Mais qu’est-ce que c’est qu’ce binz ?

Que diraient le général de Gaulle et François Mitterrand
s’ils débarquaient impromptus dans l’élection
présidentielle de 2022 ? Que penseraient, l’un
de Valérie Pécresse, et l’autre d’Anne Hidalgo ? Comment
réagiraient-ils face à la multiplicité des chaînes d’information,
à l’omniprésence de ces petits appareils qui
prolongent la main et servent à tout sauf à téléphoner,
mais où l’on gazouille, on « like » et l’on s’écharpe à tour
de bras sur des réseaux prétendument sociaux ? Et ces
masques que d’aucuns portent encore, et ce sigle barbare
– Covid – qui oblige une candidate à mettre sa campagne
en sourdine ? De leurs réactions potentielles, les
téléspectateurs de TF1 pourront peut-être se faire une
idée le 10 avril au soir, jour du premier tour. Il leur suffira
de regarder « Les Visiteurs » que la chaîne la plus suivie de
France a choisi de programmer ce soir-là, avec seulement
vingt minutes de retard sur l’horaire habituel du sacrosaint
film du dimanche soir.

Élection présidentielle ou pas, TF1 n’a pas voulu perturber
les habitudes de ses téléspectateurs.
Et c’est bien à une « première », une triste
« première », que l’on assistera sur la première chaîne : un
soir d’élection sans soirée électorale ou si peu. Allez, un
petit tour de manège avec Macron, Le Pen, Mélenchon, Zemmour
et les autres, quelques
résultats avec sondages, sorties des urnes, et passons
aux choses sérieuses : place à Jean Reno et à Christian
Clavier. Puisque la politique, c’est magouille et compagnie,
n’est-ce pas, autant mettre à l’écran Jacquouille la
Fripouille !

Mais alors, qu’est-ce que c’est qu’ce binz ? C’est tout
simplement la triste traduction d’une époque. Celle où
la politique n’a plus tout à fait sa place, celle où les élections
intéressent moins, où l’on entend de plus en plus
cette terrible et lancinante petite musique : « Ça ne me
concerne pas » ; « Qu’est-ce que ça changera pour moi ? »
Jusqu’à présent, l’élection présidentielle échappait à
cette désaffection. Elle était « l’élection reine », celle
pour laquelle se mobilisaient encore des phalanges entières
d’abstentionnistes. La voilà ravalée, au moins sur
la première chaîne de France, au rang des élections régionales
ou municipales, lorsque les soirées ne dépassent
guère 22 heures. Il reste donc à souhaiter que, le
10 avril, une forte mobilisation électorale fasse regretter
leur choix aux dirigeants de TF1, et que perdure en
France un service public digne de ce nom, avec un impôt
dédié pour le financer.

Bruno Dive Edito Sud-Ouest

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Tableau - La transformation du système des forces politiques aux élections présidentielles, 2012-2022

* Intentions de vote. Moyenne des derniers sondages au 15 mars. Telos article  de Gerard Grunberg ci-dessous en commentaires.