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Une semaine très politique Par Pierre-Marie Vidal
"Profession politique"

Lors de sa conférence de presse, Nicolas Sarkozy s'est montré aussi imcomplets dans ses réponses qu'agressif envers les journalistes.

Des vœux malgré tout ! C'est en ces termes laconiques que le chef de l'État a adressé en quelques mots rapides ses vœux à la presse. Des vœux escamotés qui ont semblé lui revenir à l'esprit après une longue intervention aux multiples développements et avant de répondre, le mors aux dents, aux questions de la première conférence de presse de son quinquennat.

Mais quelle mouche a donc piqué Nicolas Sarkozy pour qu'il engage sur ce ton ses relations avec les médias en 2008 ? Immédiatement sur la défensive, le Président a cherché à se justifier bien au-delà de ce qui lui était demandé. Au sujet de l'éventualité de son mariage avec Carla Bruni, voilà le président accusant la presse d'hypocrisie et de mensonge quand elle taisait le mode de vie de ses prédécesseurs.

Quant à ceux qui ont commenté son divorce, le Président aurait eu honte pour eux. À ceux qui évoquent son salaire, Nicolas Sarkozy riposte : "Est ce que vous avez eu le courage et l'honnêteté" de dénoncer la situation précédente ? Et ainsi de suite, sur toutes les questions posées, voilà le chef de l'État parti dans de longues diatribes, s'inventant des contradicteurs pour mieux se justifier... au prix de raccourcis étourdissants.

Enfin à ceux qui sur les sans-papiers ou sur le pouvoir d'achat ont eu l'outrecuidance d'aller jusqu'à le questionner sur sa politique, le Président n'hésite pas à les prendre à parti, ridiculisant leurs questions. Sur la question très opportune des 35 heures, Nicolas Sarkozy n'aura même pas daigné expliquer sa position, se contentant d'annoncer son souhait de les supprimer sans le moindre mot d'explication.

Au total, un show populiste organisé aux dépens des journalistes utilisés comme faire-valoir d'une politique qui ne devrait pas être discutée, à moins d'apparaître, au choix, comme hypocrites, malhonnêtes ou incompétents.

Décidément une semaine très politique.


Le bal des fayots

© AFP


Parterre de caméras dans la cour du Palais, estrade bondée de photographes face à la tribune, confrères serrés sous les lambris, trop nombreux pour les chaises mises à leur disposition. Les stars de la profession ont fait le déplacement, de Serge Moati à Guy Carlier, de Paul Amar à Paul Nahon, en passant par Françoise Laborde. Les patrons de presse aussi : Robert Namias, directeur général adjoint en charge de l'information de TF1, Nicolas Beytout, nouveau directeur des Echos, Laurent Joffrin, directeur de Libération, Valérie Lecasble, directrice de I-télé, Bruno Frappat, président du directoire de La Croix, entre autres... Dès la fin de son discours d'introduction consacré à la déclinaison de son nouveau concept, la fameuse « politique de civilisation » qu'il a, paraît-il, peaufiné la veille en rencontrant Edgar Morin, Nicolas Sarkozy ironise : « Je me rends compte que je ne vous ai pas présenté de vœux, mais je vous vois si heureux ! » Une petite vanne en direction d'un secteur en crise pour commencer, le ton est donné. Face à un Sarkozy en grande forme, il eût fallu, au moins, une bonne dose de solidarité journalistique. On la cherche encore.

France 24, le JDD, BFM...
« On n'organise rien du tout », lance le Président pour donner le coup d'envoi. De fait, c'est inutile : le micro ne circulera que parmi les journalistes assis face à la tribune, sans jamais s'égarer entre les mains de ceux qui n'auraient pas suivi Nicolas Sarkozy ou ne seraient pas connus de lui. Les hostilités s'ouvrent sans attendre. A Roselyne Febvre de France 24, il rappelle qui est le patron : « votre vie politique a commencé il y a huit mois, avec moi », lâche-t-il, énigmatique. Comme elle l'interroge sur son possible remariage, il fait savoir qu'en tout cas « ce n'est pas le JDD qui en fixera la date ». La flagornerie ne paie plus, les journalistes ont beau décliner les vœux de bonne année au Président, aucun média n'est épargné. Si vous ne voulez pas que j'affiche ma vie privée, explique-t-il en substance à une journaliste de BFM qui critique son « style », « vous n'enverrez plus de reporters de BFM TV pour me suivre partout ».

...Les Echos, Libé, Joffrin et les éditorialistes...
Pendant plus d'une heure, tous les titres en prennent pour leur grade, sans que leurs représentants ne puissent répliquer : il n'y a pas de droit de suite dans les conférences de presse présidentielles, et sur ce point, Nicolas Sarkozy n'a pas changé le protocole. L'adjectif « ridicule » s'abat sur les gratte-papier une bonne dizaine de fois. Le Président tacle, par exemple, les « grandes déclarations un peu ridicules sur la propriété des journaux », visant incidemment la rédaction des Echos« vous n'avez trouvé que ça ? » pour qualifier sa question, il se voit rappeler les difficultés économiques de Libération : « Vous devez savoir ce que c'est que la difficulté de trouver un lectorat. » Un peu plus tard, interrogé sur la crise des subprimes, le Président ajoute : « si j'étais inquiet, je ne ferais pas Président de la République, ce n'est pas un métier pour inquiets. J'en connais de plus calmes, comme éditorialiste. »

...LCI, France 3, Europe 1, et encore Joffrin
Non content de renvoyer les journalistes dans les cordes, l'interrogé botte systématiquement en touche. « Ce n'était pas tout à fait votre question mais c'est tout à fait ma réponse », assène-t-il à Anita Hausser, de LCI. A une journaliste de France 3 qui se dit choquée par l'expression « discrimination positive », il répond que le vocabulaire n'a pas d'importance. Quelques minutes plus tard, à Laurent Joffrin qui l'accuse de transformer la République en une « monarchie élective », il fait remarquer, à l'inverse, que « les mots ont un sens » et que cette expression ne veut rien dire. Quand, enfin !, un journaliste d'Europe 1 demande précisément si les 35 heures seront supprimées en 2008, la réponse est laconique : « Oui », sans aucun développement. Curieux, surtout de la part de quelqu'un qui vient de mettre en avant le paiement des heures supplémentaires comme solution à la crise du pouvoir d'achat. Sur quelle base seront réalisées les heures dites « supplémentaires » si la durée légale du travail change ? Mystère. On n'en saura pas plus, puisqu'aucune des questions laissées sans réponse ne sera jamais reposée. C'est la règle du chacun pour soi. Les rires fusent même pour accompagner les boutades du Président, y compris lorsqu'elles se font aux dépens d'un collègue. Laurent Joffrin - encore lui - n'est pas le seul à en avoir fait les frais.

Un cocktail attend la foule des « journalistes de base » après deux heures de laminage. Le bilan n'est pas brillant. Beaucoup se disent déçus, insatisfaits. Les questions, trop générales et dispersées, sur la crise de la presse, la crise économique mondiale, l'enthousiasme des Français ou la « faillite de l'Etat», ont permis à l'interviewé de rester très flou. Les rares critiques étaient si éditorialisantes qu'elles n'ont pas contraint le Président à s'expliquer sur les problèmes précis que soulève sa politique.

Vindicatif, un journaliste du Canard enchaîné s'exclame carrément que c'est « le rendez-vous des fayots ! » (NDLR:en un langage plus imagé des lèche culs ). A la fin du show, dans la cour de l'Elysée, la télé interviewe les journalistes pour recueillir leurs impressions. On se tend mutuellement le micro, dans une mise en abîme qui laisse perplexe. Après une telle dérouillée, le miroir n'est pourtant pas des plus flatteurs.

Marianne2 en ligne



08/01/2008
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