1205- Le PS d'Epinay est mort 18 posts

On peut le regretter comme moi qui en fut un des acteurs ou sans féliciter: le PS d'Epinay est mort."L'agression" de Martine Aubry dans le Monde est le coup de poignard fatal.C'est ce qu'explique Gérard Grunberg, spécialiste reconnu du PS dans le JDD. MB

 

Xavier Delucq.

 

 

 

 

 

 

Est-ce que la fracture actuelle au sein du PS est la plus importante qu'ait connue le parti dans son histoire?
Depuis sa refondation en 1971 au congrès d'Epinay, je crois effectivement que les tensions n'ont jamais été aussi fortes, les menaces de rupture aussi évidentes, un leadership aussi peu capable de régler la situation… Ce qui me frappe, c'est qu'ils ont envie d'en découdre. Quels que soient les dégâts, le problème n'est plus le Parti socialiste, le problème c'est vraiment autre chose. C'est très grave. Je ne sais pas quand aura lieu la rupture, mais en tout cas elle est possible.

"C'est plus facile de détruire un parti que de le construire"

Comment expliquer cette fracture? Manuel Valls parle d'une gauche du XIXe siècle contre une gauche du XIXe siècle…
Cela n'est pas nouveau. Mais avec la crise, l'incapacité à régler le chômage et l'idée qu'il faut changer de politique, les désaccords sont devenus des motifs de rupture. Ça se double du fait que les rapports humains sont extrêmement difficiles. Ce n'est là encore pas nouveau : entre Valls et Aubry, on se rappelle du congrès de Reims [en 2008, Valls était dans l'équipe de Royal qui a perdu de justesse face à Aubry, qui a donc pris la tête du PS, NDLR]. Mais aujourd'hui le problème est assez grave : pour la première fois, on peut avoir une vraie interrogation sur la capacité du PS à demeurer un parti de gouvernement.

«Le PS d'Epinay se donnait comme objectif de gouverner et était sur une ligne de rupture avec le capitalisme»

A vos yeux, le PS a presque atteint un point de non-retour?
Je pense. Je ne sais pas ce qui suivra et même si quelque chose suivra. C'est plus facile de détruire un parti que de le construire. Le PS d'Epinay de François Mitterrand était un parti qui à la fois se donnait comme objectif de gouverner - ce qu'ils n'avaient pas fait depuis très longtemps - et d'autre part qui était sur une ligne de rupture avec le capitalisme. Le PS cahin-caha a essayé de faire les deux de 1981 à aujourd'hui. Aujourd'hui, cet équilibre instable du parti d'Epinay me paraît brisé. Ce modèle n'est plus tenable dans la situation actuelle.

Une primaire de toute la gauche me paraît totalement impossible"

La politique de Manuel Valls est particulièrement visée par la tribune. Son départ de Matignon pourrait-il régler les choses?
Le problème, c'est qu'il n'y a pas de politique alternative. Les signataires de la tribune ne proposent absolument rien d'alternatif. La politique que le gouvernement a menée pendant les deux premières années de son quinquennat a échoué. La politique de la demande a échoué sur l'emploi. Donc le gouvernement essaie autre chose : la politique de l'offre. Au fond, c'est libéraliser l'économie. Or pour la gauche, "libéraliser" est un gros mot ; cela veut dire qu'on est de droite. A mon avis, une gauche qui veut rester une gauche anti-libérale ne pourra pas gouverner. Et une gauche qui veut devenir libérale risque d'être marginalisée entre la droite et ce qui reste de la gauche anti-libérale.

«Ce que la gauche risque de perdre, c'est sa crédibilité de parti de gouvernement. Ce n'est pas rien»

L'éventuelle tenue d'une primaire à gauche ne risque-t-elle pas d'amplifier les tensions?
Une primaire de toute la gauche me paraît totalement impossible. D'abord parce qu'ils ont montré qu'ils ne peuvent pas et ne veulent pas gouverner ensemble. Ils sont en désaccord profond. De son côté, Jean-Luc Mélenchon n'irait pas. Or il représente le noyau le plus important d'une gauche populiste anti-libérale. Après, si François Hollande ne se présente pas, il y aura probablement une primaire au Parti socialiste. Dans ce cas, est-ce que l'unité du parti résistera à la primaire, quel que soit le résultat? Ce n'est pas certain quand on voit que la violence inouïe de la tribune dans Le Monde.

Pour l'heure, l'avenir du PS est donc plus qu'incertain…
On ne sait pas ce qui va se passer. Cela pourrait encore durer cahin-caha jusqu'à la présidentielle. Mais il y a deux choses que l'on sait. La première, c'est que la gauche perdra l'élection. Et la deuxième : ce que la gauche risque de perdre, plus gravement et pour plus longtemps, c'est sa crédibilité de parti de gouvernement. Ce n'est pas rien.

* Gérard Grunberg est politologue, directeur de recherche émérite CNRS au CEE (Centre d'études européennes de Sciences Po) et animateur du site Internet Telos.

 



29/02/2016
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