2677- Anatole de Monzie et Maurice Faure 1 introduction 1 post

 

deux carrières comparables,

qui font un siècle de Lot

 

En souvenir de mon oncle Raymond Lacombe Ϯ,

maire "fauriste" de St-Daunès (1957-1971), près Montcuq

et en hommage à Jean-Louis Dirat, initiateur du sujet

 

Le premier entre au Conseil général du Lot en 1904, élu du canton de Castelnau-Montratier. Le second y entre en 1957, élu du canton de Salviac. Le premier en devient président en 1920 et le reste jusqu’en 1940, élu du canton de St-Céré ; le second accède à la présidence en 1970, poste qu’il occupe jusqu’en 1992, au titre d’élu du canton de Montcuq. À chacun sa moitié de XX° siècle du Lot.

 

Deux brillants sujets, à la carrière (presque) identique

 

Deux lauréats précoces

 

Le premier naît en 1876 à Bazas, le second en 1922 à Auzerat[1] (24). Cependant, la naissance Girondine d’Anatole tient au déroulement de la carrière de son fonctionnaire de père, que ce dernier finit à Cahors. En réalité, la racine familiale des de Monzie est sarladaise, comme celle des Faure. Est-elle plus aristocratique ainsi qu’a tenté de le démontrer de Monzie en se trouvant des ancêtres de petite noblesse à Cadouin ? Si le débat reste ouvert, les racines des deux familles restent périgourdines, seulement distantes d’une cinquantaine de kilomètres comme leurs naissances le sont d’une cinquantaine d’années.

 

D’emblée, tous deux se font remarquer par leurs aptitudes scolaires. À l’école primaire des religieuses de Ruffec que fréquente Anatole comme à celle publique de Gourdon de Maurice, où sa mère, ex-fontenaysienne et professeure de mathématiques dirige l’École Primaire Supérieure, les deux enfants sont premiers de leurs classes, avant d’intégrer le lycée d’Agen pour le premier, celui de Périgueux pour le second. Trop prometteur pour rester à Agen, les parents d’Anatole font le sacrifice de le placer au lycée Stanislas de Paris pour accomplir sa classe de terminale, qu’il enchaîne avec la faculté de droit. Resté à Périgueux, Maurice obtient son bac philo en juin 1939, avec la seule la mention « très bien » de l’académie de Bordeaux. À 17 ans, c’est dans cette ville qu’il entame aussitôt et simultanément, des études de droit et d’histoire-géographie, alors que la guerre vient d’être déclarée.

 

Inscrit au prestigieux concours de la Conférence du stage des avocats du barreau de Paris, pépinière des cabinets ministériels, Anatole est classé second des douze lauréats du concours de l’année 1900, à 24 ans. De son côté, Maurice ne s’attarde pas dans les facultés de Bordeaux, situées en zone occupée à partir de juin 1940. En septembre, il s’inscrit à celles de Toulouse, toujours en droit et histoire-géographie. De la rentrée universitaire 1940 jusqu’en juin 1943, Maurice y suit trois années d’études qui restent, selon son propre aveu, « celles où il travailla le plus[2] », au point de guère s’apercevoir de la présence de l’armée allemande dans la ville rose, à partir de novembre 1942. Est-ce l’annonce de la création par de Gaulle du Comité français de Libération Nationale à Alger le 3 juin 1943 ? Toujours est-il qu’à Gourdon, où il s’apprête à prendre le train pour Elne où des passeurs catalans doivent le prendre en charge jusqu’en Espagne, il reçoit « le télégramme jaune » qui le convoque à Paris pour subir les épreuves orales de l’agrégation en Sorbonne. Reçu quinzième sur dix-huit, il devient à 21 ans le plus jeune agrégé de France, qu’une épreuve d’oral mal placée « empêche » ainsi de rejoindre la France libre ![3] Preuve qu’à l’heure où beaucoup de jeunes font le choix d’entrer dans la Résistance, Maurice, lui, privilégie ses études, puis sa vie professionnelle au lycée de Tulle où il exerce d’octobre à la fin de 1943, avant que la crainte du STO le contraigne à se planquer dans la maison paternelle de St-Pierre-de-Chignac, puis à Azerat chez ses grands-Parents, enfin chez un marchand de bois de Chamboulive, jusqu’au… 5 juin 1944. Le 6, apprenant le débarquement allié, il s’engage dans le Corps-franc Pommiès. Dans ce maquis qui a l’avantage de « n’être pas politique[4] », ce résistant de la 25ème heure[5] accompagne la Libération du territoire depuis Cahors jusqu’aux Vosges, approchant les combats d’assez près pour juger qu’il n’est pas fait pour la guerre[6]. Il choisit alors de rentrer chez lui avant d’être nommé professeur au lycée Fermat de Toulouse, en décembre 1944.

 

Deux brillantes « entrées au forum[7] »

 

Le premier est avocat. Le second, qui pourrait l’être, opte pour suivre la voie de ses parents, l’enseignement. Mais tous deux se tournent vite vers la politique. Après un court passage chez les « étudiants collectivistes », puis une présidence remarquée du premier meeting dreyfusard du 25 février 1898 en solidarité envers Zola consécutif à sa condamnation pour son « J’accuse », Anatole de Monzie penche un moment vers le « socialisme réaliste » d’Alexandre Millerand, avant d’entrer dans le cercle étroit de l’Union républicaine démocratique, qui groupe d’anciens lauréats de la conférence des avocats dans une pléiade qui paraît à la fois comme l’antichambre du parti radical et la pépinière de ses cadres. En juin 1902, après s’être brillamment essayé au barreau, Anatole est embauché comme directeur-adjoint – et bientôt comme directeur tout court – du cabinet de Joseph Chaumié, Ministre de l’Instruction publique du gouvernement Combes[8] et ancien maire d’Agen. En juin 1904, le décès du conseiller général combiste de Castelnau-Montratier, bourg situé à mi-chemin entre Agen et Cahors où vit désormais sa famille, lui offre l’opportunité d’une première candidature. Après une brillante victoire électorale (1141 voix contre 771), Anatole fait son entrée au Conseil général du Lot, le 24 juillet 1904. Six mois plus tard, en décembre, il se marie à Paris avec Gabrielle Colaço-Osario, riche héritière israélite dont il se séparera en 1927, sans en avoir eu de descendance.

 

De son côté, membre des jeunesses radicales depuis 1938, Maurice Faure prend la carte du parti dès 1945[9]. Malgré le profond discrédit qui entoure cette formation considérée comme responsable du naufrage de 1940, il reste fidèle à l’engagement de son père, militant radical et maire de St-Pierre-de-Chignac. Outre les modèles que lui offrent Georges Bonnet, Yvon Delbos et Louis-Jean Malvy – trois anciens ministres radicaux de la région – Maurice confesse son penchant naturel pour la politique modérée des radicaux, au point d’être surnommé « le député » par ses condisciples du lycée de Périgueux, qu’il épatait en citant de mémoire des extraits de discours de Daladier, Herriot ou Reynaud[10].

Bien que bénéficiant de l’aura du grand résistant Bourgès-Maunoury, parachuté à Toulouse pour prendre la tête du parti radical au lendemain de la guerre, la première candidature de Maurice Faure en Haute-Garonne, lors de l’élection de la seconde Assemblée constituante de 1946 est un échec. Seul élu, la tête liste Bourgès-Maunoury l’introduit alors dans les milieux parisiens, ce qui lui permet de devenir attaché parlementaire d’Yvon Delbos en 1947. Quelques mois d’ennui le convainquent de rentrer à Toulouse, où il retrouve ses élèves de Fermat, mais aussi ceux de Sciences-po, où il professe un moment. Retour éphémère, puisque dès décembre 1947 Bourgès-Maunoury, qui vient d’être nommé Secrétaire d’État au Budget dans le premier gouvernement Robert Schuman, le rappelle comme chargé de mission. Après la chute du gouvernement en juillet 1948, nouveau retour devant ses élèves, jusqu’en juillet 1950 date à laquelle Bourgès-Maunoury, nommé Secrétaire d’État à la présidence du Conseil, l’élève au rang de chef de cabinet, jusqu’en juin 1951[11].

 

Élu conseiller général en 1904 à la faveur d’une élection partielle, de Monzie confirme brillamment son élection à l’occasion du renouvellement de 1907, malgré le parachutage du député de droite de la circonscription, lequel décède subitement deux ans plus tard, à 54 ans. Une aubaine pour le jeune homme qui, désigné candidat par le parti radical dont il est membre au moins depuis 1906[12], s’offre la plus belle élection de sa carrière, devenant député de la circonscription lors de l’élection partielle de 1909 avec 92,5 % des voix, sans opposant à droite[13]. Une victoire qu’il confirme aux législatives de l’année suivante, avec 87 % des voix.

 

De son côté, las de pantoufler dans les ministères, Maurice Faure hésite sur le département où jeter son dévolu : La Haute-Garonne ? Difficile d’y postuler la première place. Le Tarn ? Pas assez radical. Le Gers ? La place est prise. Le Lot finit par s’imposer à lui, autant par ses racines radicales (de Monzie, Malvy), que par la faible concurrence de « seconds rôles, […] dans un département fier d’avoir eu des élus de qualité[14] » écrit-il. Rompu aux manières diplomatiques des radicaux, il courtise méthodiquement maires et conseillers généraux du département, flanqué de ceux de Salviac et Cazals. Retenue, sa candidature n’arrive cependant qu’après celle du communiste, lors de l’élection de juin 1951. Mais l’application de la loi dite des apparentements[15] lui octroie néanmoins le siège.

 

Dans leur chasse au premier maroquin ministériel, les deux jeunes parlementaires veillent à s’illustrer, tout en étant à l’affût de la chute du moindre gouvernement. En 1912, Anatole de Monzie fait sensation en intervenant à propos du Maroc, préface de la guerre qui vient. La récompense vient l’année suivante, quand Louis Barthou compose son cabinet en créant pour lui un sous-secrétariat à la marine marchande. En 1951, seulement six mois après son élection, Maurice Faure prononce un discours remarqué en faveur de la CECA, embryon de l’union européenne. Mais boudé par Mayer, puis pressenti par Pineau qui ne parvient pas à constituer un gouvernement, il est ensuite ignoré par son homonyme Edgar Faure et doit attendre sa réélection de 1956, pour que Guy Mollet l’appelle au Secrétariat d’État aux Affaires étrangères.



[1] Le socialiste R. Lacoste (1898-1989) est également natif d’Auzerat. Cette communauté de naissance, ajoutée au souvenir de leur présence commune dans le ministère Mollet, explique de Faure soit le seul ancien ministre présent aux obsèques de l’ancien Ministre résidant en Algérie, où ce dernier couvrit torture et assassinats.

[2] FAURE (M), DELACAMPAGNE (C) : D’une République à l’autre, Paris, 1999, 182 p., p. 17.

[3]             Id., p. 18.

[4]             Id., p. 21

[5]             Id., p. 23 : « La Résistance ne nous apparut qu’après coup ».

[6]             Id., p. 22 : « Je n’aimais pas ces choses-là. Même si par force on réussit à s’aguerrir un peu ».

[7] MONZIE (A de) : L’entrée au forum, 1920, 256 p.

[8] Puis Garde des sceaux dans les gouvernements Rouvier 2 et 3 (24/01/1905-14/03/1906).

[9] C’est aussi l’année de son mariage avec Andrée Guillemain 20 ans, qui a des racines en Périgord (à Larochebeaucourt), avocate dont il aura deux fils : Patrick né en 1946 et Philippe, né en 1950. Après le décès de son épouse en 2003, sa secrétaire, puis cheffe de cabinet Josiane Laporte devient sa compagne.

[10] D’une République à l’autre, op. cit., p. 27-28.

[11] Bourgès-Maunoury est Secrétaire d’État des gouvernements Pleven 1 (12.07.1950-28.02.1951) et Queuille 3 (10.03-10.07.1951)

[12] Il est parmi les délégués du Lot aux congrès radicaux de Lille (1906), Dijon (1907). En 1908, suite au congrès de Nancy, il entre au comité directeur du parti.

[13] De Monzie profite aussi du soutien de Pierre Darquier, maire de Cahors, qui refuse d’être candidat au profit de son jeune ami. Les 7,5 % restants vont au candidat socialiste Doizié.

[14] D’une République » op. cit. p. 36.

[15] Loi électorale mise en place en 1951 par les partis de la Troisième Force pour réduire l'influence du PCF et du RPF (gaulliste) à l'Assemblée nationale. À cette fin, elle permettait l’élection de candidats pas arrivés en tête, à condition de s’être apparentés à d’autres formations avant le scrutin.



20/01/2024
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