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Ce que nous enseigne la révolte chinoise

  • par Gérard Araud, pour Le Point - décembre 2022 redifusé par JALR
L’allégement de la politique «zéro Covid» de Xi Jinping prouve que la Chine traverse une période délicate. L’Europe pourrait en profiter.
 
Le rejet de la politique du «zéro Covid» en Chine a fourni, pour la première fois depuis des décennies, un thème national de protestation à la population contre des contraintes qui sont imposées brutalement et qui paraissent devoir toujours se renouveler. Certaines manifestations commençaient même à conspuer le régime, voire Xi Jinping lui-même. En face, le pouvoir, tout autoritaire qu'il soit, a dû reculer. Malgré le risque d'une explosion de l'épidémie dans un pays vieillissant au système de santé encore primitif, il a donné, cette semaine, des signes prudents d'un allègement des interdictions liées au Covid et d'un plus grand recours à la vaccination en ciblant les plus âgés.
 
Cette révolte inorganisée et spontanée n'a jamais menacé un pouvoir qui a les moyens de la répression. Alors pourquoi ce recul ? Xi Jinping a sans doute conclu qu'elle accroissait dangereusement le climat morose qui est déjà celui de «l'autre superpuissance». Un argument du régime pour justifier son autoritarisme a toujours été la prospérité qu'il garantissait. La Chine, qui comprend encore des zones d'une grande pauvreté, a besoin d'une vive croissance pour répondre à des besoins toujours pressants. Voilà que celle-ci ralentit, loin des taux du passé. Pour la première fois en quarante ans, elle est moins rapide que la moyenne asiatique. Elle est plombée par une crise de l'immobilier où l'on a trop construit, où l'on s'est trop endetté. Des quartiers fantômes sont rasés sans avoir été habités.
 
Par ailleurs, les arrêts répétés de l'activité économique, imposés par le «zéro Covid», bouleversent le fonctionnement des chaînes de valeur dont dépendent les exportations. Les clients étrangers dépités se tournent vers le Vietnam, l'Inde. À plus long terme, il reste à savoir quelle sera l'ampleur de la déglobalisation dans laquelle le monde s'engage alors que la Chine en a été le principal bénéficiaire au moment où les États-Unis limitent les transferts de technologie pour empêcher leur rival de devenir une économie avancée. La liste des autres problèmes chinois est encore longue, que ce soit le vieillissement accéléré d'une société qui ne dispose ni d'un système de retraite ni de santé pour y faire face alors que la population active pourrait être divisée par deux en un demi-siècle, l'endettement excessif des entreprises publiques ou le faible rendement d'investissements massifs décidés à la légère par les autorités locales. S'y ajoute enfin, pour faire bonne mesure, dans l'immédiat, la perspective d'une récession en Europe et aux États-Unis qui pèsera sur les exportations du pays qui se voulait l'usine du monde.
 
L'exemple Hu Jintao
On conçoit que, dans ce contexte, le durcissement du régime soit plus un signe de faiblesse que d'assurance. Face à des défis multiples, tout pouvoir autoritaire a tendance à serrer la vis, particulièrement en Chine où l'on n'a pas oublié ce qui est arrivé en URSS lorsque Mikhaïl Gorbatchev, confronté à la crise du système soviétique, avait choisi la voie de la libéralisation pour y répondre. Le pays s'était alors effondré de l'intérieur. N'attendons donc pas une perestroïka chinoise, mais, au contraire, un raidissement dont a témoigné la spectaculaire expulsion de Hu Jintao de la salle au cours du récent Congrès du Parti communiste. Xi Jinping, qui aurait sans doute préféré éviter le scandale public, n'en a pas moins entendu prouver à tous qu'il ne tolérerait pas le moindre écart.
 
Pékin a par ailleurs resserré les rênes des grandes entreprises de haute technologie qui diffusaient des valeurs individualistes bien différentes de celles du Parti communiste. Alibaba a dû publiquement accepter le principe d'un «développement réglementé», c'est-à-dire dirigé par le pouvoir, alors que son fondateur, Jack Ma, après avoir disparu pendant trois mois, a dû quitter les affaires. Tant pis si l'innovation s'en ressent. Le politique l'emporte désormais sur l'économique. Une fois de plus, en Chine, contrôler est plus important que de laisser «cent fleurs s'épanouir». La deuxième superpuissance traverse donc une phase difficile. C'est quand on est affaibli que l'on veut, au contraire, démontrer sa force et que l'on ne peut accepter la moindre humiliation. Espérons que les États-Unis ne l'oublient pas à Taïwan.
 
Mais c'est aussi le moment où l'on saisit le rameau d'olivier s'il est présenté avec les formes. Des relations internationales pacifiées sont plus que jamais de l'intérêt d'un pays qui doit surmonter ses fragilités intérieures et dont la prospérité et donc la stabilité dépendent de la bonne santé de l'économie mondiale. Sans renier son alliance avec la Russie, la Chine multiplie d'ailleurs les signes de son désaveu de l'invasion de l'Ukraine. Or, les deux superpuissances se font face en chiens de faïence et peinent à définir un modus vivendi. Aux Européens d'agir en honnêtes courtiers qui, s'ils sont plus proches des États-Unis que de son adversaire, aspirent comme la majorité des pays de la région à éviter qu'un «rideau de bambou» ne tombe en Asie. Ils ont démontré leur fermeté en qualifiant la Chine de «rival systémique» (et non d'ennemi). Il leur reste à prouver qu'ils sont alliés des États-Unis mais pas alignés en développant un dialogue politique et économique autonome avec la Chine. On achète les valeurs à la baisse, dit-on à la Bourse. C'est le moment d'aller à Pékin.�
 
 
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12/12/2022
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