2056- Emmanuel Macron Face aux lecteurs -Le Parisien Aujourd'hui 15 posts

FACE AUX LECTEURS

EXTRAITS

 

 

POUR SA PREMIÈRE interview de l’année, Emmanuel
Macron s’est confié durant deux heures et quart à notre
journal. Le président a répondu aux interrogations de sept
lecteurs du « Parisien » -« Aujourd’hui en France ».
Alors qu’il vient de prendre la présidence du Conseil de
l’Union européenne, en pleine vague Omicron, le président
n’a esquivé aucune question. Sa vision de l’Europe, la santé,
l’école, l’écologie, le pouvoir d’achat et, bien sûr, la présidentielle.
Pas d’entrée en campagne officielle, mais il n’a pas
démenti qu’il avait des fourmis dans les jambes. Comme un
air de campagne.

 

 

 

EUROPE « IL FAUT LA MODERNISER »
PASCAL DOUBLIER.
La présence du drapeau européen sous l’Arc de Triomphe a scandalisé Valérie
Pécresse, Marine Le Pen et Éric Zemmour. Que pensez vous de cette réaction ?
EMMANUEL MACRON. Cette réaction était disproportionnée et malvenue.

Si nous avions retiré le drapeau français, j’aurais pu comprendre.

Or le drapeau français est présent lors des cérémonies patriotiques, 

comme le 8 Mai, le 11 Novembre, le 14 Juillet. Maissi vous passez un jour

comme aujourd’hui sous l’Arc de Triomphe, il n’y a pas de drapeau.
Ce qui a été fait le 31 décembre au soir et le 1er janvier a été de marquer
cette entrée dans la présidence française de l’Union, en inscrivant notre drapeau européen

— car il est aussi le nôtre. Là où il n’y avait rien, nous avons mis le drapeau européen.
Donc c’était une mauvaise polémique. Ce drapeau européen, j’en suis fier. Il faut

l’assumer, car c’est un symbole de paix. En écoutant trop de discours politiques

qui opposaient la France à l’Europe, je me disais : Ont-ils oublié d’où ils venaient ?

Ma grand-mère maternelle est née sous la Première Guerre mondiale en 1916,

elle a vu son père revenir estropié et la moitié de sa famille décimée.

Elle a été mère au premier jour de la Seconde Guerre mondiale, elle a vu son mari

partir à la guerre, puis son premier fils partir à la guerre d’Algérie.

Et ensuite, elle a connu la paix. Nos générations n’ont jamais connu la

guerre. J’aime l’Europe parce que c’est un projet de paix.


ISABELLE BERRIER. La santé n’est pas une compétence européenne.

Comptez-vous avancer sur ce sujet pendant votre présidence ?
Oui. L’Europe de la santé a déjà beaucoup avancé, même
si ce n’est pas sa compétence mais celle des États, avec les
vaccins. Je veux accélérer les choses afin de permettre
d’avoir des programmes de recherche beaucoup plus
forts. On a lancé un projet dénommé HERA — agence
européenne de financement de recherche dans la santé —
pour que nous continuions à inventer et à produire. On a
des stratégies nationales, comme les 7,5 milliards
d’euros investis dans la santé dans le cadre du projet France
2030, mais tout cela ne vaut que si on a des coopérations
européennes, comme le font les Américains avec une
agence fédérale qui leur a permis d’arriver plus vite au
vaccin. Si on veut que l’Europe ne dépende pas dans cinq
ou dix ans des États-Unis ou de la Chine, on doit mettre

beaucoup plus d’argent ensemble et être un espace
d’innovation en santé


PASCAL DOUBLIER.
On a l’impression que la construction européenne
piétine, que sur beaucoup de sujets des pays s’opposent
pour protéger leurs intérêts nationaux. Comment
la rendre plus efficace ?
Par tempérament, il m’arrive aussi de penser que ça va trop
lentement… C’est une construction politique inédite. La
grande difficulté, c’est comment réduire nos écarts de
perception, de sensibilité, nos écarts historiques. C’est le défi
des prochaines années. Comment y arriver ? Il faut d’abord
considérer que l’Europe, c’est le respect de nos différences,
qui sont une chance. Ensuite, il faut accepter sur certains
points, comme les migrations, de prendre du temps mais de
bousculer les habitudes. On va essayer de le faire sur Schengen,
l’Europe des migrations. Il faut moderniser cette Europe,
où tout se décide à 27, à l’unanimité. Il faut la transformer.

Alors faut-il le faire à 27, ou une Europe à plusieurs vitesses ?

C’est l’objectif de la Conférence sur l’avenir de l’Europe
qui se tiendra en mai. On est en train de faire bouger ça.
Là, on a décidé de faire tous un impôt minimum de 15 % et de
taxer les Gafam (géants du numérique). Victoire ! Il faut
être ambitieux. L’Europe n’est sans doute pas au bout de ses
propres frontières, les Balkans occidentaux ne seront jamais
en paix si on les laisse à part.Mais on ne peut pas garder ces
règles de fonctionnement.
PASCAL DOUBLIER. Seriez vous
favorable à l’entrée de la Turquie en Europe ?
Non. Le projet politique, civilisationnel que poursuit
aujourd’hui le président Erdogan n’est pas conforme aux

valeurs de l’Europe. La Turquie a un projet d’expansion
de l’islam politique, de non reconnaissance de Chypre,
qui est un État membre de l’UE, et une politique agressive
en Méditerranée orientale.
Mais je souhaite qu’elle ait des liens avec notre Europe parce
que c’est ce qui l’arrime à nos valeurs et ce qui évite qu’elle
dérive encore plus.


PASCAL DOUBLIER.
Il y a des crises aux portes de l’Europe, en Ukraine, êtes-
vous prêt à perdre une part de souveraineté pour construire
une armée européenne ?
Je ne pense pas que nous puissions demain construire une
armée européenne, parce que nos modèles d’engagement
diffèrent. En Allemagne, le chancelier ne peut pas engager
l’armée, par exemple. Ce qui ne nous empêche pas
d’intervenir ensemble sur des théâtres d’opérations. Par contre,
nous avons besoin d’une défense européenne. Des programmes
communs, sinon nous dépendons des autres. Une industrie de défense

européenne, avec des grands programmes comme le Scaf
(l’avion du futur), le char du futur, des missiles, c’est la clé
de la souveraineté. On le fait et on va continuer à le faire face
aux grands défis du futur, dans la marine, dans le cyber et
dans le spatial. C’est un espace d’invention, de recherche
extraordinaire, je crois beaucoup à ce rêve, la présidence
française de l’Europe sera une présidence spatiale. J’irai à
Toulouse en février prochain pour présider un Conseil des
ministres européen sur le spatial, et je ferai des annonces sur
notre stratégie.


SOLÈNE JALET.
La Commission européenne vient de qualifier le nucléaire
d’énergie verte. Or, pour beaucoup, cette énergie
génère toujours des déchets toxiques et est considérée
comme dangereuse !
Le nucléaire présente l’avantage extrême de produire de
l’énergie de manière décarbonée et non intermittente.
Les renouvelables ne produisent pas de CO2 mais ont une

faiblesse, c’est qu’elles sont intermittentes. Et ce n’est pas
vrai de dire que vous pouvez passer du jour au lendemain
du charbon à de l’éolien ou à du solaire parce que le vent
ne souffle pas toute la journée et le soleil ne brille pas toute la
journée. Nous avons la chance historique d’avoir 70 % de
notre électricité produite par le nucléaire. Le Giec dit qu’il
n’y aura aucune transition qui se fera dans le monde si on
arrête avec le nucléaire. Et donc, quelle est la stratégie
qu’on doit avoir en Europe ?
Partout où on a du charbon, on doit le supprimer. Et on ne
peut pas tout faire au gaz parce qu’on dépendra des Russes.
Et donc le coeur de la stratégie européenne doit
passer par le nucléaire, si on veut décarboner et être plus
indépendants. C’est pourquoi nous allons, nous en France,
construire des réacteurs de nouvelle génération plus
sûrs et qui produisent moins de déchets.

 

SANITAIRE
« LES NONVACCINÉS, J’AI TRÈS ENVIE DE LES EMMERDER »
ISABELLE BERRIER.
Je travaille dans un établissement d’accueil pour
personnes âgées qui gère une équipe de dix aides-soignants
et cinq infirmières. À ce jour, je n’ai plus qu’une seule
infirmière. On n’a plus personne pour s’occuper
de nos malades et ce n’est pas la prime de 206 € brut
du Ségur de la santé qui va nous faire tenir…


Le Ségur, ce n’est pas une prime, mais une revalorisation
pérenne des salaires dans le public, entre 180 et 400 € par
mois, ce qui n’a jamais été fait dans notre pays, c’est inédit.
Après, le sujet de la rémunération dans les métiers du
soin a créé un problème de manque de personnel .
Aujourd’hui, on a des gens qui démissionnent. À la fatigue,
s’est ajouté un problème de sens, d’organisation, de conditions
de travail et de déclassement.Donc, on va avoir des décisions à prendre
car on arrive au bout d’un modèle.
ISABELLE BERRIER.
Mais lesquelles allez-vous prendre ?
On doit mieux reconnaître les métiers du soin. C’est un
chantier colossal. Il faut notamment revoir les temps
de travail de certains soignants, reprendre les cycles
pour qu’ils travaillent dans de bonnes conditions et en les
payant dignement. On doit aussi assurer une formation
tout au long de la vie. C’est en faisant comme cela que l’on
gardera de l’attractivité pources métiers.


MARIE-ÈVE LENEGRE.
Aujourd’hui a lieu un nouveau Conseil de défense sanitaire.
Doit-on s’attendre à des nouvelles mesures ?
Les décisions ont été annoncées la semaine dernière,
donc il faut les laisser vivre. On reste sur la direction, qui
est donnée en cette rentrée, de prudence. Au fond, la ligne est
simple : c’est vaccination, vaccination, vaccination, et passe
vaccinal. C’est l’objectif du texte de loi qui va être voté autour
du 15 janvier. L’idée, c’est de mettre beaucoup de contraintes
sur les non-vaccinés et, collectivement, de respecter
les gestes barrière. Au Conseil de défense, on va faire un suivi
de la rentrée des classes, des mesures déjà prises, de l’état
de notre système hospitalier.


HAKIM BEY. Que pensez-vous de la vaccination pour les 5-11 ans ?

Est-ce normal de vacciner les plus jeunes alors
que certaines personnes plus âgées ne se font toujours pas vacciner ?
Pour les enfants, c’est d’abord le choix des parents. Mais
vacciner les enfants, c’est au fond protéger les parents et
les grands-parents. Le choix qu’on a fait progressivement
pour les adultes, c’est quasiment un choix d’obligation
vaccinale. Le 12 juillet dernier, j’ai annoncé le passe
sanitaire, mi-octobre le test payant. Et là, une nouvelle
étape avec le passe vaccinal.
Cela va maintenant coûter plus cher et être plus contraignant
pour ceux qui ne veulent toujours pas se faire vacciner.
SOLÈNE JALET. C’est vrai qu’avec toutes les nouvelles
mesures qui sont mises en place, on a l’impression
d’une obligation vaccinale déguisée. Alors est-ce que,
officiellement, vous allez rendre la vaccination obligatoire ?
Je nous pose collectivement la question. Faisons l’hypothèse:
 si demain je dis pour tous les adultes, il faut être
vacciné. Comment on le contrôle et quelle est la sanction ?
C’est ça, le vrai sujet. Je vais forcer des gens à aller se faire
vacciner ? Les emprisonner et puis les vacciner ? Vous
allez me dire : vous êtes quelqu’un de bizarre vous… On ne
fera pas ça. Leur mettre des amendes ? Si j’ai des gens très

modestes qui ne sont pas vaccinés, je vais leur mettre
1 000 €, 2 000 € d’amende ?


ISABELLE BERRIER. Mais tous ces gens-là, qui ne sont pas
vaccinés, sont ceux qui occupent à 85 % les
réanimations… Et par contre, il y a des gens qui sont
atteints de cancer dont on reporte les opérations, à qui
on ne donne pas l’accès aux soins et qui sont vaccinés !
Ce que vous venez de dire,c’est le meilleur argument. En
démocratie, le pire ennemi, c’est le mensonge et la bêtise.
Nous mettons une pression sur les non-vaccinés en limitant
pour eux, autant que possible, l’accès aux activités de la
vie sociale. D’ailleurs, la quasi totalité des gens, plus de 90 %,
y ont adhéré. C’est une toute petite minorité qui est réfractaire.


Celle-là, comment on la réduit ? On la réduit, pardon
de le dire, comme ça, en l’emmerdant encore davantage.
Moi, je ne suis pas pour emmerder les Français. Je
peste toute la journée contre l’administration quand elle les
bloque. Eh bien là, les non vaccinés, j’ai très envie de les
emmerder. Et donc on va continuer de le faire, jusqu’au
bout. C’est ça, la stratégie. Je ne vais pas les mettre en prison,
je ne vais pas les vacciner de force. Et donc, il faut leur dire :
à partir du 15 janvier, vous ne pourrez plus aller au restau,
vous ne pourrez plus prendre un canon, vous ne pourrez
plus aller boire un café, vous ne pourrez plus aller au théâtre,
vous ne pourrez plus aller au ciné…


ISABELLE BERRIER. Et vous n’allez plus en réanimation… ?
Vous ne pouvez pas placer des soignants face à cela. Parce
qu’un soignant, il regarde quelqu’un qui est malade et il
ne regarde pas d’où il vient, ce qu’il est.


ISABELLE BERRIER. Mais aujourd’hui, ils font le tri sur
l’hôpital Nord de Marseille !
Non. Le tri, ça a un sens. Cela veut dire que quelqu’un arrive
aux urgences et qu’on dit : non, on ne le prend pas. C’est
une ligne rouge pour moi. Des pays ont vécu le tri, au début
de cette crise, où on a dit à des parents, à des enfants : on ne
le prend pas, on arrête, on ne lui donne pas sa chance. Nous
n’avons jamais été confrontés à ça. Aujourd’hui, il n’y a pas
de tri. Sur le terrain, j’ai des capteurs constamment. Mais,
parce qu’il y a des gens qui refusent toujours de se faire
vacciner, ils arrivent aux urgences et i ls font que
d’autres doivent être transférés. Mais nous ne sommes
pas aujourd’hui dans une situation où nos services
d’urgence ne peuvent pas accueillir tous les patients.
Moi, ma responsabilité, c’est que le pays ne se désunisse
pas dans ces débats-là. Le fait même que l’on pose la question
du refus de soin pour des gens non vaccinés est un drôle
de virus . Et ça, c’est l’immense faute morale des
antivax : ils viennent saper ce qu’est la solidité d’une nation.
Quand ma liberté vient menacer celle des autres, je
deviens un irresponsable. Un irresponsable n’est plus un
citoyen.
JULIETTE BAUX DE CASTRO.
Je suis enseignante et je regrette de découvrir souvent
les annonces de nouveaux protocoles dans les médias
plutôt que par notre hiérarchie. Comment fluidifier
la communication ?


Vous avez raison. Je vous donne le point. Il faut plus
d’anticipation et plus de temps aux rectorats pour
communiquer avec les écoles en amont. Le problème, c’est
que l’on est dans une société de l’immédiat, tout va tellement
vite avec l’information sur les réseaux sociaux ! C’est
vrai que les ministres, à peine ont-ils dit une chose, ça se
retrouve rapidement partout.Chacun a accès à l’information
à 360 degrés.

 

POUVOIR D’ACHAT
« MOI, TANT QUE JE SERAI DANS MES FONCTIONS,
IL N’Y AURA PAS D’AUGMENTATION D’IMPÔTS »
HAKIM BEY. À combien s’élève le « quoi qu’il en
coûte » ? Va-t-il engendrer de nouveaux impôts ? Qui va payer ?


Le « quoi qu’il en coûte », c’est 15 % du PIB. Le coût sur
l’ensemble de l’économie, si on ne l’avait pas fait, serait
monté à 45 % du PIB. Grâce à nos mesures, on en ressort
avec un chômage qui a baissé et une croissance
historique, donc c’était un bon choix.
HAKIM BEY.
Alors, maintenant, qui va payer ?
D’abord, oui, cette dette, il va falloir la payer. Mais avec de
l’activité. Moi, tant que je serai dans mes fonctions, il n’y
aura pas d’augmentation d’impôts. Dans cette crise
sanitaire, j’ai même continué de baisser les impôts. C’est
par notre capacité à produire davantage et exporter que
nous pourrons progressivement dégager les surplus qui
permettront de rembourser la dette.
MARIE-ÈVE LENEGRE.
J’ai hérité de ma marraine et l’État français m’a volé
60 % de l’héritage, je trouve ça scandaleux. Quand est-ce
que vous allez arrêter ça ?
Rappelons d’abord que l’impôt, c’est ce qui permet
de financer tous les services publics. Ceci étant dit, je pense
qu’il y a un sujet sur ce que j’appellerais la « transmission
populaire », c’est-à-dire lorsqu’on n’est pas sur des
montants exorbitants. Je ne fais pas partie de ceux qui
pensent qu’il faut augmenter les droits de succession à
tout-va, au contraire. Nous sommes une nation de paysans,
dans notre psychologie collective, ce qui est une force.
Nous avons cela dans notre ADN et donc la transmission
est importante pour nous. Donc je pense qu’il y a
des choses à améliorer. Il faut plutôt accompagner les gens
pour les aider à transmettre les patrimoines modestes.
Votre problème est toutefois très spécifique : vous seriez
en filiation directe, vous auriez été beaucoup moins taxée.


  EXTRAITS Le Parisien Aujourd'hui

 



05/01/2022
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