Débat LR : Pradié joue son va-tout, Ciotti et Retailleau se toisent
À l’occasion de l’unique débat entre les trois aspirants à la présidence des Républicains, le « challenger » Aurélien Pradié a tenté une dernière fois de se démarquer.
Par Sébastien Schneegans Le PointSe démarquer sans s'insulter. Tel était l'un des principaux enjeux du seul débat opposant les trois candidats à la présidence des Républicains, ce lundi soir sur LCI. Réunis pour la première fois sur un plateau à quinze jours de l'élection interne, dont le premier tour doit se tenir les 3 et 4 décembre prochains, Aurélien Pradié, Bruno Retailleau et Éric Ciotti ont rivalisé d'amabilités, s'efforçant de laisser les couteaux, qui s'aiguisent dans chaque camp depuis plusieurs semaines, dans le tiroir. Les deux favoris – le sénateur de la Vendée Bruno Retailleau et le député des Alpes-Maritimes Éric Ciotti – se sont certes échangé quelques discrètes saillies, mais ils ont souvent joint leurs voix pour conserver l'avance qu'ils tiennent sur le « challenger » Aurélien Pradié. Le député du Lot a quant à lui pris le parti d'incarner une véritable rupture – « je veux tout changer », a-t-il rappelé – et de se démarquer nettement de ses concurrents sur la plupart des sujets, leur décochant régulièrement quelques flèches.
Dès l'entame du débat, Pradié a rappelé qu'il était le plus jeune candidat, mais aussi le seul à avoir été maire, sapeur-pompier volontaire, et à avoir réussi à arracher une circonscription historiquement à gauche. « Il a montré qu'il avait la niaque, qu'il ne se laisserait pas faire », s'enthousiasme l'un de ses soutiens. Connu pour son franc-parler, qui en agace certains en interne, l'élu du Lot n'a pas mâché ses mots sur l'affaire de l'Ocean Viking, estimant, visant en filigrane son rival Éric Ciotti, que les « coups de menton ne serv[aient] à rien », qu'il ne fallait pas « seulement parler », mais agir. « Parler ne fait pas peur aux passeurs », a-t-il ironisé, avant de détailler sa proposition choc pour tarir l'immigration clandestine : créer « un crime international de passeur ».
Sur la réforme des retraites, point majeur de désaccord entre Pradié et ses deux rivaux, il s'est montré encore plus incisif, estimant que le report de l'âge légal de départ à la retraite, auquel Retailleau et Ciotti sont favorables, représenterait une « punition ». Raillant « l'hypocrisie » de cette mesure, l'ex-maire de Labastide-Murat a pris l'exemple de son jeune frère boulanger qui a commencé à travailler avant 20 ans. Et le « bébé Chirac » de s'inscrire, sur le sujet de la durée de cotisation, dans les pas de… Balladur. Pradié dit en effet vouloir s'inspirer de la réforme menée par Édouard Balladur en 1993 pour organiser un départ à la retraite au bout de 42 annuités de cotisation.
« Le match est plié », lui a rétorqué Bruno Retailleau, arguant qu'il fallait absolument augmenter l'âge de départ pour équilibrer le régime des retraites, structurellement déficitaire et lui démontrant, chiffres à l'appui, que ne pas le modifier ferait perdre du pouvoir d'achat aux Français. Répondant aussi à Pradié, Ciotti a choisi, quant à lui, de citer Georges Clemenceau : « On ne ment jamais tant qu'avant les élections, pendant la guerre et après la chasse. » Choix d'ailleurs salué par Bruno Retailleau, fervent admirateur du Tigre.
«Tu feras un parfait secrétaire général, Éric »
Le député de la 1re circonscription du Lot a également surpris en se déclarant favorable au retour de l'uniforme à l'école « et à l'université ». Mais il s'est surtout distingué de ses deux concurrents sur la question du développement des énergies renouvelables en général et des éoliennes en particulier, Pradié a joint sa voix à celle d'Éric Ciotti, regrettant le choix des sénateurs LR de voter le texte présenté par la majorité présidentielle – qui doit par ailleurs être présenté prochainement à l'Assemblée nationale. Mais, allant plus loin que l'ex-finaliste de la primaire des Républicains, Pradié dit vouloir arrêter de construire des éoliennes et préparer dès aujourd'hui leur démantèlement – se rapprochant sur ce point précis d'une proposition défendue par Marine Le Pen pendant la campagne présidentielle. En fin de débat, alors qu'Éric Ciotti faisait remarquer à Aurélien Pradié qu'ils étaient d'accord sur la suppression de la primaire, ce dernier a lancé au favori du scrutin, sur un ton espiègle mâtiné d'un brin d'arrogance : « Oui, tu as raison. Tu feras un parfait secrétaire général, Éric. »
« Il a joué à fond la rupture mais il s'est grillé. Il a voulu se démarquer, mais là il est sorti du terrain de foot… L'électorat LR ne le suit pas sur ces points », décrypte un lieutenant de Ciotti. Le député du Lot n'aura trouvé qu'un seul point d'accord avec son rival niçois : la défense de l'inscription des principes de la loi Veil dans la Constitution, à laquelle s'oppose Bruno Retailleau. Éric Ciotti n'a pas manqué de piquer le conservatisme social du sénateur vendéen, affirmant que la droite ne devait pas être « rétrograde » et plaidant pour une droite « ouverte sur la société » et qui se projette vers l'avenir. Éric Ciotti, d'ordinaire peu avare de formules chocs, a joué la carte de la prudence, campant sur ses positions. « Une fois n'est pas coutume, il a joué la sécurité », s'esclaffe un conseiller de Retailleau. Il a aussi été le seul, mine de rien, à s'adresser directement aux électeurs LR, rétorquant à Retailleau, qui a une nouvelle fois estimé que « la marque [était] morte », que le parti « bouge encore ». « Je voudrais remercier les militants LR d'être là malgré tout », a-t-il ajouté.
Enfin, les trois aspirants à la présidence des Républicains ont étalé leurs divisions sur le moment opportun pour désigner leur candidat. Citant une autre personnalité de gauche, Martine Aubry – « Quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup » –, Éric Ciotti a défendu son choix de soutenir la candidature de Laurent Wauquiez s'il était élu président des Républicains en décembre. « Ça reviendrait à électrocuter notre candidat si on perd les élections européennes en 2024 ! » s'est alarmé Retailleau.
« On ne risquera pas de l'électrocuter si on n'a plus de jus ! […] La droite, c'est le chef », lui a aussitôt répondu Ciotti, qui avait manifestement préparé cette réplique. Reste à savoir si cet unique débat d'une campagne aseptisée changera la donne. « Ciotti a consolidé son statut de leader, Retailleau est resté dans la course et Pradié s'est marginalisé. Les lignes ne bougeront pas tant que ça », juge un cadre du parti. Verdict dans deux semaines.