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Comment Wagner a révélé la faiblesse de Poutine

  • par Luc de Barochez, pour Le Point - juin 2023 Republié par JALR
La mutinerie avortée des mercenaires aura des conséquences pour la guerre en Ukraine mais surtout pour la stabilité du régime russe.
 
Il n'y a rien de pire pour un homme fort que d'apparaître faible. La mutinerie des mercenaires de Wagner a ébranlé le mythe d'un président omnipotent. La fébrilité que Vladimir Poutine a manifestée pendant 24 heures a mis au jour des failles insoupçonnées de son pouvoir. L'épisode aura des conséquences pour la stabilité de son régime, pour la guerre en Ukraine et peut-être aussi, comme il en a lui-même exprimé la crainte dans son discours à la nation, pour l'avenir de la fédération de Russie en tant qu'État unitaire.
 
Qu'un chien de guerre déchaîné comme Evgueni Prigojine puisse prendre le contrôle d'un QG militaire clé – celui de Rostov-sur-le-Don, chef-lieu de la région sud qui supervise les troupes engagées en Ukraine –, qu'il puisse insulter publiquement le ministre de la Défense et le chef d'état-major, qu'il puisse faire abattre au moins trois hélicoptères de l'armée, qu'il puisse marcher sur Moscou avec ses troupes aguerries sans rencontrer de vraie opposition, tout cela met en scène un président aux abois.
 
Le samedi matin, Poutine menaçait de «liquider» les rebelles de Wagner et de punir sans pitié le «traître» ; le soir même, il acceptait que les accusations contre Prigojine et ses hommes soient abandonnées. Entre-temps, il était contraint de négocier avec celui qui le bravait. Pour éviter un bain de sang dans sa capitale, il devait même recourir à la médiation d'un tiers, le despote biélorusse Loukachenko, dont on sait qu'il le méprise. Que d'humiliations en si peu de temps !
 
Le constat est cruel pour un président russe obsédé par l'affermissement de la «verticale du pouvoir» qu'il a mise en place pour asseoir sa domination. Depuis la «révolution orange» de 2004 à Kiev, lorsque la population ukrainienne s'était révoltée avec succès contre le détournement frauduleux d'une élection présidentielle au profit d'un candidat prorusse, Poutine est persuadé de manière paranoïaque qu'une contagion démocratique venue de l'extérieur et manipulée par Washington et Bruxelles constituerait la principale menace contre lui.
 
Théâtre d'ombres
 
Pour contrer le risque, il a multiplié les opérations de déstabilisation de ses voisins. Il a agressé la Géorgie en 2008 ; il a annexé la Crimée en 2014 ; il a fait écraser la révolte biélorusse en 2020 ; il a lancé l'invasion de l'Ukraine en 2022. La rébellion avortée de Prigojine montre au contraire que c'est de l'intérieur que le régime se décompose. Comme un coup de projecteur sur un théâtre d'ombres, elle a révélé pendant un bref instant les luttes auxquelles se livrent les clans mafieux pour le contrôle du pouvoir et de ses prébendes, et les difficultés croissantes qu'éprouve Poutine pour en garder la maîtrise.
 
Le paradoxe est que la guerre d'agression qu'il a lancée contre l'Ukraine pour protéger son régime risque au contraire de le lui coûter. Wagner est une création du service de renseignements militaires russe, le GRU. Apparue en 2015 sur le front du Donbass, utilisée par la suite comme un outil d'intervention militaro-politique en Syrie, en Libye et en Afrique subsaharienne, la compagnie de mercenaires a été appelée à la rescousse par le Kremlin l'an dernier quand il est apparu que l'armée russe échouait à atteindre les objectifs fixés, la prise de Kiev et l'installation en Ukraine d'un pouvoir fantoche à la solde de Moscou.
 
Le seul succès tactique enregistré ces derniers mois sur le front, la prise de la ville de Bakhmout dans l'est de l'Ukraine, est dû à Prigojine, à ses hommes et à leurs méthodes brutales et expéditives. Mais il a coûté des milliers de combattants à Wagner et il est, semble-t-il, monté à la tête de leur patron qui n'a cessé depuis d'intensifier ses critiques contre les chefs de l'armée et le ministère de la Défense. Les chiens de guerre ne sont ni des démocrates ni des pacifistes. Ils ont mis en branle l'engrenage du chaos.
 
Une Russie instable n'est pas moins dangereuse qu'une Russie agressive. Mais Vladimir Poutine, qui pensait que le temps jouait pour lui et que l'Occident finirait par se lasser de soutenir l'Ukraine,doit désormais s'interroger sur la poursuite d'opérations militaires dont on voit qu'elles ont de graves conséquences à l'intérieur de son pays. Lui-même a comparé la rébellion du 24 juin à celle de 1917, pendant la Première Guerre mondiale, lorsque la mutinerie des troupes a conduit à la destitution du tsar Nicolas II, à la perte de territoires puis à la révolution bolchevique. Le parallèle n'est pas de bon augure pour lui.�
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26/06/2023
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