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« Le nationalisme palestinien est vaincu mais Israël doit négocier »


Recueilli par Christophe Lucet Sud-Ouest (extraits)

Malgré sa force, Israël ne peut gagner une guerre que la Palestine a pourtant perdue.
Jean-Pierre Filiu, spécialiste du Moyen-Orient, éclaire ce paradoxe

 

 

Vous avez entamé ce livre avant l’attaque terroriste
du Hamas en Israël le 7 octobre 2023, mais celle-ci
n’a pas changé votre analyse d’une défaite palestinienne historique.
Pourquoi ?


Ce conflit oppose plus que jamais un fort (Israël) et un faible (la Palestine).
L’horreur du 7 octobre et de la guerre à Gaza confirme la trajectoire historique
d’une défaite du nationalisme palestinien. Pourtant, ses pertes
n’impliquent pas un gain pour Israël, qui, malgré un rapport de force écrasant,
vient de subir un choc terrible. Il faut sortir enfin de ce jeu à somme
nulle. La victoire qu’Israël est en droit de revendiquer ne se concrétisera
que par la solution à deux États qui accordera aux Palestiniens, malgré
leur faiblesse, un minimum de droits nationaux.


Face à la dynamique sioniste qui a fait naître l’État d’Israël en 1948, la
faiblesse palestinienne vient de loin.  Pourquoi ?


Dès les années 1920, la scène politique locale s’est scindée entre deux
grandes familles de Jérusalem, les Husseini et les Nashashibi. Et entre
1936 et 1939, la répression par les Britanniques de la grande révolte arabe
a contribué à décapiter le mouvement national palestinien, également
affaibli par les ingérences des États arabes voisins qui considèrent
que la cause de la Palestine est trop importante pour la laisser aux Palestiniens.
Il y a aussi le jeu des factions qui empêche un front uni…
Oui, la société palestinienne est organisée autour de la « hamoula », la
famille élargie. Lors de l’exode de 1948, un mécanisme de survie des réfugiés
a consisté à cultiver ces solidarités traditionnelles. Et face à la répression
continue des régimes arabes, les activistes palestiniens ont
choisi la lutte armée et la clandestinité. Outre que cela n’aide guère la démocratie
interne, cela a puissamment contribué à structurer les
factions, qui protègent leurs membres mais perdent de vue la globalité
de la lutte.
.....

 

Mahmoud Abbas, élu en 2005, n’a jamais remis en jeu son mandat. N’est il
pas aussi responsable ?


Si. Il a sa part dans le marasme du mouvement national et dans la tragédie
actuelle, car il a refusé d’organiser des élections en 2021 alors que les
Palestiniens avaient conclu un accord pour sortir enfin du déni de légitimité.
L’espoir était énorme, des gens se sont inscrits par milliers sur
les listes électorales. Ce refus a fermé l’horizon politique et déclenché des
émeutes qui ont fait le jeu des suprémacistes en Israël. Pourtant, il y a tout
lieu de croire que le Hamas aurait été battu, tant la férule islamiste a été un
« cauchemar dans le cauchemar »pour les habitants de Gaza. Yahya Sinouar,

l’artisan des massacres du 7 octobre, était d’ailleurs ravi que les
élections n’aient pas lieu.


L’extrême violence de la réaction israélienne
va-t-elle enfoncer un peu plus la région dans la guerre ?


Les fauteurs de guerre ont hélas intérêt à ce qu’elle continue – le Hamas,
mais aussi Benjamin Netanyahou, qui risque une condamnation pour
fraude, abus de confiance et corruption : le Premier ministre israélien est
hanté par le sort de son prédécesseur Ehud Olmert, qui a purgé seize mois
de prison, sachant que, pour lui, la peine pourrait être plus lourde. Ils
prétendent que la situation est inextricable alors que, dans ce dossier, le
plus lourd jamais discuté par la diplomatie internationale, on sait très
bien ce qu’il faut faire.


C’est-à-dire ?


Il faudra par exemple entériner l’annexion de blocs de colonies israéliennes,
conquises à l’intérieur des territoires occupés, et accorder des
compensations territoriales au futur État palestinien démilitarisé et démocratique.
Maintenant, il faut agir et aider les belligérants à sortir de cet
engrenage autodestructeur, sans quoi la prochaine guerre sera encore
plus effroyable encore. Israël doit rendre des territoires, mais solder le
conflit confirmera la victoire historique du projet sioniste. Il faut arrêter
le bain de sang et les Palestiniens savent que cela signera leur défaite.
Mais avec leur État, ce qu’ils veulent par-dessus tout, c’est la reconnaissance
de leur dignité. À partir de là, tout sera possible.

 

Pierre Filiu

« Pourquoi la Palestine fut
perdue, et pourquoi Israël n’a pas
gagné » (éd. du Seuil, 432 pages,
24 euros, e-book 16,99 €).

 



03/03/2024
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