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Tout fout le camp, à Dieu ne plaise !

  • par Franz-Olivier Giesbert, pour Le Point - janvier 2023 Republié par JALR
Il est à espérer que la France, championne du monde des jours de grève, surmonte ses divisions et retrouve la fierté d’un pays qui sait se réformer.
 
«Non, mais t'as vu c'qui passe/ J'veux l'feuilleton à la place». La célèbre injonction de Bashung dans sa chanson «Vertige de l'amour» a été exaucée, mais c'est un vieux feuilleton débile qu'on nous ressert, sur fond de grèves des transports et de slogans éculés.
Les voilà tous ressortis de leur boîte, les croquemitaines du grand soir, les professionnels de la gréviculture ! Obscènes et révoltants sont les discours sur la «pénibilité» au travail de syndicalistes de la SNCF ou de la RATP où l'on prend encore la retraite à 52 ans - il faudra attendre quarante-trois ans pour que meurent les régimes spéciaux !
Jamais un mot de compassion pour les agriculteurs ou les gens de ménage qui, eux, pour le coup, avec leur colonne vertébrale en marmelade, savent ce que pénibilité veut dire. On ne peut trouver meilleure preuve que, dans notre pays, la parole sociale est confisquée, avec la complicité de tout le système, y compris des médias, au profit d'une minorité agissante et non représentative, de la CGT ou de SUD-Rail.
 
Si la France bat des records mondiaux en matière de jours de grève, c'est bien à cause de cette minorité agissante : 114 jours pour 1.000 habitants, et encore, en comptant les entreprises d'État, mais pas le secteur public. En Espagne, c'est 54 jours. Au Royaume-Uni, 19. En Allemagne, 18. À force de leur céder en rase campagne, les gouvernements de droite ou de gauche ont donné des raisons de persévérer à des syndicats rentiers dont il serait temps de vérifier la représentativité dans l'un des pays les moins syndicalisés de l'OCDE, ce qui explique tout.
 
La pire des exceptions françaises est sans doute notre complaisance envers une extrême gauche qui a culminé à 21,95 % des voix à la dernière présidentielle, sous la houlette de Mélenchon, et qui, à gauche, a gangrené les esprits. Merci au preux Patrick Cohen, l'honneur de notre métier, d'avoir fait un sort à la honteuse fable du quart des Français, ou des «plus pauvres», c'est selon, qui seraient morts à 62 ans (1), désinformation reprise par la bonne gauche républicaine ! Investissant la société, notamment à travers l'école ou l'université, et jouant du suivisme des uns et du fanatisme des autres, cette minorité agissante ose tout.
 
Quand en finira-t-on avec les mensonges de ce genre ? Sans doute à la faveur d'une épreuve décisive avec cette engeance quand, pour une fois, le gouvernement du moment tiendra et vaincra : on pourra alors tourner la page, purger des décennies d'impostures et travailler à l'intérêt général avec des syndicats normaux même si, à l'image de la CFDT, ils sont très revendicatifs. Hollande a raison : la vraie réforme ne se fera que dans l'urgence. En attendant, pourquoi ne pas se prononcer pour la réforme a minima des retraites de Macron qui protège les plus faibles et s'atteler sans tarder à cette prochaine vraie réforme ? Elle sera vite à l'ordre du jour si l'on considère l'état de nos finances publiques. C'est parce que l'Italie était dans une situation financière pire que la nôtre aujourd'hui, au bord d'une attaque des marchés, que le gouvernement Monti procéda au pas de charge, en vingt jours, à la réforme radicale de 2011 : en portant l'âge de la retraite à 67 ans, elle a donné pour longtemps de l'air à son pays.
 
Tout n'est donc pas perdu, sur notre radeau de la «Méduse», au milieu des vociférations cégétistes, escrocologauchistes et surtout insoumises qui ont libre antenne 24 heures sur 24, avec la complaisance de l'absurde Arcom, l'autorité publique de régulation. C'est un mauvais moment à passer, à Dieu ne plaise (2), avant que la raison reprenne fatalement, un jour, le dessus.
Pour se remonter le moral, entre deux grèves des transports, rien ne vaut un détour du côté du Général avec ce morceau de bravoure que cite feu le chroniqueur Jean-Raymond Tournoux dans son «classique» (3) : «Quoi ? Vous croyez en la France ? murmurent les neurasthéniques à vie, les trotte-menu de l'abandon […]. Ne voyez-vous pas que la France achève de se dissoudre sous l'action d'épreuves excessives, que notre peuple est plus que jamais rongé par des divisions ? […] En vérité, il n'y a rien à faire qu'à se replier sur soi-même. Quant à la France, qu'elle donne sa démission ! Oui, voilà ce que chuchotent les démons du désespoir, ceux qui hantent les peuples en danger […]. La France perdue ? Allons donc ! Alors, la fierté ? Mais oui ! [...] À la bonne heure ! Nous sommes bien vivants !» «Sachez-le, l'événement viendra comme un voleur, disait le philosophe Alain, cité en exergue du livre de Tournoux. Et il faudra l'attendre, les yeux ouverts, autour de lampes vigilantes»...�
 
 
1. C à vous, la semaine dernière.
2. Expression du XIe siècle signifiant «Pourvu que cela n'arrive pas».
3. La Tragédie du Général, de Jean-Raymond Tournoux, qui, bonne nouvelle, sera bientôt réédité.
Peut être un gros plan de 1 personne
 
 


28/01/2023
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