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Artisans, commerçants, indépendants... Enquête sur ces professions qui ont une clé pour 2022

Ces corps de métier sont très touchés par la crise. Electorat traditionnel de la droite, ils avaient été séduits par Emmanuel Macron. Est-ce toujours le cas ?

Artisans, commerçants, indépendants... Enquête sur ces professions qui ont une clé pour 2022
© Kak

Le PIB français pourrait chuter de 8,2 % en 2020 en raison de la crise économique provoquée par l’épidémie de Covid-19. Faillites en cascade, pertes massives de revenus… Les prévisions sont très pessimistes pour les commerçants, artisans, indépendants, patrons de petites PME. Quelles en seront les conséquences électorales en vue de 2022 ? Pour Emmanuel Macron, qui a réussi à les détacher en partie de la droite, la question s’annonce cruciale.

Les coiffeurs, restaurateurs, patrons de petites PME, notaires, architectes et autres autoentrepreneurs tiennent-ils entre leurs mains l’issue de la présidentielle de 2022 ? Pour beaucoup de politologues et sondeurs, c’est la catégorie de Français dont il va falloir suivre particulièrement, ces prochains mois, l’évolution du comportement électoral.

« La France des commerçants, des artisans, des travailleurs indépendants, des petits patrons va beaucoup souffrir avec la crise du coronavirus. Comment va-t-elle réagir, alors qu’initialement elle n’est pas à gauche ? Une partie de cette catégorie était encore acquise à Emmanuel Macron, celui-ci parviendra-t-il à la conserver ? Electoralement, ce sera décisif », pointe Julien Vaulpré, spécialiste de l’opinion et directeur général de Taddeo. « Toute une série de catégories électorales ne vont pas bouger. Les retraités, les cadres supérieurs devraient plutôt continuer à voter en faveur d’Emmanuel Macron. Mais qui seront les 2 % de gens dont le vote se déplacera et fera ainsi l’élection ? Cela peut être le monde des indépendants, des artisans, des commerçants. Ils vont connaître un choc terrible. Ils ont déjà très peur.  Cela peut les amener à faire des choix différents que par le passé », avance Jérôme Sainte-Marie, président de PollingVox et auteur de Bloc contre bloc.

Le vote de cette catégorie professionnelle (très diverse, car allant du boucher au startuper) suscite généralement moins de commentaires que celui des ouvriers (qui s’est massivement déporté vers le Rassemblement national ces dernières années) ou des retraités (qui se partage désormais entre la droite et Emmanuel Macron). « C’est pourtant une catégorie très intéressante, souligne Frédéric Dabi, directeur général de l’Ifop. D’abord parce que numériquement elle compte : elle représente environ trois millions d’électeurs. Ensuite parce qu’elle croise, comme les médecins, beaucoup de Français et est donc un relais d’opinion. »

C’est pourquoi durant la primaire de la droite et du centre en 2016, elle avait été très prisée par les différents candidats. L’équipe d’Alain Juppé, qui avait dressé la liste des dix professions le plus en contact avec les Français, avait par exemple multiplié les messages spécifiques aux boulangers, coiffeurs, cafetiers, bouchers, notaires…

Catastrophe. Si les commerçants, artisans et indépendants avaient fait l’objet d’une telle attention, c’est aussi parce qu’ils sont traditionnellement un vivier électoral majeur pour la droite. Au second tour de la présidentielle de 2012, ils avaient été 70 % à voter pour Nicolas Sarkozy (*). Mais cette règle – comme bon nombre d’autres – a volé en éclat en 2017. Lors du premier tour du match élyséen, commerçants, artisans et indépendants n’ont été que 25 % à choisir François Fillon. 19 % d’entre eux ont déposé dans l’urne un bulletin Emmanuel Macron ou Marine Le Pen ; 18 % ont opté pour Jean-Luc Mélenchon (**).

Si pour la droite, cela a été une catastrophe, pour Emmanuel Macron, cela a été une donnée importante de son équation électorale. Au second tour de 2017, 67 % d’entre eux l’avaient préféré à Marine Le Pen (**) (il l’avait emporté avec 66,1 % au total). « Depuis Nicolas Sarkozy et sa “France qui se lève tôt de 2007”, plus personne ne représentait les gens qui bossent. Emmanuel Macron leur est apparu comme un mec qui les comprenait », assure Patrick Mignola, président du groupe MoDem à l’Assemblée nationale, qui connaît bien ce milieu (il a longtemps dirigé une entreprise de carrelage).

« Emmanuel Macron les avait plutôt mis dans sa poche car il leur promettait des lendemains qui chantent », abonde Hervé Novelli, ex-secrétaire d’Etat en charge du Commerce, des PME et de l’Artisanat du gouvernement Fillon. En 2014, à la veille d’être nommé ministre de l’Economie, le futur chef de l’Etat avait dit tout le mal qu’il pensait des 35 heures. A l’automne 2016, en précampagne présidentielle, il n’avait pas manqué de faire raser une barbe naissante au salon de la coiffure, sous les caméras…

Lors des élections européennes de mai 2019, le phénomène s’est accentué. 26 % d’entre eux ont voté pour la liste macroniste, 30 % pour celle du RN et seulement 8 % en faveur de la liste LR (***). Aujourd’hui, c’est un public qu’Emmanuel Macron n’a pas perdu malgré les vives critiques que suscite sa gestion de crise. Selon le baromètre Ifop-Journal du dimanche, en avril, 44 % des commerçants, artisans, chefs d’entreprise se déclaraient satisfaits du Président (contre 55 % d’insatisfaits). A titre de comparaison, ils étaient 31 % d’ouvriers et 38 % d’employés.

Messages. Faillites en cascade, pertes massives de revenus… La crise économique qui débute va beaucoup impacter commerçants, artisans, indépendants. Au point de rebattre les cartes ? Pour le chef de l’Etat, cela peut devenir une variable clé de sa réélection. « Le quinquennat d’Emmanuel Macron se jouera sur sa capacité à amoindrir le choc de la crise. Or, cette catégorie sera en première ligne », explique Frédéric Dabi.

Durant la crise, le locataire de l’Elysée n’a déjà pas manqué d’adresser quelques messages. « Restaurateurs, hôteliers, acteurs du tourisme et des loisirs, vous faites partie de notre quotidien, de la vie de la Nation, de cet art d’être Français. Nous mettons tout en œuvre pour vous soutenir en cette période difficile. Nous ne vous lâcherons pas», tweetait-il le 24 avril.

Pour le futur candidat de la droite, quel qu’il soit, les récupérer sera un enjeu majeur. Pour Marine Le Pen, cela peut ouvrir des perspectives. « Ceux qui nous ont prémunis du RN, outre les retraités, ce sont les indépendants, artisans, commerçants, petits patrons de PME ; ce sont les gens qui ne connaissent pas les 35 heures », fait remarquer Patrick Mignola.

(*): Enquête Ipsos-Le Monde du 7 mai 2012 (**): Enquête Ifop des 25 avril et 10 mai 2017 (***): Enquête Ifop du 27 mai 2019.



15/05/2020
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