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Ce spectre Trump qui plane sur l’Europe

  • par Franz-Olivier Giesbert, pour Le Point - janvier 2024
Pour Trump, l’Europe est un boulet de l’Occident. S’il revenait au pouvoir, nous n’aurions rien à en attendre. À nous de croire en nous et d’exister !
 
Si Donald Trump est élu en 2024 à la présidence des États-Unis, que va-t-il advenir de nous autres Européens ? Tous les désespoirs sont permis. Non seulement pour l'Ukraine, qu'il abandonnera à son sort, mais pour le reste de notre continent, qu'il laisserait volontiers, en partie, à Poutine, le mini-tsar russe, ou, accessoirement, à Erdogan, le néo-sultan ottoman.
«La tutelle des États-Unis sur l'Europe» est un fantasme, voire une fadaise. En tout cas, sur les plans politique et militaire. Leur intérêt pour nous dépend du président américain du moment, et cette réalité pourrait bien crever les yeux des plus myopes si, par malheur, Donald Trump devait succéder à Joe Biden, ce grand président (mais si !) qui ne transige pas sur ses convictions.
Dans notre vieille Europe, les caniches des États-Unis et leurs détracteurs sont les incarnations vivantes du même avachissement intellectuel : comme si notre salut ou notre chute ne pouvait venir que de l'Amérique ! C'est une pitié d'observer que nous avons été incapables de nous reprendre en main en 2022, après l'invasion russe de l'Ukraine, et qu'Emmanuel Macron, grâce lui soit rendue, est toujours à peu près le seul à plaider pour une défense européenne. À quoi s'attendre si nous ne croyons même pas en nous ?
 
Les yeux rivés sur l'Asie, Trump considère que l'Europe est un boulet de l'OccidentPourquoi se la traîner ? Le siècle des Lumières n'a jamais, on le sait, éclairé l'ancien président de ses lueurs, et, fasciné par la pseudo-efficacité des «démocratures» nationalistes à la chinoise, il n'a pas une grande passion pour les valeurs de la démocratie tocquevillienne. S'il revenait au pouvoir, nous n'avons rien à attendre de lui. À nous d'exister, et, alors, nous nous prouverons à nous-mêmes qu'il a tort.
Trump est devenu le croquemitaine qu'on nous intime d'exécrer. Aveuglés par leur haine monomaniaque, les médias, ses meilleurs faire-valoir, n'ont pas perçu sa vraie nature, qui correspond à une vieille tradition américaine avec laquelle flirta plus ou moins Barack Obama. C'est un «isolationniste», adepte du «patriotisme économique» et de l'antédiluvienne doctrine Monroe, du nom du cinquième président des États-Unis, James Monroe (1817-1825), qui condamnait d'avance toute intervention européenne dans les affaires américaines et inversement.
 
Le phénomène Trump correspond à une certaine psyché du pays et dépasse les clivages, mais rien n'est joué pour autant. Si la justice, ce qu'il faut souhaiter, ne fait pas un «martyr» de ce mirliflore, grand collectionneur de casseroles, il n'a pas encore battu Joe Biden, qui, avec son bon bilan, peut le coiffer sur le fil. Chez les républicains eux-mêmes, la messe n'est pas dite : la nouvelle coqueluche de l'establishment, Nikki Haley, fille d'immigrés sikhs du Pendjab, ou Ron DeSantis, le gouverneur de Floride, ont un mois pour créer la surprise. N'en déplaise aux chroniqueurs français, qui y perdent leur latin, les États-Unis sont un immense continent où les prévisions sont, comme les généralisations, impossibles. La Nouvelle-Angleterre ne partage pas les mêmes valeurs que le Texas ou la Californie. Là-bas, en changeant d'État, on a souvent le sentiment de changer de monde, de civilisation.
 
Jusqu'à présent, le rêve américain tenait ensemble les pièces du puzzle. Plus maintenant. Les États-Unis sont minés par les mêmes maux que la France. Comme nous, ils vivent largement au-dessus de leurs moyens : rapporté au nombre d'habitants, l'endettement moyen s'y élevait, en 2022, à 83.685 euros, à comparer aux 43.060 des Français, ce qui, on le voit, nous laisse encore de la marge. L'immigration y augmente aussi vite que pendant son âge d'or, au début du XXe siècle : plus de 1 million par an avec les clandestins ou les demandeurs d'asile – souvent ukrainiens, afghans ou vénézuéliens. Mais ce n'est pas le plus grave.
Le patriotisme américain n'est plus de mise, saccagé qu'il est par le wokisme, maladie de l'esprit fabriquée dans les universités américaines. Là-bas comme ici, ce socialisme des imbéciles enseigne la haine de soi, de son pays, de son histoire. Ce faisant, il mobilise contre lui les classes populaires, qui n'acceptent pas que le melting-pot ne mélange plus rien ni personne. Et il sert Trump comme il sert les droites populistes sur notre continent.
Trump n'est pas le problème ni, bien sûr, la solution. Il est le symptôme d'un Occident sans boussole qui ne fait plus corps, ne s'aime plus et cherche une autre ambition que celle d'écouter l'herbe pousser. Puisse 2024 être l'année où, sans céder aux sirènes des camelots, il saura enfin se réarmer de courage, comme l'en intimait Alexandre Soljenitsyne dans son célèbre discours de Harvard en… 1978 !
Bonne année !


28/01/2024
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