En France, 57 % des hôtels classés affichent de 3 à 5 étoiles, contre 19 % en 1995. Une montée en gamme "factice" car le classement par étoiles est devenu inopérant et obsolète, note le cabinet Coach Omnium dans une étude.

Comment évolue l'hôtellerie en France ? A première vue, le constat prête à l'optimisme, voire à la satisfaction. En effet, la nouvelle grille de classement (matérialisée par les étoiles) intervenue en 2009, puis la disparition de l'ancien classement en juillet 2012, ont donné lieu à une nouvelle répartition du parc français. Résultat : "57 % des hôtels classés affichent désormais de 3 à 5 étoiles, contre 19 % en 1995", note le cabinet d'études spécialisé Coach Omnium, qui publie lundi son "Panorama 2016 de l'hôtellerie en France" (*).

 

Un constat flatteur mais vite douché. "C'est ce que les pouvoirs publics appellent + une montée gamme + mais qui n'est qu'administrative et surtout factice dans la majorité des cas, grâce aux critères très minimalistes que le nouveau classement propose. De plus, il a été élaboré sans qu'aucun client d'hôtel n'ait été interrogé", déclare Mark Watkins, le directeur de Coach Omnium interrogé par "Les Echos".

 

Pour résumer, l'objectif du ministère du Tourisme, qui a décidé en 2006 de réformer le classement (devenu effectif en octobre 2012), et d'Atout France, l'agence chargée de la promotion du tourisme tricolore, était d'attribuer une étoile supplémentaire aux établissements du parc français. Ce qui fut fait.

Un exemple parmi d'autres : pour définir certains critères, comme la surface des chambres, la nouvelle grille a tenu compte des réalités de l'offre existante, comme la petite taille des chambres à Paris. C'est pourquoi on a imposé une surface minimale de 16 mètres carrés pour une chambre (avec salle de bains) dans les quatre étoiles... alors qu'on trouve des de plus de 18 mètres carrés chez Ibis.

Le critère prix bien avant les étoiles

Autre tendance de fond, et heureusement peut-être pour les hôteliers, rares sont les clients qui, de nos jours, tiennent compte du nombre d'étoiles sur la plaque lorsqu'ils recherchent un hôtel : 14 % contre 64 % en 2008.

Pour plus de 70 % des clients d'hôtels interrogés par Coach Omnium, le premier critère est aujourd'hui le prix qui "leur permet de se faire une idée bien plus fiable que les étoiles sur la gamme des hôtels auxquels ils ont affaire". Sur ce registre, Internet a tout changé dans la préparation de voyages, avec ses incontournables agences de voyage en lignes (OTAs) comme Booking.com, Trivago, Tripaddvisor, etc. qui proposent d'autres codes que les étoiles, et notamment les avis de voyageurs.

Ce que démontre amplement les dernières données relatives à l'Euro de football. "Les hôtels qui ont doublé voire triplé leur prix dans certaines villes hôtes ne font pas le plein tandis que la location chez les particuliers explose", poursuit Mark Watkins.

Le nombre d'hôtels "sans étoile" augmente

Parmi les hôtels non classés, une grande partie sont des exploitants auparavant homologués de 0 à 2 étoiles qui n'ont pas voulu aller vers les nouvelles normes. Sans oublier près de 600 hôtels de chaînes qui ne sont volontairement pas classés sur environ 3.200 unités sous ce statut. Ces établissements "sans étoile" ne correspondent pas nécessairement à des hôtels médiocres. "On y trouve à la fois des établissements qui sont en voie/attente de fermer et qui n'entament plus aucune mise aux normes, et des hôtels de grande qualité qui n'ont tout simplement pas souhaité arborer les nouveaux panonceaux rouges", observe l'étude.

Effet pervers de la nouveau classement : le nombre de ces "sans étoile", qui avait reculé de 25 % entre augmente 2012 et 2015 (cliquez sur l'infographie ci-dessous), est reparti à la hausse en 2016. l'Insee en a recensé 4.572 cette année, soit un quart du parc hôtelier français, contre 4.345 début 2015 (+ 5 %). Preuve que le renouvellement de la distribution des étoiles tous les cinq ans n'a pas forcément été suivi d'effet.

La raison ? "Certains hôteliers, après avoir touché une subvention ou une aide publique accordée uniquement sous la condition d'être classé, n'avaient plus besoin de cet artifice au-delà et n'ont pas redemandé une reconduite des étoiles. D'autres se rendent bien compte que le classement n'apporte encore une fois aucun client supplémentaire et que seule une commercialisation, où les étoiles n'ont pas d'importance, compte vraiment".

Nouvelles attentes de la clientèle

Bref, pour Coach Omnium, c'est la classification "hôtel" elle-même qui devient caduque. Pis, elle freine l'innovation. Or, la réalité c'est que les hébergements touristiques français deviennent hybrides. Ainsi, des hôtels low-cost commencent à transformer une partie de leur bâtiment en chambres à partager, avec locations au lit. On les appelle "auberges de jeunesse nouvelle génération". On connaissait déjà les établissements partagés entre hôtel et résidence de tourisme, aux logements avec kitchenette. Le phénomène Airbnb, en plein essor, donne des idées aux hôteliers qui cherchent à conquérir de nouvelles niches de clients, aux attentes différentes de leur clientèle historique.

Sur le fond, ces sites en ligne comme Airbnb, Homelydays et consors détournent-ils -comme la profession les en accuse, _ les clients de l'hôtellerie "classique" ? Pas évident . "Sur une période de six ans, on note une stabilisation du taux d'occupation des hôtels en France et une légère baisse de la fréquentation, à 202 millions de nuitées en 2015 (-5 %) contre 14 millions de nuitées pour Airbnb, souligne Mark Xatkins. Cette baisse de la fréquentation s'explique surtout par le fait que le parc hôtelier a augmenté".

Jean-Michel Gradt

(*) Si les 68 enseignes recensées par Coach Omnium ne représentent que 17 % du nombre d'hôtels (soit 3.152 hôtels en filiales, franchises et mandats de gestion), elles réunissent 39 % du nombre de chambres et près de 47 % de parts de marché. Autrement dit, près d'une nuitée hôtelière en France sur deux (dans l'hôtellerie classée et non classée) se loge dans un hôtel de chaîne intégrée.

@ogrady99