèsent les voix dissidentes face au rouleau compresseur
d’un régime lancé dans son projet néo impérial ?

Le président de la République n’a pas non plus prévu de parler
ouvertement de Taïwan. Car malgré l’agressivité du régime
de Xi contre l’île rebelle, tout doit être fait pour que la première visite
en Europe du « grand timonier » depuis cinq ans soit un succès. Pour
cela, deux priorités sont ciblées – la paix en Ukraine et le rééquilibrage
commercial Europe-Chine – en prenant soin de les aborder en Européens,
ce à quoi le locataire de l’Élysée a veillé.

Mais qu’attendre de Xi ? L’an dernier, Macron l’avait déjà adjuré d’user
de « tous ses leviers » pour convaincre Moscou de cesser sa guerre
d’invasion. Sans résultat. Pékin n’encourage certes pas Poutine à s’obstiner,
mais, dans les faits, on voit mal comment la Russie peut persévérer
sans un appui tacite de la Chine, même si celle-ci semble rester à
distance du conflit.

Il est plus envisageable de faire bouger la ligne chinoise sur le commerce,
tant l’Europe reste sur ce terrain une vraie puissance lorsqu’elle
parle d’une même voix. Mais entre ceux qui voient toujours dans la
Chine un vaste marché à conquérir et ceux qui, avec réalisme, mesurent
les dégâts des exportations chinoises massives vers les secteurs
mal protégés du Vieux continent, la ligne des Européens n’est pas toujours
d’une grande clarté. Face au géant chinois, ils doivent bannir la
naïveté stratégique tout en gardant ouverts les canaux de négociation.
Sur ce point, la visite de Xi à Paris est un test.

                                         Christophe Lucet éditorial Sud-Ouest