2158- La revue de presse du blog 53 posts

Editorial

Espoir plus fragile
qu’un grain de blé

 

Benoît Lasserre Sud-Ouest

 

Un navire pour la paix ? Ne nous emballons pas… Mais
comment ne pas voir, lundi, un fragile rayon de soleil
dans ce bateau, parti de la ville d’Odessa en direction d’un
autre pays martyr, le Liban, les soutes chargées de 26 000 tonnes
de maïs ? Pour mémoire, vingt millions de tonnes de blé sont
actuellement bloquées en Ukraine, soit 1 % de la consommation
mondiale. Cette cargaison ne pèse certes pas davantage qu’un
épi mais, symboliquement, elle est en revanche beaucoup plus
lourde.
Odessa la joyeuse, vitrifiée par la guerre insensée et sanguinaire
qu’a déclenchée la Russie contre son voisin et les mines
ukrainiennes disséminées dans le port, incarnait hier, lundi
1er août, l’espoir de la communauté internationale.
Non pas, hélas, celui de mettre fin au vacarme des bombes et
aux pleurs des victimes tant Vladimir Poutine est figé sur sa haine
paranoïaque d’un prétendu régime nazi à Kiev, mais au moins celui
d’éviter une famine dans des pays bien loin du Dniepr, en Afrique,
en Asie et au Moyen-Orient.
Une catastrophe collatérale qui aurait accentué l’insécurité sur
une planète déjà gavée de dangers climatiques, diplomatiques et
économiques. Il faudra cependant des mois pour un retour à un semblant
de normalité dans l’exportationcéréalière avec, de surcroît, le
risque d’un nouveau coup de Jarnac du Kremlin.
Ce chargement, qui sera suivi de
seize autres cargos lestés de céréales, révèle en creux l’impuissance
des Nations Unies. Incapable d’empêcher puis d’enrayer le
conflit, l’ONU, par la voix de son secrétaire général, Antonio Guterres,
en est réduite à « saluer chaleureusement » le départ du navire.
Il y a évidemment quelque chose d’absurde dans le spectacle
de deux nations belligérantes qui, le 22 juillet, se sont néanmoins
retrouvées autour d’une table pour parapher un pacte commercial,
négocié avec l’aval de l’autocrate turc Erdogan, mais l’essentiel
est de sauver cette matière première agricole dont le prix a
flambé, promise à la destruction, et de la distribuer à des populations
affamées.
Avec son cynisme coutumier, le régime russe qui, malgré ses
efforts grossiers pour le dissimuler, tente depuis six mois d’annexer
un pays démocratique, pacifique et indépendant, a osé exprimer
« l’espoir que les accords seront appliqués par toutes les
parties et que les mécanismes fonctionneront efficacement ». Le
mieux pour l’efficacité des mécanismes serait que le Kremlin
cesse son invasion dont chaque jour ou presque atteste la barbarie
au préjudice des civils, passible de la justice internationale.
C’est sans illusion qu’il faut rappeler que les armes ne vont pas
se taire et, pendant des mois, vont encore parler plus fort qu’une
diplomatie aphone. Quelques grains de blé n’y changeront rien.



02/08/2022
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