912- Syrie: Une guerre civile communautaire 7 posts

Une fois de plus il ne faut pas se contenter de répéter en boucle ce qu'on nous martèle tous les matins et tous les soirs dans les médias:Les bons  du côté où nous sommes les méchants de l'autre.Les choses sont en général plus complexes.On l'a vu en Irak puis en Libye où les gentils rebelles se sont révélés un peu moins démocrates que BHL nous l'expliquait et un peu plus barbares qu'on pouvait l'espérer...

Pour comprendre ce qui se passe en Syrie.Une guerre civile inter religieuse ou un hiver arabe? Réponse du journal  LA CROIX:"une guerre civile communautaire" .Marc Baldy


ENTRETIEN FABRICE BALANCHE, maître de conférences à l'université Lyon 2 [I]

« Une guerre civile communautaire   se déroule à Homs" 


         



 La ville syrienne reste l'épicentre de la contestation contre le régime du président Bachar Al Assad. Cette révolte oppose alaouites et         sunnites, établis dans les quartiers périphériques pauvres.


Pourquoi la ville de Homs est-elle devenue la  capitale de la révolution syrienne » ?


Fabrice Balanche : C'est surprenant, car Homs est une ville assez pacifique, plutôt agréable à vivre. Mais c'est une ville divisée entre deux communautés : les sunnites, qui représentent les deux tiers de la population locale, et les alaouites, qui comptent pour à peu près un quart des habitants. Les chrétiens représentent environ un dixième de la population.

Cette division communautaire existe dans d'autres villes du pays,comme Banias ou Lattaquie...


F. B. : Oui et au début de la révolution, ces deux villes ont connu d'importants mouvements de contestation. Mais, à la différence de Homs,qui se trouve dans une région à majorité sunnite,ces deux cités se trouvent en pays alaouite, ce qui explique que la contestation ait pu y être rapidement réprimée. En revanche, à Homs, le mouvement s'est prolongé, et aujourd'hui une véritable guerre civile communautaire s'y déroule.


Quelles sont les raisons de cette profonde inimitié entre alaouites et sunnites à Homs ?


F. B. : Historiquement, Homs est une ville sunnite avec une minorité chrétienne, comme partout au Proche-Orient. Les alaouites, qui vivaient dans la montagne côtière (« la montagne alaouite ») ne sont arrivés en ville qu'à partir des années 1930, à la faveur de l'exode rural. Le mouvement s'est accéléré dans les années 1960, avec l'arrivée au pouvoir du parti Baas, composé principalement de ruraux et de minoritaires, notamment alaouites.Grâce à leurs relations dans l'armée et les services de renseignements, les alaouites vont progressivement  occuper la majorité des postes de direction dans l'administration locale, où ils sont aujourd'hui clairement surreprésentés. La population sunnite a l'impression de se faire phagocyter par les alaouites, pour qui elle n'a d'ailleurs que mépris du fait de leurs origines rurales et de leurs croyances religieuses, jugées non conformes à l'islam.


La révolte n'a-t-elle pas aussi un fondement social ?


F. B. : La contestation à Homs est surtout le fait des quartiers sunnites pauvres, situés en périphérie, où vivent essentiellement des citadins « déclassés » ou bien des ruraux qui sont venus s'installer en ville. Le ressentiment est moins fort dans les couches supérieures de la population, l'argent effaçant souvent les clivages religieux. Dans les classes populaires, en revanche, il y a peu de mixité confessionnelle et l'emprise des discours religieux intégristes y est beaucoup plus forte.


Les islamistes y sont-ils bien implantés ?


F. B.:Beaucoup ont profité du désengagement de l'État dans les quartiers défavorisés pour prendre en charge, notamment, la santé et la distribution d'aide alimentaire à la population.Certaines de ces associations « caritatives » islamistes sont désintéressées, mais d'autres non.

Aujourd'hui, en Syrie, il y a une unification de la communauté arabe sunnite à l'échelle nationale,qui transcende les clivages claniques et les particularismes locaux - ce que Hafez Al Assad,puis Bachar, ont toujours voulu empêcher. L'idée se résume à chasser les alaouites du pouvoir et à les remplacer par des sunnites.


Y aura-t-il des représailles contre les alaouites si le régime syrien tombe ?

F. B. : Cela s'est déjà produit dans des villages alaouites isolés, du côté d'Idleb (NDLR : nord ouest du pays). Dans la région de Homs, les   alaouites ont commencé à s'armer. Beaucoup ont conservé des attaches dans leurs villages d'origine où ils pourraient se réfugier s'ils étaient menacés.


Le régime syrien peut-il se maintenir ?


F. B. : À court terme, oui. À long terme, il est condamné du fait de la poussée démographique sunnite. Il sera de plus en plus difficile pour uneminorité alaouite de s'imposer au sein de l'armée face à une majorité sunnite, qui constitue une part importante de la troupe mais non des officiers.D'ailleurs la plupart des déserteurs aujourd'hui sont des soldats sunnites.


RECUEILLI PAR JULIEN COUTURIER

CO Auteur de La Région alaouite et le Pouvoir syrien (Kart ha la,

2006) et de Atlas du Proche-Orient arabe [Presses universitaires

Pans Sorbonne, 2011).



24/02/2012
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