À 39 ans, Emmanuel Macron devient le plus jeune président de l'histoire de notre République. Bien sûr sa victoire – indiscutable, totalement indiscutable – nous réjouit. À la fois pour le projet de renouvellement qui s'ouvre dans notre pays, pour la possibilité d'un vrai changement qui dépasse les anciennes cultures. Mais aussi pour l'image « rajeunie » et pour la leçon d'optimisme que la France, sur fond d'«Hymne à la Joie», vient d'envoyer au monde. Avec, à la clé, ce message clair et net adressé au populisme : « Dégage ! »
Cette victoire, qui ne doit rien à personne et que nous pressentions – avouons-le – depuis quinze jours, ressemble bel et bien à un exploit inédit, une sorte de trajectoire fulgurante dans un univers politique où, d'ordinaire, on doit accomplir un apprentissage balisé, puis gravir pas à pas les marches du pouvoir. Il arrive parfois que la valeur n'attende pas le nombre des mandats. Ce jeune homme qu'on présentait comme un « novice » en la matière et dont les mauvais augures juraient qu'il éclaterait comme une bulle, s'est imposé à l'écart des partis et des langues de bois. « Rien n'était écrit », nous rappelait hier soir le nouveau Président. Rien, en effet. Car les Français ne le connaissent en réalité que depuis trois ans, lorsque François Hollande en fit son ministre de l'Économie. Mieux encore : il n'a déclaré sa candidature qu'en novembre dernier, et s'est appuyé sur une organisation politique qui a tout juste un an d'existence.
Pour toutes ces raisons, oui ! son élection tient de l'exploit, et on peut lui dire : bravo, l'artiste !
Mais la politique n'est pas pour autant un exercice de prestidigitation. Et il faudra au nouvel élu une détermination à toute épreuve pour entreprendre le renouvellement et le rassemblement dont la France a grandement besoin. Passés les enthousiasmes qui ont retenti hier soir à travers le pays et notamment à Paris sur le carrousel du Louvre, viendra très vite – si ce n'est déjà fait – le moment où le vainqueur du soir doit se muer en chef d'État. Comme on dit, les affaires vont reprendre sitôt son installation à l'Élysée, le chômage, les lourdeurs de notre société, les peurs collectives qui persistent, sans oublier les habitudes politiciennes qui ne disparaîtront pas totalement par le miracle d'une présidentielle.
Car l'abstention ou le vote blanc, même s'ils ont été instrumentalisés par quelques tribuns aigris et ténébreux, constituent une réalité politique dont on ne peut faire l'impasse. Tout comme le triste record établi par l'extrême droite qui s'est repue jusqu'à la nausée du désarroi populaire. Hier, les Français l'ont rejetée; demain, il faut empêcher qu'elle ne se rebiffe.
Le Président Macron doit dès cet instant mesurer les impatiences qui sont celles d'un pays fracturé, conjurer ses divisions et faire en sorte que de l'arbre millénaire qu'est la France monte comme il l'a dit « une sève nouvelle ». Les paroles – un brin lyriques – d'hier soir ont ceci de particulier qu'elles l'obligent, qu'elles vont se frotter au réel et surtout doivent durer cinq ans.