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« Les minorités et leurs dogmes étouffent nos libertés !»

FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Natacha Polony a publié avec Jean-Michel Quatrepoint un livre dénonçant la tyrannie de minorités de plus en plus autoritaires. La culpabilisation qu'elles exercent menace selon elle les libertés démocratiques.

Par  2018    EXTRAITS

 

 

 Natacha Polony : « Arrêtons cette vision simpliste entre victimes et bourreaux »
Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne et co-auteur avec le  journaliste Jean-Michel Quatrepoint de « Délivrez-nous du bien !  Halte aux nouveaux inquisiteurs » (Editions l'Observatoire), dénonce la tyrannie du « minoritarisme ».
 
 
 

Natacha Polony est journaliste et essayiste et directrice de la rédaction de Marianne. Elle est l'auteur de plusieurs ouvrages dont Nous sommes la France(Plon, 2015) et Changer la vie: pour une reconquête démocratique (Éditions de l'Observatoire, 2017). Son dernier livre, Délivrez-nous du Bien! Halte aux nouveaux inquisiteurs, coécrit avec Jean-Michel Quatrepoint, vient de paraître aux Éditions de l'Observatoire.


FIGAROVOX.- Votre livre «Délivrez-nous du bien», évoque le titre L'empire du Bien de Muray. Est-ce voulu?

 

Natacha POLONY.- Totalement. Philippe Muray faisait de l'anticipation mais aujourd'hui, tout ce qu'il décrivait prend vie. C'est un étonnant cauchemar.

Comme dans les récits de Philippe Muray, des gens qui se croyaient jusqu'à présent à peu près corrects, dans les clous, pas des héros mais des gens bien, se retrouvent mis en accusation pour une blague, une attitude… Vous ne considérez pas que la France impose un racisme d'État? Vous êtes un blanc dominant aux réflexes postcoloniaux. Vous mangez de la viande? Vous êtes un nazi. Vous plaisantez sur les femmes battues? Vous êtes viré du service public audiovisuel… Ce qui nous a rassemblés, Jean-Michel Quatrepoint et moi-même, est ce constat d'une nouvelle forme d'oppression utilisant la culpabilisation des citoyens. Les restrictions de nos libertés se multiplient mais, comme c'est au nom d'une «juste cause», on doit l'accepter. Résister devient extrêmement délicat et difficile.

Une nouvelle forme d'oppression utilise la culpabilisation des citoyens.

Le titre du livre veut donc rendre compte du piège qui s'abat sur les citoyens et qui pourrait être résumé comme suit: «si vous ne partagez pas nos luttes, c'est que vous êtes des salauds, vous soutenez les morts sur les routes, le fait de frapper les enfants, les femmes etc.».

Nous cherchons dans le livre à sortir de cette fausse alternative manichéenne. Ni Jean-Michel ni moi ne sommes là pour expliquer que c'est très bien d'être racistes ou homophobes, vous l'avez bien compris, ce n'est vraiment pas notre tasse de thé. Simplement nous aimerions rappeler que la vie en démocratie c'est la recherche de la juste mesure, du consensus, de la possibilité de trouver une position majoritaire. Or la logique contemporaine est minoritaire et empêche l'avènement d'un compromis démocratique.

Je pense toutefois que l'absurdité finira par tuer certains de ces mouvements. Je cite ce tweet dans le livre, dans lequel l'auteur explique que les white vegan choisissent cette lutte, le véganisme, parce qu'ils peuvent pratiquer l'appropriation, confisquer la lutte des moutons, sans que ceux-ci puissent protester. Ils chercheraient à se sentir des héros… Et les vegans «racisés», au contraire, auraient conscience de ce biais. L'intersectionnalité ça devient très compliqué…

Le titre semble également faire référence au Notre Père et à son célèbre «délivrez-nous du mal». Ces nouvelles luttes menées par les minorités revêtent-elles une dimension religieuse?

Comme ces mouvements se battent au nom du « Bien  », ils rendent la discussion impossible.

Tous ces mouvements participent d'une logique inquisitoriale. Comme ils se battent au nom du «Bien», ils rendent la discussion impossible. Ils quittent l'ordre du politique pour rejoindre l'ordre religieux. Il ne s'agit pas, pour eux, de déboucher sur un compromis, d'écouter des points de vue, de débattre, mais de lutter contre le mal. Or le mal, on ne transige pas avec, on l'éradique, c'est normal. C'est ce qui nourrit leur aspect autoritaire.

Cette dimension religieuse est particulièrement perceptible au sein des mouvements vegan. Ils sont la quintessence de cette recherche de purification - recherche caractéristique de tout cheminement spirituel. Leur vision est la suivante: nous sommes mauvais, et en reconnaissant les torts de l'homme, en devenant vegan, l'individu se purifie. Cela joue le rôle d'une conversion, d'un changement radical découlant d'une prise de conscience. En revanche ceux qui persévèrent dans le «carnisme», choisissent de demeurer mauvais, ce sont des «assassins», des «pécheurs».

C'est quand même très délicat de discuter avec quelqu'un qui estime que lorsque vous mangez une côtelette vous rouvrez les camps de concentration. La base de la discussion est problématique.

L'appel à la raison semble avoir disparu…

On note cette incapacité à raisonner dans la manipulation du langage qui est à l'œuvre. Nous n'avons plus de langage commun. Au sein de tous ces mouvements militants, il y a un usage spécifique des mots, une distorsion du langage commun. Comment discuter après? C'est quasi-impossible.

Quand on s'intéresse à la manière dont les féministes inventent de nouveaux usages sémantiques, on ne peut qu'être frappés. Je songe au cas de cette femme qui avait déclaré avoir été agressée sexuellement par Philippe Caubère - femme qui depuis milite activement pour le véganisme et que l'on a vue sur plusieurs plateaux, presque en larmes, récemment, parler de «camps d'extermination» et de «trains de la mort».

Nous n'avons plus de langage commun.

Dans une interview - modifiée depuis - elle se plaignait du fait que Philippe Caubère lui avait dit qu'il ne pouvait vivre sans elle. Selon elle, ce genre de propos est typique des pervers qui font preuve de manipulation mentale pour essayer de forcer une victime à accepter une relation avec eux. Chez les féministes, disait-elle, on appelle cela du «Grooming». Dans ce cas, il faut bien admettre que beaucoup d'hommes pratiquent. Et des femmes aussi. Parce que le «si tu me quittes je vais me tuer» est assez répandu.

Cette histoire est révélatrice de cette propension à créer des concepts pour décrire une réalité, en la tordant dans le sens qui arrange, et qui a particulièrement cours dans les mouvements féministes. Notons que c'est toujours mieux quand le concept est en anglais.

C'est une façon de conditionner l'esprit de l'autre pour l'amener à ne penser que comme vous le souhaitez préalablement.

Encore une fois, je ne dis pas ici que les violences faites aux femmes ne sont pas une véritable et grave question. Mais je doute que ce soit par ce procédé qu'on le résolve, ou que l'on aide vraiment les femmes en difficulté. Le but de cette manipulation du langage n'est autre que celui de désigner des coupables systématiques, les hommes.

Mais si nous assistons à l'émergence d'une nouvelle religion, qui sont les nouveaux curés et quelle est la nouvelle morale?

Les nouveaux curés, nous les subissons en permanence. Pour ma part, je suis foncièrement laïque et je crois que ce qui permet de vivre dans une société apaisée est l'existence d'un espace politique neutre au sein duquel on peut débattre librement entre citoyens. Dès que des intérêts privés s'accaparent ce domaine, on s'éloigne de la concorde. Or nous assistons en ce moment à ce phénomène: des minorités s'approprient le bien commun en le tordant dans le sens de leurs intérêts idéologiques et en abandonnant toute possibilité de mettre tout le monde d'accord, de déboucher sur un consensus.

Des minorités s'approprient le bien commun en le tordant dans le sens de leurs intérêts idéologiques.

Ces associations instrumentalisent un combat ; car des associations qui œuvrent au bien commun, la France en compte beaucoup. Des associations féministes, anti-racistes qui font un formidable travail il en existe plein. Le problème naît quand des militants utilisent une cause pour désigner des coupables faciles et réduire l'analyse à une vision de la société totalement binaire, scindée entre bien et mal. Leur militantisme leur permet de se sentir appartenir au camp du Bien, ce qui est toujours plus agréable, convenons-en.

Pour imposer leur vision du monde, ces associations recourent à la culpabilisation permanente. Cette instrumentalisation de la culpabilité est très dérangeante. Le principe politique de la démocratie est de s'appuyer sur la raison humaine. Ainsi les vrais progressistes doivent croire dans un progrès de l'humanité par les progrès de la raison et de l'éducation. En éduquant les citoyens, on les rend moins bêtes et on diminue les occasions de violence ou d'agressivité. Mais si au lieu de faire appel à l'intelligence on préfère faire appel à la culpabilité, on sort du politique pour entrer dans le religieux.

Dans votre livre, vous parlez de l'origine des communautarismes. Vous citez Tocqueville qui recommandait de faire valoir ses intérêts minoritaires pour amoindrir la tyrannie de la majorité. Ce développement des aspirations minoritaires aujourd'hui en France n'est-elle pas une illustration de notre américanisation?



27/01/2020
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