Jour après jour, les conséquences de la trahison par Donald Trump, des Kurdes de Syrie, face à l’offensive turque prennent l’allure d’un désastre aux multiples dimensions : humanitaire avec le déplacement de 160 000 civils et des crimes atroces perpétrés par des supplétifs syriens de l’armée d’Erdogan, sécuritaire avec la mise à profit du chaos par les terroristes de Daech et leurs familles pour s’échapper de camps où ils étaient détenus, et maintenant politico-militaire avec l’aubaine pour le régime de Bachar Al-Assad de recouvrer la souveraineté perdue sur le tiers de son territoire grâce à l’accord passé ces derniers jours avec les combattants kurdes.
Qui peut jeter la pierre aux Forces démocratiques syriennes (FDS) et leur branche militaire, les Unités de protection du peuple (YPG) pour ce retournement, alors qu’ils étaient parvenus à imposer au régime dictatorial et criminel de Damas une autonomie kurde tout en combattant efficacement Daech, le tout avec l’appui sinon la reconnaissance des Occidentaux à commencer par les Etats-Unis ? Si l’on se met un instant à leur place, ils n’ont pas vraiment le choix dès lors que le départ des troupes américaines les laisse à la merci de l’armée turque dont l’objectif affiché est d’anéantir la présence militaire kurde et, accessoirement si l’on peut dire, chasser les populations kurdes d’une large partie de leur territoire (une bande de 32 km le long de la frontière turco-syrienne afin d’y installer un million de réfugiés syriens).
Certes des voix s’élèvent en Europe, notamment en France, pour en appeler à voler au secours des Kurdes mais c’est un peu se donner bonne conscience à peu de frais sachant que ni la France, ni le Royaume-Uni, les deux seuls pays disposant encore d’une armée digne de ce nom, ne sont en capacité de se projeter dans une telle action militaire sans soutien américain. Et encore faudrait-il que les Européens soient déjà unanimes quand il s’agit seulement de décréter un embargo sur les armes livrées à Ankara. Seuls Paris et Berlin sont sur cette ligne.
Même à l’ONU le Conseil de sécurité n’a pu se mettre d’accord sur une condamnation ferme de l’agression turque du fait de l’opposition de la Russie. Poutine dans cette affaire joue un rôle d’autant plus ambigu que le désordre occidental sert ses intérêts politiques : son allié de Damas va reconquérir le terrain perdu et il apparaît comme le seul « parrain de cette région du fait de la désertion trumpienne, et de ses relations étroites avec… la Turquie. Il est bien connu que l’on ne sort de l’ambiguïté qu’à ses dépens, que fera-t-il si l’armée d’Assad et celles d’Erdogan s’affrontent directement ? Quoiqu’il advienne, l’on peut être assuré que ce sera aux dépens des populations civiles kurdes. Trump ne les a pas seulement trahies, il les a livrées à leurs pires ennemis.