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Retrouver le fil d’Ariane
Elle a tiré sa révérence avec élégance en mettant sur orbite sans coup férir deux satellites, l’un français, l’autre allemand. C’était son 117e et dernier vol. On ne reverra plus la blanche Ariane-5 s’élever majestueusement; dans le ciel rougeoyant de Guyane. Et ces adieux ont inspiré aux ingénieurs et techniciens de l’Agence spatiale européenne et du Cnes (Centre national d’études spatiales) autant de regrets que de fierté.
Car la fusée a incarné durant un quart de siècle l’excellence de l’industrie de l’espace du continent. Passés une explosion inaugurale en 1996 et un tir raté, le lanceur s’est avéré d’une redoutable fiabilité, permettant aux Européens de caracoler des années en tête du peloton mondial. Le pic de sa carrière est récent : à Noël 2021, Ariane-5 avait réussi, pour le compte de la Nasa, l’agence américaine, la mise en orbite millimétrée du télescope James-Webb, un joyau scientifique à dix milliards de dollars.
Toujours dans le coup techniquement, le lanceur européen a pourtant pris un coup de vieux avec l’essor de SpaceX de l’Américain Elon Musk, dont les fusées à étages réutilisables se sont imposées, avec leurs coûts très inférieurs et le rythme affolant de leurs lancements. Les Européens se seraient-ils endormis sur leurs lauriers ? Ce serait trop dire car le démarrage du projet Ariane-6 remonte à 2014.Mais il est en retard et il faudra attendre Noël prochain, au plus tôt, pour voir décoller la nouvelle fusée.
En clair, l’Europe spatiale se retrouve clouée au sol pendant six mois. Un semestre ? La belle affaire ! Sauf que la cadence de l’occupation de l’espace par des satellites civils et militaires de toutes sortes s’est beaucoup accélérée, tandis que le club des puissances spatiales – Chine et Inde en tête – s’élargissait à vitesse grand V, rendant la concurrence encore plus féroce.
La prédominance commerciale que l’Europe a vécue sous le règne d’Ariane-5 appartient sûrement au passé. Mais l’avenir est déjà là et le Vieux Continent ne peut se permettre de se laisser distancer. Avec Ariane-6, dont les tests de qualification sont en cours, il doit relever le défi de la compétitivité.
Le choix de techniques éprouvées, qui n’inclut pas la récupération d’éléments des fusées, est-il le bon face à l’évolution du marché ? On devrait le savoir assez vite.
En attendant, il est essentiel pour l’Europe de ne dépendre de personne, fût-ce de l’allié américain, pour accéder à l’espace. C’est son fil d’Ariane, celui que le nouveau lanceur doit lui permettre de suivre pour assurer demain un pan essentiel de sa souveraineté.
Christophe LUCET édito Sud-Ouest
Le retard du nouveau lanceur Ariane-6 cloue l’Europe spatiale au sol pendant six mois. Pas rédhibitoire mais préoccupant