Couples homosexuels, le pas de l’Église

«Si une personne est gay et cherche le Seigneur avec bonne
volonté, qui suis-je pour la juger ? » Dans l’avion qui le ramenait
des Journées mondiales de la jeunesse de Rio en 2013 peu après
son élection, le pape François semblait prêt à un aggiornamento
de la doctrine de l’Église catholique sur l’homosexualité, considérée

dans son volet le plus contesté, comme « contraire à la loi naturelle »

et conduisant à des actes « intrinsèquement désordonnés».

Jorge Bergoglio attirait alors l’attention sur l’autre volet, inséparable
du premier, qui met l’Église en demeure de ne pas opérer de
«discriminations injustes » et d’accueillir toutes les personnes « avec
respect, compassion et délicatesse ».Dix ans après, le pape a officialisé un
changement de doctrine en permettant aux couples du même sexe de

recevoir la bénédiction. Autrement dit de voir l’Église invoquer pour eux
la bienveillance divine.

Parler de révolution serait excessif. Pas question en effet pour le Vatican
d’aligner les unions homosexuelles sur celles d’une femme et un homme
par le sacrement du mariage. Ni d’offrir à ces bénédictions, qui concernent

d’autres « couples irréguliers » comme les divorcés remariés, un cadre

liturgique pouvant prêter à confusion, voire, précise le document, être source

de « scandale».

On devine que ces précautions visent à rassurer le clergé et les fidèles

conservateurs, minoritaires mais influents, qui voient dans le pape jésuite

le fourrier d’un relativisme pernicieux. C’est d’ailleurs après la clôture d’un

grand synode romain où les évêques ont discuté abondamment ces questions,
que François a franchi le pas. Et il s’attend sûrement à essuyer une salve de

critiques internes de la part de ceux qui voient là un passage forcé vers un

mariage religieux entre personnes du même sexe, ce que le pape avait pourtant

de nouveau exclu en 2021.

En fait, le Vatican cherche d’abord à supprimer un facteur de divisions.
En effet, des épiscopats européens pratiquent déjà ces bénédictions.
Et le débat est vif, au sein même de l’Église, sur une doctrine
que beaucoup jugent trop restrictive et en porte-à-faux par rapport
à la réalité des sociétés.

Ne faut-il pas écouter les sciences sociales lorsqu’elles montrent
comment la construction des identités sexuelles évolue ? Faut-il
faire de l’union hétérosexuelle et de son corollaire qu’est la fécondité
biologique la seule norme, alors qu’à l’évidence, les couples du
même sexe peuvent revendiquer une fécondité sociale et une expérience
de l’altérité aussi riches ? C’est dans la réponse à ces questions
que l’évolution proposée par François à la veille des fêtes de Noël
peut être lue et discutée.

Christophe Lucet édito Sud-Ouest