Ukraine : mauvaise passe

  • Jean-Claude Souléry, éditorialiste de La Dépêche du Midi.
    Jean-Claude Souléry, éditorialiste de La Dépêche du Midi. Photo DDM
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Jean-Claude Souléry La DDM
 
 

Ni pessimistes, ni encore moins défaitistes. Mais la simple lucidité nous autorise à dire que la guerre en Ukraine tourne dans une mauvaise passe. Deux ans après l’inexcusable agression de la Russie contre un Etat souverain, force est d’admettre que le sort des armes ne sourit plus aux courageux combattants ukrainiens qui continuent à résister pour la liberté de leur patrie mais succombent sous le poids du nombre - nombre de soldats, nombre d’obus. L’espoir n’est pas perdu, loin de là, encore faut-il que nous venions en aide à ce pays martyrisé, non seulement en réaffirmant notre soutien politique qui va de soi, mais surtout en lui livrant le matériel indispensable pour contenir - et si possible vaincre ? - les troupes de Poutine.

 

Or, les munitions manquent cruellement aux Ukrainiens : malgré la volonté du Président Joe Biden, les Etats-Unis ne livrent plus d’obus et de roquettes depuis janvier, et les Européens ont du mal à relancer leurs usines d’armement. Dans ce contexte, comment faire face ? La contre-offensive lancée voici plus de sept mois par l’armée ukrainienne n’a jamais réussi à percer les lignes russes, et, au contraire, ce sont les agresseurs qui, peu à peu, gagnent du terrain comme à Avdiivka, petite ville du Donbass qu’ils viennent de conquérir. Désormais, les soldats de Kiev sont contraints à imaginer une stratégie défensive, c’est-à-dire se replier et « user » l’ennemi le plus longtemps possible grâce aux drones et aux missiles, en attendant des jours meilleurs…

 

Les jours meilleurs, c’est ce dont rêve aussi le tyran du Kremlin qui sera réélu Président le mois prochain. Malgré les morts innombrables des jeunes Russes envoyés sur le front d’Ukraine - on parle de 150 000 morts -, et malgré la mort toujours mystérieuse de l’opposant Alexeï Navalny, le « tsar » Poutine entend bien conforter son pouvoir grâce à l’onction « démocratique » d’une élection présidentielle où ses opposants ont été habilement choisis pour ne pas lui faire de l’ombre.

 

La guerre en Ukraine - opération militaire de « dénazification », selon la propagande russe - lui permet d’entretenir la flamme patriotique qui brûle toujours dans l’âme populaire. En s’estimant « victime » de l’Occident, Vladimir Poutine justifie le droit de la Russie à se défendre, et ne cesse de menacer les petits pays souverains qui faisaient autrefois partie de l’empire soviétique. Seule, cette stratégie de déstabilisation permanente lui permet, pense-t-il, de maintenir son régime de plus en plus autoritaire.

 

Pendant ce temps, l’Ukraine paie par le sang versé l’outrageant délire du despote. Triste ironie de l’histoire, une autre élection, aux Etats-Unis, pourrait l’encourager s’il advenait que triomphe Donald Trump, son complice objectif, bien décidé à ne plus dépenser un dollar pour l’Ukraine. Scandaleux abandon.

Ce serait laisser l’Europe seule face aux ambitions inavouées du chef du Kremlin. Une perspective désespérante, si les Européens n’ont pas le sentiment d’une urgence : renforcer leur défense, réactiver leurs usines d’armement, et faire corps avec l’Ukraine - où la guerre est aussi notre guerre.