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Sénat-Assemblée PROFESSION POLITIQUE

Les langues de la discorde

Rébellion feutrée au Sénat, qui a détricoté, en première lecture, plusieurs points de la réforme des institutions. La question de la reconnaissance des langues régionales, votée à la quasi-unanimité par les députés et évacuée par les sénateurs, a creusé le fossé entre les deux chambres. Au risque de faire échouer toute la réforme voulue par le chef de l'État.

C'est une gifle qu'ont infligé les sénateurs aux députés, en supprimant une disposition qui avait été votée à la quasi-unanimité par l'Assemblée nationale. Une phrase qui complétait l'article premier de la Constitution, ainsi rédigée : "Les langues régionales appartiennent [au] patrimoine" de la Nation. Un vote qui a dépassé les clivages, puisque cette décision est venue des bancs de la majorité sénatoriale, des centristes, des radicaux, des communistes et des socialistes, et qui a donné lieu à de belles et longues envolées en séance : à gauche, les grands principes de la République, et à droite, en ce 18 juin, le général de Gaulle. Petites phrases : le spécialiste des institutions au groupe UMP du Sénat, Patrice Gélard (UMP), s'inquiétant de "retrouver demain la franc-maçonnerie, les cathédrales, le christianisme dans le patrimoine national". L'ex-PS Michel Charasse se posant la question pour la gastronomie : "Voir la potée auvergnate ainsi distinguée, je n'osais en rêver..." Résultat : 216 voix pour la suppression, contre 103. La ministre de la Justice, Rachida Dati, ne put que constater sur ce point, auquel le gouvernement n'était pas très attaché, le "profond désaccord entre le Sénat et l'Assemblée". Un désaccord qui pourrait durer...

Porte ouverte

Le débat sur les langues régionales est rouvert, avec toute sa virulence. Un débat dans lequel même l'Académie française a cru bon d'intervenir –fait rarissime–, jugeant que cette reconnaissance portait "atteinte à l'identité nationale". Un débat qui s'est cristallisé, ces dernières années, entre adversaires et partisans de la Charte européenne des langues régionales et minoritaires. La France l'a signée, mais ne l'a pas ratifiée, après la décision du Conseil Constitutionnel du 15 juin 1999, selon laquelle la Charte n'était pas compatible avec la loi fondamentale, notamment parce que ces clauses étaient "contraires à l'article 2 de la Constitution dans la mesure où elles tendent à conférer le droit d'employer une langue autre que le français dans la « vie publique », notion dans laquelle la Charte inclut la justice et les « autorités administratives et services publics »". Le 11 juin, la commission des lois n'avait pas jugé utile de remettre en cause le texte voté par l'Assemblée, considérant qu'il n'ouvrait pas la porte, tel quel, à une ratification de la Charte. Un argument contredit en séance et en majesté par le socialiste Robert Badinter : "Dès l'instant où l'on modifie la Constitution, la jurisprudence du Conseil Constitutionnel ne vaut plus". La crainte des adversaires de la Charte ? La possibilité offerte à un justiciable, par exemple, d'exiger un procès dans sa langue régionale. En 1998, c'est sur l'expertise du constitutionnaliste Guy Carcassonne que le processus de signature de la Charte fut engagé par Lionel Jospin. Guy Carcassonne donne raison à Robert Badinter sur le fait que l'ajout des députés rendrait caduque la décision des Sages et ouvrirait la porte à une possible ratification : "Il n'y a aucun doute sur ce point". Mais il continue de récuser les arguments des opposants à cette Charte : "Elle se soucie de la langue, non des locuteurs. Les sénateurs n'ont pas lu ce texte qui fonctionne « au menu » : les États choisissent les alinéas qu'ils souhaitent mettre en œuvre sans aucune obligation de retenir ceux qu'ils jugent plus contraignants".

UMP vs UMP

Au Sénat, l'opposition à la constitutionnalisation de cette reconnaissance des langues régionales vient, selon la socialiste Marylise Lebranchu, surtout des rangs de l'UMP. Quant à ses camarades sénateurs : "Cela fait longtemps que Robert Badinter est sur cette ligne." Le "fier d'être jacobin" de Jean-Luc Mélenchon ? "Il est imperméable à toute discussion sur le sujet. Un jour, il comprendra…", souligne l'ancienne garde des Sceaux. "Vous combattez des démons plus que des réalités. En France, point de baïonnettes aux portes de la langue française pour faire triompher le séparatisme. Pourquoi être sur la défensive ?", lâchait le socialiste David Assouline, désabusé. Communistes et socialistes espéraient pouvoir faire passer la pilule plus facilement aux sénateurs en déplaçant l'ajout de l'article 1 à l'article 2, qui traite de la souveraineté. "Après la référence à la langue française, indique la communiste Nicole Borvo. À l'Assemblée nationale, ils ont pêché par excès ou par insouciance. Selon moi, il peut y avoir un accord pour une inscription à l'article 2." À écouter Patrice Gélard, rien n'est négociable. Comme la socialiste Marylise Lebranchu, il soutient que ce désaccord sur les langues régionales pourrait "remettre en cause l'ensemble du projet de loi constitutionnelle". Le constitutionnaliste Guy Carcassonne, qui est par ailleurs l'un des membres du comité Balladur sur les institutions, confirme : "Connaissant  les sénateurs, cela pourrait effectivement constituer un point de blocage important."

REVISION constitutionnelle

Détricotage au train de sénateur

Une première lecture pour montrer ses vues… très différentes de celles des députés. Les sénateurs ont fait le ménage dans le projet de loi constitutionnelle, adopté dans la nuit de mardi à mercredi. La première victime est la gauche : rejet de la mention selon laquelle la Haute Assemblée assure la représentation des collectivités territoriales "en tenant compte de leur population". Rejet aussi de la prise en compte du temps de parole présidentiel dans les médias. La majorité sénatoriale n'a pas non plus épargné ses collègues députés, désavoués sur les langues régionales et le référendum d'initiative populaire. Les députés UMP, qui avaient voté l'obligation d'un référendum pour contrer une adhésion éventuelle de la Turquie à l'Union européenne, ont été humiliés : l'obligation a été supprimée, ce qui confirme un premier vote en ce sens en commission des lois. Le camouflet touche aussi le gouvernement et Nicolas Sarkozy : le droit de grâce présidentiel a été rétabli dans son intégralité, le recours au 49-3 n'a pas été limité et le droit pour les anciens présidents de siéger au Conseil constitutionnel a été supprimé.


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Impasses de Grenelle

Anne-Laure Puyfaucher
bakchich.com

« Impasses de Grenelle », le dernier livre de l'avocat Jean-Marc Fédida, jette un pavé dans la mare de l'écologie. Le pamphlet, fraîchement publié en mai aux éditions Ramsay, défend une posture très claire : « le Grenelle de l'environnement ne servira à rien. Il ne sauvera pas de phoques sur la banquise ».

Jean-Marc Fédida démontre comment l'écologie parasite le discours politique. Et comment, au passage, les hommes politiques de tous bords, dont un certain Nicolas S., ont récupéré le discours écologique pour leurs campagnes.

Il démonte, aussi, la légitimité du Grenelle, « une méthode de gouvernance inédite », « un chantier de réflexion dont le Parlement ainsi que les acteurs démocratiquement élus ont été écartés », laissant leur place aux représentants des ONG, de l'Etat, du patronat, des collectivités territoriales et des syndicats de salariés, tous « sensés » avoir une opinion sur la question de la sauvegarde de la planète.

Il dénonce, enfin, l'écologie comme « l'art d'annoncer des catastrophes » et de culpabiliser. Une écologie « de guerre » qui, selon l'auteur, se dresse toute entière contre un seul ennemi : l'Humain. Lui seul est responsable des maux de la planète ; il sera le seul fautif si le ciel lui tombe sur la tête.

A bas « l'écolototalitarisme »

Le ténor du Barreau campe donc à l'opposé des discours alarmistes, du catastrophisme et du « climat de panique perpétuellement entretenu dans la population ». Son propos sur « l'imposture de l'expertise » est le plus saisissant. Fédida égratigne sévèrement le « mince vernis pseudo-scientifique » sur lesquelles se basent les politiques environnementales. Il explique, en autres, que toute controverse a soigneusement été écartée du rapport du Groupement Intergouvernemental d'Etude du Climat (GIEC), dont les conclusions sont présentées comme faisant l'unanimité dans la communauté scientifique. Il rappelle le lynchage médiatique qu'ont subis les scientifiques qui avaient émis des critiques à l'encontre des méthodes d'étude du GIEC. Il cite le Sénat, qui en 2002, invitait « les décideurs politiques à se défier des conclusions du rapport du GIEC, qualifié [par la Haute Assemblée] d'instrument de décision politique et non de document proprement scientifique ».

Jean-Marc Fédida dénonce « l'écolototalitarisme » et se pose en libéral et humaniste. Contrairement à son copain de promo Arnaud Montebourg, il n'a pas souhaité s'engager en politique. Sans remettre un seul instant en cause la nécessaire préservation de l'environnement, il aère le débat. Dommage qu'il perde un peu son lecteur par son écriture ampoulée. Il a déjà publié, en 2006, L'horreur sécuritaire, les trente honteuses, essai dans lequel il dénonce des régressions sans précédent en matière de libertés individuelles. Impasses de Grenelle soulève le même problème : on ne peut régir les comportements individuels par décret. Un consommateur bien informé est capable de faire son choix.

Pour Fédida, le Grenelle de l'environnement et les lois qui en découlent ne serviront à rien. Dommage pour les phoques sur la banquise. Et dommage pour Borloo, qui vient justement de présenter le projet de loi Grenelle.

Jean-Marc Fédida, « Impasses de Grenelle, de la perversité écologique », Editions Ramsay – 208 pages – 17 euros.



23/06/2008
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