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Macron retrouve
le goût du risque    Benoît Lasserre (édito S-O)

 

Souvenez-vous de ce lundi 13 avril 2020, lorsqu’en fin de son
allocution sur la crise épidémique qui confine la France,
Emmanuel Macron lance : « Sachons nous réinventer, moi
le premier. » Cette phrase fut évidemment commentée, auscultée,
disséquée. Élu trois ans plus tôt pour appliquer son « en
même temps » disruptif, le chef de l’État a surtout mené, jusqu’à
la crise des gilets jaunes, une politique de réformes marquées
au sceau du libéralisme économique. Et seuls sont surpris ceux
qui ne le connaissent pas. Le Macron d’avril qui exhorte à la réinvention
ressuscite les vertus d’un État providence et protecteur.
La devise passe de « en même temps » à « quoiqu’il en coûte ».
Élu parce qu’il a pris son risque, ce président, qui ne supporte
pas les carcans, s’est-il senti prisonnier des experts et des médecins
au message de prudence et de précautions ? C’est le sentiment
que donne la décision annoncée
vendredi soir par un Jean
Castex renfrogné et expéditif. Partisan
d’un reconfinement rapide,
prôné par le ministre de la Santé,
Olivier Véran, et par le Conseil scientifique,
le Premier ministre a dû se
plier aux ordres du président qui a
libéré le Jupiter refoulé en lui.
Dans son excellent récit, « Président
cambrioleur », Corinne Lhaïk
exhume une confidence lâchée en
marge de voeux à la presse, le 3 janvier
2018 : « J’ai toujours fait le pari
que les gens sont intelligents et
cela ne m’a pas trop mal réussi. »
Quelques lignes plus tard, on lit cette autre citation : « Ce vieux
continent de petits bourgeois se sentant à l’abri dans le confort
matériel entre dans une nouvelle aventure où le tragique s’invite.
» La phrase ne date pas d’avril 2020. Elle se trouve dans un
entretien à la NRF, deux ans auparavant.
Coutumier des volte-face, le chef de l’État fait donc le pari politique
de la confiance aux Français plutôt que décréter la solution,
médicale et moins audacieuse, de la fermeture du pays.
Emmanuel Macron n’est certes pas indifférent à la courbe croissante
du mécontentement et du désenchantement des Français.
Selon les sondages, six sur dix auraient pourtant approuvé
le confinement, à condition que les écoles restent ouvertes. On
est donc loin de la menace d’émeutes redoutées par certains. Il
tente son coup de poker au moment où plusieurs livres dénoncent
un État infantilisateur et frileux, à l’envers du libéralisme
moderne et téméraire qu’il veut incarner.
La sentence ne manque pas de panache. Mais si les chiffres
s’affolent et si les hôpitaux sont débordés, Emmanuel Macron
devra alors se résoudre à se désavouer lui-même. Le virus aura
créé son variant français. À l’Élysée.



29/01/2021
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