1811- Plan de relance de la commission européenne: Les pays "radins" cernés 2 posts

 

Emprunts

Plan de relance Von der Leyen: les pays frugaux se retrouvent cernés

La Commission européenne propose une réponse commune ambitieuse à la crise du coronavirus

Ursula von der Leyen dévoile ses propositions devant le Parlement européen, mercredi.
Ursula von der Leyen dévoile ses propositions devant le Parlement européen, mercredi.
© Sipa Press

« Réparer et préparer » : la Commission de Bruxelles a dévoilé mercredi un plan de relance de 750 milliards d’euros, adossé à un budget pluriannuel de 1 100 milliards, pour ranimer l’économie européenne touchée par le Covid-19 et le confinement. Sur les 750 milliards, 173 milliards seraient débloqués pour l’Italie et 140 milliards pour l’Espagne, les deux pays les plus victimes de l’épidémie, selon un responsable européen.

(A Bruxelles)

Ursula von der Leyen a répondu présente. La proposition de fonds de relance et de budget européen présentée mercredi par la présidente de la Commission européenne est à la hauteur des attentes suscitées par l’initiative franco-allemande il y a dix jours. L’exécutif européen reprend ainsi les 500 milliards d’euros de transferts budgétaires préconisés par Angela Merkel et Emmanuel Macron et y ajoute 250 milliards d’euros de prêts à des conditions très favorables aux Etats membres qui le souhaitent.

Mais, plus que ces chiffres, c’est bien la méthode de remboursement proposée par Bruxelles qui apparaît comme un levier d’intégration économique de l’Union européenne. Dans sa proposition, la Commission évoque des prêts d’une maturité comprise entre 7 et 48 ans, faisant commencer leur remboursement à l’orée de l’exercice budgétaire européen 2028-2035.

Les Etats membres auraient donc sept ans pour s’entendre sur de nouvelles ressources propres du budget européen permettant de rembourser ces emprunts, ce qui leur éviterait de les rembourser eux-mêmes. Après les récents échecs des discussions européennes sur la fiscalité du numérique ou la taxe sur les transactions financières, les Vingt-Sept se retrouveraient ainsi contraints de trouver des solutions.

Rééquilibrage. Le mécanisme proposé les obligerait in fine à rééquilibrer les pouvoirs des trois institutions européennes en contrebalançant largement le poids des cotisations des Etats membres dans le budget de l’UE. Un pas en avant complètement inenvisageable il y a encore quelques semaines.

L’emprunt envisagé par la Commission serait en outre totalement indolore pour les Etats membres. Pour mobiliser 750 milliards d’euros, elle propose en effet de relever le plafond des dépenses annuelles de l’Union. Elle utiliserait la marge ainsi dégagée, la première année, comme garantie sur les marchés financiers.

Cette manière de faire permettrait en outre d’éviter d’augmenter significativement les contributions des Etats au budget européen – une des lignes rouges du « club des frugaux » (Pays-Bas, Autriche, Danemark, Suède). L’équipe Von der Leyen a ainsi proposé parallèlement un budget de 1100 milliards d’euros, à peine plus élevé que celui vers lequel penchait le Conseil avant la crise sanitaire.

Convaincre le Premier ministre hollandais Mark Rutte et ses alliés ne sera toutefois pas une mince affaire. « Les positions sont très éloignées, or ce dossier requiert l’unanimité. Les négociations seront longues et il est difficile d’imaginer que cette proposition en soit le point final », estime-t-on côté néerlandais. « En se rapprochant du sud et de l’est, la Commission empêche tout compromis à ce stade. Résultat : les dirigeants sont encore retardés dans leur prise de décision », fulmine même un diplomate « frugal ».

Contreparties. Les Etats du nord ne s’y trompent pas : la proposition de la Commission a bel et bien pour objectif de les isoler. Moins touchés par l’épidémie et peu désireux de faire acte de solidarité avec des pays plus riches qu’eux, les Etats de l’est menaçaient de s’allier avec les frugaux afin de bloquer toute réponse ambitieuse. Pour éviter cela, l’est du continent se voit proposer de belles contreparties.

Bruxelles envisage ainsi d’ajouter 55 milliards d’euros à la politique de cohésion, à travers le fonds de relance, et de multiplier par six (40 milliards d’euros) le « fonds pour une transition juste », voué à soutenir les Etats les plus en retard dans le verdissement de leurs économies. Deux bonbons largement susceptibles de rassasier la Pologne, la République Tchèque et la Hongrie, qui ont en plus tout intérêt sur le long terme à l’approfondissement de l’intégration économique.

L’eurodéputé du groupe parlementaire Renew Europe (libéraux) Pascal Canfin se félicite lui aussi de l’augmentation des fonds alloués à la « transition juste » et, plus généralement, de la dimension environnementale de la proposition. « L’alignement avec le Green Deal se fera à tous les niveaux car le fonds de relance Next Generation UE sera adossé au Plan énergie climat de chaque Etat membre. C’est une grande avancée pour l’accélération de la transition écologique », estime-t-il.

Concrètement, les fonds débloqués seront alloués aux Etats, au soutien aux entreprises, et à la mise sur pied d’une capacité de réponse européenne à une nouvelle crise sanitaire.

Les attributions à destination des Etats s’élèveraient à 560 milliards d’euros dont 310 milliards de subventions et 250 milliards de prêts. Le déblocage de ces financements dépendrait de plans nationaux présentés par les Etats membres à la Commission, au sein du processus d’alignement des politiques budgétaires nationales baptisé « semestre européen ».

Transformer l’essai. Une approche qui fait craindre à certains que la Commission n’y insère une conditionnalité stricte, notamment sur les exigences budgétaires. « Nous ne parlons pas de conditionnalité, mais de discussions nécessaires avec les Etats pour dépenser en faveur des objectifs européens. Il ne s’agit en aucun cas d’un levier d’imposition de conditions structurelles », assure un fonctionnaire européen.

Après avoir porté sur la nécessité ou non d’un endettement commun, puis sur la part de transferts et de prêts aux Etats au sein du fonds de relance, le débat pourrait pourtant bien se déplacer à présent sur la conditionnalité de l’aide européenne. Ce glissement montre à lui seul le progrès de l’idée de solidarité européenne, largement accéléré par l’inflexion allemande.

L’Allemagne, qui a sorti tôt le bazooka budgétaire, affirmera certes encore sa domination sur le continent au sortir de la crise. Sa capacité à changer son fusil d’épaule face au danger que la crise fait peser sur l’Union et plus spécifiquement la zone euro n’en apparaît pas moins décisive pour la construction européenne.

Reste qu’à transformer l’essai en convainquant des « frugaux » vexés du changement de bord allemand et idéologiquement opposés à l’idée de solidarité qui s’impose partout ailleurs. Ce sera l’enjeu du Sommet des 8 et 9 juin, qui pourrait s’avérer historique s’il était couronné de succès



28/05/2020
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