Là bas.

Une fois n'est pas coutume:dans cet article nous laissons la parole à "Là bas si j'y suis".Soustraire l'information au seul pouvoir de l'argent?comment assurer la liberté d'expression? Voilà un débat qui intéresse les visiteurs de ce blog.

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"Bienvenue à l'Eglise de Chiffrologie !"

"Comment faire monter la flèche ?Que vous soyez rentier ou candidat, c'est la question qui se pose.Et qui s'est posée cette semaine à Radio France. Imaginez.

Imaginez un grand média : presse, télé, radio ou web, peu importe ; un média qui serait totalement affranchi de la tyrannie des annonceurs, qui ne serait tributaire d'aucun actionnaire, qui n'appartiendrait à aucun groupe financier, bref, tout ce qui permettrait une véritable indépendance politique et éditoriale. Vous imaginez ça ? Plus de laisse, plus de muselière, plus de dressage nécessaire. Un rêve impossible? Pas tout à fait. Il y a eu des exemples dans le passé. Aujourd'hui, il y a encore une presse comme le Canard enchaîné, quelques radios encore libres, ou l'internet investi par la dissidence. Autant d'îlots salutaires mais des portions fort congrues face à l'hydre du PPA, le Parti de la Presse et de l'Argent !

Demandez aux journalistes de Libération suspendus au bon vouloir d'un banquier. Demandez à ceux de Politis, le combat qu'ils ont dû mener pour continuer leur combat. Demandez à des journalistes - non pas aux vedettes vues à la télé -, mais au tout venant, à l'infanterie. Ils vous diront les pressions sur leur plume, sur leur micro ou leur caméra. Ils vous diront le chiffre d'audience de la veille affiché chaque matin dans l'ascenseur. Beaucoup finissent par plier et se ranger. D'autres résistent tant qu'ils peuvent tout en rêvant de ce grand média financièrement indépendant.

Or ce média existe. C'est Radio France. Un Service public financé par le public. Près de treize millions d'auditeurs au total chaque jour. « La plus grande entreprise culturelle d'Europe » dixit Jean-Marie Cavada. Et que faisons-nous de cette chance unique ? Et de cet héritage ? Car c'en est un, rappelons-le. En pleine guerre sur un fameux cahier bleu, le CNR (Conseil National de la Résistance) consigne les projets de la Résistance concernant l'information et la radio : « Soustraire l'information aux puissances d'argent et aux hommes d'affaires qui arriveront dans les fourgons des armées de libération pour mettre la main sur notre radio ». Ainsi naquît la Radiodiffusion Française, qui deviendra la RTF, puis l'ORTF, puis Radio France. De Londres et des maquis provient le souffle qui engendrera notre radio d'Etat. Malgré le temps, les dérives, les comités d'écoute, la mainmise gouvernementale sur l'information, l'indépendance financière a été maintenue. L'esprit de la Résistance a résisté. Nous n'avons toujours pas le profit pour but. Et toujours pas de publicité (ou très peu et, à la rigueur, on pourrait s'en passer). N'oublions pas que les Français sont plutôt publiphobes. L'absence de publicité est notre meilleur atout. Mais n'oublions pas les raisons et le sens de cette indépendance. Voilà où réside la « différence » que nous avons à préserver et à faire entendre. Une différence menacée en ces temps de privatisation généralisée mais d'abord menacée de l'intérieur, lorsque les sondages d'audience de Médiametrie deviennent la boussole, la sanction et l'unique pensée.

Chacun sait pourtant les conditions douteuses dans lesquelles ces chiffres sont élaborés. Les sondeurs eux-mêmes en reconnaissent le caractère hasardeux. Et pourtant nous voici assignés au dogme du chiffre.

Cinq fois par an, la publication des sondages est attendue comme le grand Oracle. Ou bien votre flèche monte, ou bien votre flèche descend. Plus rien d'autre ne compte, la qualité, l'invention, la recherche, la controverse, la découverte, l'hésitation, le bénéfice du doute, tout ce qui fait l'humus et l'étoffe d'une culture et qui chercherait à redonner un sens à une telle entreprise dans les turbulences du temps. Rien de tout cela. Plus aucune considération pour un fait pourtant constant dans l'histoire humaine : toutes les Lumières, toutes les grandes conquêtes de l'esprit, toutes les grandes émancipations collectives, apparaissent d'abord minoritaires et subversives. Dans les idées, comme dans l'art, comme dans la politique. Avec l'audimat, pas de Galilée, pas de Van Gogh, pas d'Einstein, même pas un Desproges. Et Proust, sa flèche, elle monte ou elle descend ? C'est la seule question : « Comment faire monter la flèche ? »

On peut le comprendre pour les radios commerciales soumises à la loi de l'annonceur et du propriétaire. Les règles sont claires : des chiffres. Mais nous ? Nous, on n'est pas obligés. Et pourtant, l'Eglise de Chiffrologie partout étend son règne. A Radio France, devant un aréopage pénétré, les chiffres magiques sont projetés, interrogés et savamment interprétés selon des rites incantatoires empruntés aux antiques devins qui scrutaient le vol des oiseaux ou les entrailles des poulets et donnaient un avis qui, miraculeusement, venait confirmer les ordres - toujours perspicaces -, de l'Empereur.

Certes, nous faisons de la radio pour être écoutés par tous et une indication d'audience est un important paramètre. Mais c'est devenu le seul, la seule et l'unique augure. Aucun but collectif, aucun horizon, aucune réflexion sur le sens à donner aujourd'hui à ce bien public, aucun autre sens que la flèche.

Faute d'imagination, faute d'ambition, faute de légitimité, faute de confiance dans la qualité et le talent des équipes, nous sommes comme un cheval libre qui, apeuré par les grands espaces, viendrait s'aligner sur les chevaux d'attelage et de trait.

L'inconvénient avec les rêves médiocres c'est qu'ils sont les plus difficiles à réaliser (1).

Mais comme dit Sally  Mara  ."

Là bas

(1)Charles de Gaulle (?)

 

 

 



26/11/2006
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