1953- Contre le catastrophisme écologique 13 posts
Le monde risque-t-il de s'écrouler et l'humanité de disparaître ? Ces périls sont mis en avant par une pensée écologique plutôt répandue. A rebours de ces pensées catastrophistes, vénérant souvent la nature, des analyses se veulent optimistes, et plus humanistes.
Aisément disqualifiés en climatosceptiques ou en ennemis de la planète, des auteurs pondèrent les propos alarmistes portant, en particulier, sur l'urgence climatique. Propagande, rétorquent certains spécialistes. Remise nécessaire des pieds sur terre, répliquent d'autres. Aux lecteurs de se faire leurs idées, dans un contexte incontestablement nourri d'anxiété.
Défenseur de l'environnement se présentant comme pragmatique et non partisan, l'Américain Michael Shellenberger a produit un best-seller qui fait débat. Frappé par l'évolution de certains dirigeants de mouvements écologistes, il note des prises de parole toujours plus apocalyptiques et un renoncement aux solutions techniques permettant de remédier au changement climatique, notamment le nucléaire, qui a pourtant un rôle à jouer dans un système énergétique à zéro émission de carbone.
Contre les prédictions désastreuses
Pour Shellenberger, il s'agit de la seule énergie vraiment verte. Plus généralement, il s'oppose aux prédictions désastreuses. L'auteur fait habilement la chronique, sur des décennies, des fausses prophéties. De fait, l'effondrement n'a jamais eu lieu. Et selon Shellenberger, cela n'arrivera jamais.
Voulant donner des raisons d'espérer, il s'attaque à ce qu'il juge être des mythes. Il revient sur l'Amazonie, qui ne saurait être valablement présentée comme le poumon du monde. Il estime que la période ne connaît pas une dynamique d'extinction des espèces mais que, au contraire, nous connaissons un pic historique de biodiversité sur le globe. Il écrit que le plastique n'est pas toujours néfaste. Il considère que l'enrichissement et l'urbanisation dans les pays pauvres seront à terme favorables à la nature. Sur le plan énergétique, il érige les combustibles fossiles comme un véritable cadeau pour les populations et l'environnement des pays les plus pauvres ; et l'énergie nucléaire, comme une aubaine pour le monde développé.
Très dur à l'encontre des écologistes, et en particulier des activistes de Greenpeace ou d'Extinction Rebellion, Shellenberger critique des rentes politiques. Son livre est décrié par ses détracteurs comme une diatribe, sans toujours prise en considération solide du très long terme. Reste un argument fort : il n'est pas certain que faire cauchemarder la jeunesse, en particulier, promette une réaction rationnelle et raisonnable.
Contre la religion écologiste
Jean de Kervasdoué n'y va pas non plus avec le dos de la cuillère. L'auteur, qui apprécie à la fois la rigueur et la controverse, a une riche carrière. Conseiller agricole du Premier ministre Pierre Mauroy, directeur des hôpitaux, professeur au CNAM : ce sont des lettres de noblesse sérieuses. Doté d'une plume bien affûtée, il s'érige contre la religion de l'écologie politique, avec ses gourous comme « sainte Greta », véritable « Jeanne d'Arc » verte. Favorable à l'écologie scientifique, il souligne le caractère à certains égards religieux de l'écologie.
Kervasdoué critique notamment le catéchisme ânonné par des peu-sachants et des très-militants, mobilisant de bons sentiments et des images spectaculaires qui reposent sur des généralisations et des exagérations. L'ingénieur agronome s'érige contre les restrictions et les contraintes apportées par une nouvelle orthodoxie. Il vitupère contre les caricatures de démocratie comme la Convention citoyenne pour le climat , et les mesures pro-environnement qui exacerbent des mouvements de type « gilets jaunes ».
Favorable au nucléaire plus qu'aux énergies renouvelables, partisan du diesel, des OGM et des pesticides, Kervasdoué s'affirme contre le principe de précaution et ses traductions juridiques. Pour l'exploitation raisonnable de la terre, il prend la défense de ceux qui en vivent et qui sont aujourd'hui montrés du doigt et cibles de vandalisme. L'essai sera nécessairement critiqué comme excessif. Il fait pourtant des constats et des rappels très valables. La nature n'est pas chimiquement bonne. L'homme n'est pas naturellement mauvais.
Surtout, Kervasdoué souligne, comme Shellenberger, que les problèmes d'environnement sont d'abord au sud, alors que les donneurs de leçon sont au nord. Concrètement, il relève que le monde ne manque pas de matières premières, mais de génie humain et de bon sens. L'eau ne manque pas, ce qui fait défaut, ce sont les toilettes, les réseaux d'assainissement, les égouts.
Tout ne va pas très bien pour autant, Madame la marquise. Jean de Kervasdoué met l'accent sur le réchauffement climatique ainsi que sur la terrible réalité de la surpêche et du raclage des océans. Contre l'industrie agroalimentaire et ses incitations, il note que nous avions des habitudes et traditions saines. Or on va aujourd'hui jusqu'à faire des appartements sans cuisine. Nos usages et notre santé s'en ressentent plus que l'environnement.
Contre l'alarmisme et le pessimisme, les essais aux accents vifs de Kervasdoué et Shellenberger nous invitent à deux changements d'attitude. D'abord, ne pas seulement regarder son nombril d'urbain nanti moralisateur. Ensuite, plus classiquement, savoir, en toute chose, raison garder.
APOCALYPSE NEVER. WHY ENVIRONMENTAL ALARMISM HURTS US ALL
de Michael Shellenberger, Harper (2020), 413 pages.
LES ÉCOLOS NOUS MENTENT !
de Jean de Kervasdoué, chez Albin Michel, 204 pages.
Julien Damon