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Le massacre des innocents

 

 

Une ville tranquille, un matin calme en bord de lac, des enfants sur une aire de jeux : on a beau savoir que le drame peut surgir aux terrasses paisibles d’un café parisien, un soir de 14 juillet au bord de la Méditerranée, ou n’importe où, ce qui s’est produit à Annecy glace les sangs. Quelles victimes plus innocentes que des bébés dans des landaus ? Quelle pire ignominie que d’attenter sciemment à la vie de quatre petits enfants ?

La sidération est d’autant plus grande qu’à ce stade, le mobile de ce réfugié syrien sans domicile fixe reste obscur. Se disant chrétien, inconnu des services de renseignements, sans antécédents psychiatriques notoires et nanti d’un statut de réfugié en Suède qu’il a quitté faute d’y obtenir la nationalité, son profil évoque davantage l’imprévisible meurtrier solitaire que le terroriste radicalisé ou le schizophrène échappé de l’hôpital.

Cette incertitude au moins provisoire aurait dû décourager les commentaires hâtifs et inciter à la retenue. À droite et à l’extrême droite, certains responsables politiques ne pouvaient-ils attendre les premiers éléments de l’enquête avant de pointer du doigt « l’islam radical » et la piste « terroriste » ? Et pourquoi céder aux réflexes pavloviens pour suggérer lourdement qu’un tel acte ne pouvait être commis que par un étranger ?

 

Cette instrumentalisation ce qui est, pour l’heure, un fait divers évidemment épouvantable, se répète dans l’attente d’un débat parlementaire sur la politique migratoire qui s’annonce tendu, mais pas davantage, parions-le, que celui sur les retraites qui a enflammé les travées de l’Assemblée au-delà du raisonnable. Passons. Par coïncidence, le ministre de l’Intérieur est accouru à Annecy alors qu’il participait à une réunion avec ses homologues européens sur la réforme du droit d’asile.

Or l’auteur des coups de couteau d’Annecy est, si l’on peut dire, un cas d’école : ayant obtenu un statut de réfugié dans au moins un autre pays de l’Union, il est en situation régulière du point de vue du droit européen. Mais, en France, son statut en Suède a conduit à refuser sa demande d’asile dans l’Hexagone où il vivait sans domicile fixe.

Cette ambiguïté fait le miel des partisans d’un durcissement migratoire et de ceux qui ont l’habitude de faire le lien entre violence et immigration. D’où l’importance de faire aboutir les négociations en cours sur le pacte européen « Asile et migration » en l’articulant avec la future loi française. Un objectif suffisamment ardu pour ne pas se laisser aller à exploiter un drame, fût-il le plus dur à admettre puisqu’on a touché à des enfants.

 

                                             Christophe  Lucet édito SUD-OUEST

 

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09/06/2023
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