La défiance est devenue le moteur de l’esprit public. Est-ce l’air du temps où le « bashing » des têtes qui dépassent tient lieu d’exécutoire aux frustrations d’en bas, où la puissance virale des « réseaux sociaux » fait que la beuglante de bistro puisse devenir interpellation universelle ? Ou bien s’agit-il d’une forme de comportement destructeur que l’on n’ose plus trop qualifier de citoyen, dès lors que le sentiment a gagné que décidément, rien ne bouge malgré la promesse que tout changerait ?
Toujours est-il que sur le plan des réformes dites de « moralisation » du métier politique, malheur à ceux qui croient s’attirer les faveurs de l’opinion en cherchant à aller dans son sens. À peine une proposition est-elle émise que son auteur est déjà présumé coupable des faits antérieurs qui ont justifié d’y remédier. François Bayrou en sait quelque chose. Dernière scène en date de ce petit théâtre de la cruauté : Emmanuel Macron qui s’était engagé à ce que le « rôle public » de son épouse soit reconnu et clarifié, est attaqué aux mollets par une pétition de quelque 200 000 clics rejetant tout « statut public » à ce qu’il est convenu d’appeler la « première dame ». Un « rôle » n’est pas un « statut », mais, de par l’effet de meute, on n’en est pas à ce détail près.
Néanmoins, l’Élysée a cru devoir faire savoir qu’il n’était envisagé qu’une « charte de la transparence » détaillant publiquement les moyens mis à la disposition de l’épouse du président. Pas plus ni moins. Il se trouvera bien sûr des Fouquier-Tinville de la note de frais pour continuer à s’étrangler d’indignation que le moindre centime d’argent public puisse aller vers quelqu’un qui n’a d’autre légitimité que conjugale (et encore pas toujours). Mais c’est une tradition, pas spécifiquement française, que le conjoint d’un chef d’État occupe une place auprès de lui, moins protocolaire que représentative, et qu’il fasse l’objet de multiples sollicitations par courriers ou invitations pour toutes sortes de causes humanitaires. Cela existe depuis Vincent Auriol, et il y a quelque mauvaise foi de reprocher à Emmanuel Macron de vouloir clarifier les règles un peu floues qui entouraient jusque-là le financement de cette activité. Des sommes au demeurant modestes, même s’il était notable que Bernadette Chirac avait conservé à l’Élysée ses goûts munificents de la mairie de Paris.
On a oublié sans doute que c’est seulement depuis Nicolas Sarkozy que le budget de l’Élysée est voté par le Parlement (avant c’était la débrouille des fonds secrets), ce qui n’est pas resté à son crédit, pas plus que François Hollande n’a été gratifié par l’opinion d’avoir baissé ce budget de 20 %. Il faut dire que d’autres péripéties de leurs séjours élyséens leur ont autrement nui ! Emmanuel Macron doit le savoir pour l’avenir.
via Yvette