1316 -PS : En 2018, la lucidité ou la mort.7 posts

P.S. :  en 2018, la lucidité ou la mort (Luc Broussy)

Le 1er janvier 2017, le Président de la république était socialiste ; le Premier Ministre était socialiste ; 288 députés étaient socialistes ainsi que 112 sénateurs ; plus d’une centaine de permanents occupaient les 3.000m2 du siège historique sis rue de Solférino. Le Parti de Mitterrand, de Rocard, de Mauroy, de Jospin, de Hollande était alors encore, facialement, le plus puissant de France.
 
Le 1er janvier 2018, le PS est dans l’opposition coincé entre une puissante République en Marche et une bruyante France Insoumise. Il ne compte plus que 31 députés et 87 sénateurs. Il est contraint de se séparer de 60% de ses salariés et obligé de vendre son siège. Et les sondages lui donnent désormais la Palme du parti le plus détesté et méprisé de France quand, jadis, même ceux qui ne l’aimaient pas lui reconnaissaient une indéniable force d’attraction.
 
Annus horribilis donc pour le PS que cette année 2017. Horrible mais pas surprenante tant ce cataclysme était annoncé. Le camion fonçait droit dans le mur depuis déjà bien longtemps (21 avril 2002 ? Référendum de 2005 ? Primaire de 2011 ? Municipales de 2014 ?). Nous avons gardé espoir jusqu’au dernier moment que comme le Dutilleul du Passe-muraille de Marcel Aymé le camion traverse miraculeusement l’obstacle. Mais de miracle il n’y eut point.
 
Aujourd’hui, hagard, commotionné, le Parti Socialiste a le choix : renaître en se réinventant totalement ou connaître le destin de la poule à qui on a coupé la tête mais qui continue sa course sans avoir conscience qu’elle va inéluctablement s’effondrer bientôt.
 
Les deux scénarios sont aujourd’hui possibles. La raison commande de croire que les socialistes, dans un ultime instinct de survie, ne suivront pas le destin de la poule. Mais tout le monde a conscience que les socialistes entretiennent depuis un certain temps un rapport suffisamment équivoque avec la raison pour que le pire ne puisse non plus être exclu. Le PS peut donc encore se fracasser sur son Congrès d’avril s’il offre le spectacle pitoyable de quadras se battant de façon surréaliste pour être celui ou celle qui n’aura le privilège que de fermer la porte après avoir éteint la lumière. On aurait alors une nouvelle génération avec les mêmes défauts que la précédente mais sans plus aucun destin.
 
Je veux évidemment croire que le second scénario prévaudra. Il nécessitera d’être tout à la fois lucides, innovants, cohérents et pragmatiques.
Lucides, il faudra l’être. Et beaucoup plus que depuis juin dernier. Car il y a tout de même une sorte de facilité coupable dans l’opposition pavlovienne contre Macron qui, avouons-le, nous permet d’éviter pour l’heure toute introspection. Voilà un président qui serait un faussaire, un ultra-libéral, une « bulle » voire le pantin du grand capital mais qui continue imperturbablement à bénéficier de la confiance d’une majorité de français. Nous ne pouvons pas commencer notre travail de reconstruction en considérant que le vote de mai dernier n’est qu’un accident de l’histoire ou une foucade passagère du peuple français. Il signifie bien plus. Une volonté d’autre chose. Un refus des partis politiques tels qu’ils fonctionnent depuis 40 ans. Mais aussi un profond rejet de ce que représentent les socialistes. Et ce rejet ne s’est en aucun cas estompé en 6 mois. Ne prenons pas la relative clémence des français à notre égard comme un début de pardon quand elle n’est que le signe de leur profonde indifférence.
C’est pourquoi la lucidité doit s’accompagner, pour les socialistes, d’une nécessaire humilité. Trop souvent on entend encore en cette fin d’année 2017 des socialistes donner des leçons au Gouvernement comme si le peuple français ne savait pas ce qu’il avait fait et voulu en mai et juin derniers. Nous avons été balayés : notre première obligation consiste à trouver les explications plutôt qu’à se comporter comme des marquis condescendants qui ne comprendraient pas pourquoi des gueux sans aucune formation politique ont pris illégitimement leurs places. (Ce que j’ai forcément pensé moi aussi lorsqu’une inconnue de 32 ans sans aucun passé politique - et probablement sans futur aussi - a été élue en juin dernier députée dans la circonscription que je pensais gagner suite à un investissement local de 20 ans...). Bref : nous avons failli, les français nous ont dégagé, comprenons pourquoi plutôt que de se mettre aussitôt à faire la leçon à ceux qui ont gagné.
 
Innovants, nous devrons l’être. Je ne crois pas comme Manuel Valls que la social-démocratie en Europe soit “morte”. Elle est évidemment en crise. A nous de lui redonner un contenu moderne et adapté aux défis contemporains. Dans notre malheur, nous avons une chance : Emmanuel Macron a fait la preuve depuis 6 mois qu’il n’est pas un social-démocrate, qualité qu’au demeurant il ne revendique guère.
 
Il reste donc un champ politique, celui qui de Bernstein à Jaurès, de Mendès à Rocard, de Delors à Strauss-Kahn, s’est toujours clairement inscrit à gauche et a toujours tenté de concilier justice sociale et efficacité économique. Ce champ n’est pas pour l’heure celui de Macron. Il est encore moins celui de Mélenchon. Pour autant, la social-démocratie a plus d’un siècle d’existence et nous serions inconséquents de penser qu’elle aurait disparu sous le coup d’une élection présidentielle française un jour de 2017. Ce serait faire bien peu de cas de tous ceux qui ont cru en elle pendant un siècle. La responsabilité des socialistes, français et européens, n’est pas de faire le deuil de la social-démocratie mais de la réinventer.
 
Certes pas en glorifiant de façon passéiste les « acquis de 1945 » mais en repensant la protection sociale du XXIème siècle. Pas en étant arc-bouté sur des règles anciennes mais en inventant les nouvelles façons de travailler et donc les nouvelles sécurités qui vont avec. Pas en exacerbant les identités, les religions et les minorités quelles qu’elles soient sous prétexte qu’elles seraient par essence opprimées ou discriminées mais en redonnant à la République ce socle commun qui dépasse et rassemble tous les citoyens et permette l’émancipation de tous. Ce qui nécessite que les socialistes cessent d’avoir la laïcité honteuse et reprennent le flambeau plutôt que de l’abandonner aux identitaires de tous poils. Pas en faisant du clivage salariat/patronat l’alpha et l’oméga d’une pensée de gauche mais en prenant en compte l’ensemble des facteurs qui aujourd’hui constituent le terreau des inégalités (territoires, éducation, culture, santé...). Pas en faisant de l’égalité de traitement le paravent des inégalités de situation. Pas, enfin, en secouant des tigres de papier désuets contre des évolutions inéluctables (uberisation, digitalisation, transhumanisme, vieillissement, globalisation) que seule une social-démocratie régulatrice et innovante pourra transformer en progrès pour tous.
 
Si nous reprenons comme si de rien n’était notre vieux logiciel, les français ne nous considèreront plus que comme le fruit sympathique d’une histoire qu’on respecte mais qui appartient définitivement au passé. Bref : si les français ne sentent pas que nous nous remettons en cause et que nous ne faisons pas preuve d’imagination pour renouveler notre façon de penser la société, nous ne les retrouverons jamais plus.
 
Cohérents, nous gagnerions à l’être enfin. Ces dernières années, on a affublé du même vocable de « socialiste » des gens qui pensaient tout et son contraire. Je ne ferais pas ici le procès aux « frondeurs » d’avoir pourri le quinquennat. Evidemment qu’ils ont tout fait, à un point quasiment jamais vu sous la Vème république, pour déstabiliser le président et le gouvernement. Mais cette situation n’a été rendue possible que par les atermoiements de la majorité réformiste du PS. Car ce môle central, qu’on l’appelle social-démocrate ou réformiste, a toujours été, congrès après congrès, majoritaire entre 2012 et aujourd’hui. Seulement, il n’a jamais su affirmer son autorité et a toujours cherché au fond à conserver l’unité du parti plutôt que sa cohérence. Aujourd’hui, nous devons renverser cette priorité : la cohérence s’impose car l’unité se fera autour de cette cohérence. Ceux qui ne sont pas sur cette ligne politique - que je crois encore majoritaire au PS - sont déjà partis vers le mouvement de Benoît Hamon ou attendent de le faire. Et ceux qui restent par fidélité au PS ne se formaliseront pas cette fois d’être clairement cantonnés dans une opposition interne qui n’a rien d’indigne : Rocard, Chevènement, Poperen n’ont-ils pas connu jadis ce sort ? Mais il faut que la majorité sociale-démocrate de ce Parti se revendique enfin comme telle, cesse les compromis bancals qui ont ruiné sa crédibilité pendant 5 ans et renonce à une forme de synthèse molle qui continuera à entretenir les ambiguïtés. En ce sens, le « pacte » qui aurait été scellé le 12 décembre dernier entre toutes les familles de ce pôle réformiste pour avoir un candidat et un seul au poste de 1er secrétaire est évidemment une excellente nouvelle. Puisque nous savons désormais que Najat Vallaud-Belkacem ne sera pas candidate, il appartient aux autres postulants potentiels de s’entendre et d’arriver à une position commune. Ce faisant, ils réussiraient ce que leurs aînés n’ont pas réussi pendant le précédent quinquennat : assumer clairement l’unité des réformistes du PS pour que la voix du PS soit cohérente. Bref : que les sociaux-démocrates de ce Parti s’assument enfin.
 
Lucides, innovants, cohérents, les socialistes devront enfin être pragmatiques. Car disons-le tout net, les élections qui s’approchent comportent de sérieux risques pour les socialistes.
 
Sur l’Europe, première élection importante à venir en 2019, qui pourra faire croire que nous sommes à équidistance entre Macron et Mélenchon ? Certes, nous sommes des opposants au gouvernement d’Edouard Philippe. Mais nous – la majorité sociale-démocrate du PS - sommes des opposants encore plus résolus à la vision européenne de Jean Luc Mélenchon. Entre un Macron qui dit vouloir renforcer l’intégration européenne, avancer sur l’harmonisation fiscale et sociale, œuvrer pour une Europe de la Défense d’un côté, et un Mélenchon qui moque le drapeau européen, entonne l’air thatchérien du « I want my money back », insulte l’Allemagne de Merkel et soutient tant qu’il le peut la Russie de Poutine, il ne peut pas y avoir photo pour un social-démocrate assumé.
 
Puis, en 2020, les socialistes partiront avec le niveau de mairies sortantes de plus de 30.000 habitants le plus faible de son histoire récente après la débâcle de 2014. Mais rien ne dit que ce niveau ne pourrait pas être ... encore plus faible après 2020. Or, tout le monde le subodore : chaque maire choisira ses alliés en fonction de considérations locales. Ici, avec le PC ou la France Insoumise. Ici avec la République en Marche. Ici avec les deux... C’est pourquoi pour se « refondre » le PS aurait plus intérêt à se concentrer sur la meilleure façon de se rendre de nouveau « aimable » aux français plutôt que de taper à bras raccourcis sur des gens avec lesquels un pragmatisme de bon aloi pourrait nous inciter à « discuter » le moment venu. Bref : gageons que nous aurons plus de chances de regagner la confiance des français en étant de nouveau attractifs qu’en pratiquant une opposition caricaturale envers Macron et une prise de distance définitive envers Benoît Hamon. N’insultons personne. Et surtout pas l’avenir...  C’est le moyen le plus sûr que nous avons de conserver le dernier atout qui nous reste : le réseau encore dense des municipalités socialistes.
Pour le PS, rien n’est gagné. Mais tout n’est pas non plus perdu.
 
Et c’est parce que je crois ce challenge exaltant que je resterai, pour ma part, adhérent du PS en 2018.
 
 
 
 
 


04/01/2018
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