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Le plan secret d'En Marche pour 2022

Le parti va revoir son organisation. Les soutiens d’Emmanuel Macron seront appelés à créer leur propre « cause », pour défendre les sujets qui leur tiennent à cœur. Objectif : nourrir le programme pour la prochaine présidentielle

Le plan secret d\'En Marche pour 2022
© Kak
 

La République en marche achève en ce moment un large renouvellement de ses cadres locaux, référents départementaux et animateurs des comités dans tout le pays, en vue de l’élection présidentielle de 2022.

Demain, dès l’aube de la campagne, La République en marche partira. Elle ira par les « causes » et les « coalitions » vers l’élection présidentielle. « Causes » et « coalitions » sont les deux mots choisis par les stratèges du mouvement pour incarner une opération d’ampleur, amenée à réveiller un vivier de militants bien installés dans des « comités locaux ».

Ce changement sémantique cache une nouvelle philosophie. En 2016, à sa création, En Marche proposait à chaque Français de créer en bas de chez lui un comité de soutien à Emmanuel Macron. Qu’importe si quatre instances de ce type existaient dans le même quartier, la plus robuste éclipsait les autres. Le darwinisme comme doctrine politique.

Cinq ans plus tard, l’émulation a disparu. Le mouvement présidentiel veut la retrouver. Au printemps, LREM proposera à ses adhérents de créer des « causes » partout en France, comme ils avaient fondé des « comités ». « Contre la tauromachie », « pour le 100 % bio dans les cantines », « pour la parité dans les conseils d’administration » : « Chacun fera ce qu’il veut, réunira qui il voudra », s’enthousiasme une des têtes pensantes de l’opération. Ces centaines de causes seront ensuite regroupées dans des « coalitions » : environnement, justice, solidarité... Enfin, un comité d’experts en tirera des idées destinées à alimenter le programme du candidat.

S’engager, pas s’encarter. La direction du parti travaille à cette opération depuis deux mois. Le député européen et conseiller politique d’Emmanuel Macron, Stéphane Séjourné, la pousse depuis longtemps à la lumière de ce qu’il a observé dans la campagne présidentielle américaine et lu dans notre bon vieux Journal officiel. « Aux Etats-Unis, les partis démocrate et républicain se sont transformés en soutiens financiers et en organes d’investiture des candidats. Autour d’eux sont apparues des associations, comme Black lives matter pour les démocrates. Côté républicains, la puissante National rifle association a été dépassée par des associations locales de défense du port d’armes et de la liberté d’expression », analyse-t-il. Stéphane Séjourné a par ailleurs observé une forte augmentation du nombre d’associations enregistrées au JO « autour de la biodiversité, du bien-être animal, des nouvelles formes de démocratie, de l’entraide ».

Cette vitalité associative est à comparer avec la crise de l’engagement politique. Les partis comptent de moins en moins d’adhérents. L’abstention bat des records à chaque scrutin. « Ce n’est donc pas un problème de personnes mais d’appareils. Les Français veulent s’engager, pas s’encarter », conclut Stéphane Séjourné. « On a trop longtemps mesuré la vitalité des partis au nombre de leurs adhérents, alors que le plus important c’est l’engagement des militants », confirme le délégué général de La République en marche, Stanislas Guerini, conscient que le mouvement « a perdu un peu de liberté d’engagement dans la structuration du parti ».

«On ne va pas juxtaposer des causes. Les responsables politiques auront toujours la tâche d’en faire un programme»

La liberté est le maître-mot de l’opération à venir. Les Français pourront choisir des causes parfois très concrètes, comme la lutte contre l’abstention, en investissant certains quartiers, ou des idées, même très ciblées. « Autour du bien-être animal, on a vu apparaître des verticales. Certains se mobilisent pour les animaux de cirque, d’autres pour les dauphins ou les animaux de compagnie. Les causes sont les nouveaux clivages », avance le porte-parole du mouvement, le député Roland Lescure. Un de ses collègues se rappelle avoir découvert l’existence d’une association de lutte contre la précarité menstruelle. Quelques mois plus tard, en décembre 2020, Emmanuel Macron se saisissait du sujet, annonçant, dans un entretien à Brut, des réponses au premier semestre 2021. « C’est ce genre de causes qu’il faut faire remonter », souligne ce conseiller.

Sondage géant. La nouvelle initiative de La République en marche tiendra lieu de version numérique de la « grande marche » organisée en 2016. Les témoins de l’époque se souviennent que le succès de ce porte-à-porte géant tenait au fait que les militants ne venaient pas pour distribuer leurs tracts mais pour demander aux Français ce qu’ils souhaitaient changer. Avec l’épidémie de Covid-19, le porte-à-porte sera certainement difficile à mener en 2022. La création de « causes » en ligne doit permettre de contourner cet obstacle, tout en retrouvant l’aspect spontané de la « grande marche ».

L’opération servira également à sonder la population. « Si dans 80 départements se crée un groupe contre la chasse à courre, ce sera un signe », anticipe un cadre du mouvement. « Des sujets vont émerger », assure Roland Lescure. « Le mouvement va s’ouvrir vers l’extérieur, promet Stanislas Guerini. On voit bien que les pétitions en ligne mobilisent plus que le nombre d’adhérents dans les partis. Si les partis ne s’adaptent pas aux nouvelles formes d’engagement, ils mourront. »

En voulant coller à l’air du temps, La République en marche ne risque-t-elle pas d’en accentuer les effets néfastes ? Dans un livre cité par l’ensemble de la classe politique, le directeur du pôle opinion de l’Ifop, Jérôme Fourquet, analysait ce qu’était devenue la France : un « archipel », une juxtaposition de groupes défendant chacun ses intérêts. Les partis politiques, a fortiori celui du président sortant, doivent œuvrer à rassembler les Français. Organiser le match entre deux comités, un pour la corrida, l’autre contre, à Nîmes, est-il de nature à rassembler les Français ? « On ne va pas juxtaposer des causes. Les responsables politiques auront toujours la tâche d’en faire un programme », répond Stéphane Séjourné. « Les formes d’engagement sont déjà morcelées, poursuit Stanislas Guerini. Ces causes s’inscriront dans le cadre de La République en marche. Cela donnera une cohérence d’ensemble. » Et un programme présidentiel ?

 
 
 


23/02/2021
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