2011- Le temps des "radicalités" 19 posts
Le temps des "radicalités"
Bruno Dive édito Sud-Ouest
Tandis que l’Allemagne s’apprête peut-être à ramener
des Verts au gouvernement, mais des Verts « réalos »,
par rapport aux « fundis » (fondamentalistes),
comme on dit là-bas, en France, les trois quarts des
100 000 votants à la primaire écologiste ont donné leurs
voix à des adeptes de la décroissance, de l’« éco-féminisme»
ou d’une approche sociétale qui donne la part belle
aux minorités « racisées ». Ils ont même fait de celle
qui porte à elle seule toutes ces théories, Sandrine Rousseau,
la favorite du second tour, et donc leur probable candidate.
Certes Yannick Jadot, qui est arrivé en tête, n’a pas
dit son dernier mot. Mais lui, le « réaliste », lui qui
plaide pour une démarche permettant d’amener les écologistes
français au pouvoir, aura fort à faire dans un parti
qui semble être devenu le réceptacle de toutes les « radicalités».
Radicalité : ce mot-valise que Sandrine Rousseau porte
en étendard de son combat contre la domination masculine
blanche, coupable de tous les maux à commencer par le
réchauffement climatique, Yannick Jadot s’est senti obligé
de le faire sien même s’il y met un autre contenu. Et cela
donne un avant-goût du ton que risque de prendre la campagne
présidentielle qui commence.
Il faut être « radical » pour se faire entendre dans les
médias, pour s’imposer chez les militants, pour se faire comprendre
du plus grand nombre. Foin de la nuance ou du compromis, au diable le
pragmatisme ou la modération, ces vieilles lunes, il faut« cliver »
et tout remettre en cause, « changer de logiciel », dit-on encore.
Ce discours, que porte depuis quelques années Jean-Luc
Mélenchon et qui gagne donc la mouvance écologiste,
fait écho à une autre radicalité. À l’autre bout de
l’échiquier, on assiste à ce spectacle surprenant d’un Éric
Zemmour qui tente de doubler sur sa droite le Rassemblement
national. Ses propos fondés sur la hantise du
déclin et du « grand remplacement », de même que sa
prophétie d’une guerre civile, feraient presque passer
Marine Le Pen pour une modérée, pardon : pour une candidate
du « système ». Lui aussi est un adepte de la radicalité,
mais exactement inverse, et c’est ce qui rend la campagne
qui s’annonce inflammable. Bien sûr, les uns et les
autres se font la courte échelle, et l’on en aura un aperçu
lors du débat de jeudi entre Zemmour et Mélenchon. Déclinistes
et « éveillés » (à la défense des minorités qui se
disent opprimées) ont besoin les uns des autres pour
exister. Et tant pis pour le débat serein ou nuancé.