476-Mauvaises pensées d'un prof pendant la grève1 post



CQFD N°050


FAUX-AMIS

QU'EST-CE QU'ONFRAY SANS LUI ?

Mis à jour le :16 novembre 2007. Auteur : Le bouledogue rouge.


On avait subi l'asperge raffarineuse de Luc Ferry ; André Glucksmann, le penseur de « la France du cœur » et sarkozyste sur le tard ; Pascal Bruckner, cul serré et croisé de la guerre en Irak ; Max Gallo bandant devant le nouveau président comme devant Napoléon ; ou BHL, « royaliste » pro-américain et penseur couché.

Besogneux progressistes ou apprentis grands timoniers d'autrefois, les voilà tous rendus - résultat de l'avancement de leur carrière oblige - à chanter des gammes qui vont de la réaction façon XIXe à la simple activité cosmétique. Encore un effort, et leurs œuvrettes seront publiées dans Les Veillées des Chaumières.

Au tour maintenant de Michel Onfray, le philosophe épris de subversion. Anarchiste, il vit « loin des bombes », ne supporte plus le « clergé anarchiste », affirme ses préférences pour « un capitalisme libertaire », sans se prononcer clairement sur le management anarchiste ou la hiérarchie horizontale. Le philosophe, qui vient de s'illustrer dans le très libertairement capitaliste journal Libération, a dorénavant habitué son lectorat à des revirements qui permettent un rentable élargissement de son audience (125 000 exemplaires du Traité d'athéologie vendus).

Malin ! En janvier 2007, il s'engage, toutes passions dehors, derrière l'anti-OGM mondialisé José Bové, tout en s'enthousiasmant pour les possibilités qu'offrent clonages et manipulations génétiques. Mais, en avril, il oblique et porte ses suffrages sur le postier, pour finalement dire qu'« un vote de conviction est désormais impossible » et qu'« on peut voter blanc ou Ségolène Royal ». C'est sûrement ce qu'il appelle, dans Lire d'octobre 2007, « des preuves concrètes d'anarchisme ».

Mais, malgré ce super cool nomadisme sur des questions aussi essentielles que la participation à une kermesse électorale, le philosophe, erratique sur les plateaux de « la veulerie télévisuelle » - comme il dit - et dans les magazines, fait quand même preuve de fermeté

On savait BHL installé, vivant sous les ors d'un luxueux logement, en compagnie de sa poupée Barbie et entouré de domestiques. Onfray, lui, nous raconte sa très culturelle intimité, comme dans Le Figaro du 28 octobre 2006. Il y donne l'adresse des restaurants où il a ses habitudes, ceux pour lesquels il a « une fidélité gourmande », ou encore « ses dernières révélations ». On apprend, émerveillé, ses préférences en matière de parfums, son attachement à une marque, puis son addiction à une autre depuis qu'« il est tombé en arrêt devant la publicité ». On connaît les hôtels où il « trouve refuge » à Paris ou à Bordeaux. On apprend qu'il a longtemps écrit en écoutant de la musique et que maintenant il ne « travaille plus que dans le silence ». « Tous les étés, je porte la djellaba, bois de l'eau plate et mange des salades. Je perds cinq à dix kilos. » Et de préciser : « Je n'ai pas d'humeur, j'ignore la dépression, les exaltations. »

Aveux qui constituent une véritable concurrence déloyale pour les biographes des éditions Michel Lafon. Voilà donc un grand penseur qui entre debout dans l'Histoire. Mais rien à propos de ses fringues...

Aucune photo dans le vulgaire Voici. En un mot, un rebelle, un vrai. Un véritable produit de combat, un exemple loin du doute philosophique, fermement installé dans le spectacle de lui-même, dans les linéaires des surgelés prêts à consommer, au rayon Onfray.

Publié dans CQFD n°50, novembre 2007.



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bachchich :Dans le train Lyon-Nancy

vendredi 16 novembre 2007 par Yanis Vadeboin

Mauvaises pensées d'un « fonctionnaire » de la pensée : un prof

Des années que je fais ce trajet chaque semaine pour coiffer ma casquette de maître de conférences à la fac. Je finis par connaître tous les contrôleurs de la ligne. Aujourd'hui c'est Lucien qui officie. Il est méticuleux Lucien et il ne fait jamais de cadeau à personne. Personne, sauf peut-être les lascars de banlieue. Après son passage dans mon compartiment, il a zappé celui d'à côté d'où fusent les rires de trois compagnons du survêtement-baskets-casquette NIKE. Péril en la demeure ? « À deux ans de la retraite, m'a confié un jour Lucien, je ne prends plus de risque avec les gens de cette corporation ! » On ne le comprend que trop bien le pauvre chemineau, à l'heure où c'est la France de toutes les corporations qui fait dans son froc face à cette jeunesse en uniforme qu'on ne veut incorporer nulle part.

À la fac, c'est kif-kif. « Les classes populaires » comme on les appelle par euphémisme pour ne pas dire « les arabes », en première année de socio, ils sont plus de la moitié des amphis. En seconde année, 90 % ont disparu. Un collègue m'a dit l'autre jour : « on s'est battu jadis contre les fac-casernes, mais c'était pas pour créer des centres sociaux universitaires ! ».

À l'Université, en cours

Ils n'ont pas le niveau, les potaches. Il y a ceux qui s'imaginent qu'ils sont toujours à l'école et qui applaudissent quand un prof s'absente. Et il y a les inquiets, ceux qui consomment du cours et qui chronomètrent les pauses. Mais ils sont rares ceux qui ont compris que pour réussir ses études, il faut lire quelques bouquins et apprendre l'autonomie. L'autre jour, j'interrogeais des étudiants de licence sur leur vision des grandes œuvres littéraires. Un ange passe. Puis un étudiant risque un nom : Bernard-Henry Lévy. Merde alors ! BHL ou la pensée française figée dans une image de la superbe romantique puant la naphtaline. Une caricature française qui refuse de vieillir comme Johnny. Il n'y a que chez nous où les vieux grigous restent aussi longtemps en haut de l'affiche. BHL, n'est-ce pas lui qui a inventé le « romanquête » du légitime délire sur l'actualité ?

Ce qui lui permet de satelliser le monde autour de son nombril. Ce type dans sa chemise blanche, ça fait plus d'un quart de siècle qu'il pratique l'onanisme en direct sur nos lucarnes médiatiques parce que personne n'ose lui dire d'aller se faire foutre avec sa nostalgie pour le bel éphèbe qu'il était jadis. Le drame d'un homme ou celui d'une France d'en haut qui voudrait résumer le monde à une seule image. Un peu comme son film avec Alain Delon, sans queue ni tête, mais avec le cul de madame BHL – Arielle Dombasle – comme seul point de mire. « Le pire qu'il puisse arriver à l'homme, c'est de n'être plus confronté qu'à lui-même, aux images de lui-même, ne plus avoir de confrontation avec une altérité qui le sauve » (Martin Heidegger).

Mais au final, il faut comprendre les potaches. C'est vrai que BHL c'est le prince consort de la faculté. Travailler son image, c'est le passe temps favori des fonctionnaires de la pensée universitaire. Chaque prof le dénonce comme pour s'extraire du jeu. Mais chacun cherche à ériger sa propre statue. Moi qui croyais trouver un lieu ouvert sur des expériences de pensées, j'ai vite compris les règles du jeu. Ne plus vraiment se poser de questions. Être comme les autres. J'ai réussi : suis-je vraiment devenu con ?

Dans mon bureau. Cogitation

Le devenir con à la fac, ça veut dire quoi ? Une histoire idiote de pouvoir. Tu arrives, tu fais tes cours comme tout le monde, et tu t'imagines que tout le monde il est beau, tout le monde il est intelligent. Sauf que tu te rends compte qu'il y a des hiérarchies qui sont déjà là avant ton arrivée. Des profs, des maîtres de conférences mais aussi des étudiants qui sont des chouchous intouchables. Des chouchous féminins parfois ! Et tout ça, sous couvert d'objectivité scientifique, ça vire souvent au népotisme mandarinal. Moi qui disais aux étudiants de bouquiner, je n'avais rien compris : on peut aussi coucher ! Tout ça, on ne le découvre qu'à la longue. On s'imagine d'abord que découvrir un bon étudiant, c'est un bonheur pour tout le monde. Et on se rend compte que là n'est pas la question. Un bon étudiant sans soutien des mandarins, c'est un zéro. Il passera toujours derrière les porteurs de valise ou les maîtresses. Alors on se dit que pour aider quelques jeunes doués, il faut faire de la politique. Soutenir telle candidature insoutenable pour obtenir quelques soutiens plus tard. Au final le devenir con, c'est oublier que la fac c'est tout de même le lieu de formation des étudiants et non pas une arène politique où les profs règlent leurs comptes !

..............

En cours. Licence

La petite blondasse au second rang, je ne rêve pas, elle vient de me faire un coup d'œil ! Elle ne se rend pas compte que je pourrais être son père ? Remarque, c'est plutôt flatteur pour mon petit ego. Je finis par comprendre tous les vieux beaux de la fac qui après leur divorce se mettent à la colle avec des jeunettes.

Cafétéria étudiante

Putain de machine à café ! Elle m'a encore piqué un euro. Rien ne marche ici, il faut le savoir. C'est comme la fenêtre de mon bureau qui depuis quatre ans tient avec des bouts de ficelle. Certains profs finissent par péter les plombs comme notre camarade Henry –installé en longue maladie– qui un soir a saccagé les massifs de fleurs de la présidence. C'est vrai que le Président –un collègue du département d'Histoire–, il se la joue chef d'entreprise et la réforme universitaire de va pas arranger les choses. Hier, la secrétaire nous a annoncés qu'on était désormais rationné sur les photocopies. Une économie de bouts de chandelles qui n'empêche pas les planqués des relations internationales de voyager en première classe aux quatre coins de la planète. Un jour à Rio, un autre à Pékin, entre deux réunions au Ministère, certains collègues ont depuis longtemps décroché de la relation pédagogique. Ils vendent de la formation paraît-il, mais je crois qu'au mieux, c'est de la communication (ou comment faire croire que l'Université française est encore un temple de la pensée !), au pire c'est de l'ordre du rituel anthropologique que décrit David Lodge dans Un tout petit monde. C'est vrai qu'après les profs TGV, on a inventé aussi les profs Boeing. On a même recruté récemment un Américain que l'on soupçonne d'avoir conservé son poste dans son pays d'origine. La sociologie, disait Bourdieu, c'est un sport de combat : je crois qu'ici, c'est surtout l'art de décrocher en douceur de toute responsabilité administrative et pédagogique tout en affichant le contraire grâce à la magie de la rhétorique professorale. Au final, le problème de la fac, se sont les étudiants : ces jeunes gens qui s'évertuent à rappeler leur existence dans un système qui les tient pour quantité négligeable.

L'Université, dans mon bureau

J'ai bossé toute la nuit sur des dossiers administratifs, notamment pour une prime de recherche à laquelle je n'aurai sûrement pas droit. Mais il ne faut pas être rebuté par l'absurde pour faire carrière dans la fonction publique ! J'ai fini par tomber comme une masse sur le canapé et j'ai été réveillé à l'aube par une clameur du dehors. En fait, la fac est bouclée et un cordon d'étudiants bloque toute entrée. Du haut de ma fenêtre, dans mon costard plus que froissé avec mon fond de barbe, je dois ressembler à un patron séquestré par ses ouvriers comme au bon vieux temps du militantisme ouvrier.

Si on m'avait dit qu'un jour je me retrouverai de ce côté de la barricade moi le métèque fils de sous prolo ! Certes, ce n'est qu'une image car je ne suis ni chef d'entreprise, ni vraiment séquestré… mais ne suis-je pas pour autant en train de virer vieux con ? Car finalement dans mon confort professoral, la précarité institutionnalisée par la réforme universitaire, je m'en balance. Quelle ironie ! L'autre jour au début du mouvement, Fouad le gaucho a souri en ouvrant la porte de ma salle de cours. Avec une poignée de camarades, il faisait la tournée des classes pour appeler à la grève : « Ah ! c'est Monsieur X, avec lui c'est du tout cuit… » J'ai bien sûr accepté d'interrompre mon cours… pouvais-je faire autrement sans ternir mon image de prof militant ? À ma décharge, je dois dire que ce n'est pas une réputation surfaite car j'ai un long parcours militant. Jadis. Mais en me planquant derrière cette image du passé, ne suis-je pas devenu comme tant d'autres rentiers de l'engagement, cynique et dérisoire ? Roulez jeunesse, moi j'ai déjà donné… et je dois boucler le dossier pour ma prime de recherche ! Robert le philosophe qui prépare la même demande arrive avec une bouteille de blanc et des cacahouètes. Il a réussi à entrer par une porte dérobée. Il nous manque un ouvre-bouteille. Dans les couloirs jonchés de détritus d'une fac déserte, avec la même gueule de bois et le même costard froissé sinon la couleur, deux maîtres de conférence fraîchement habilités en quête de tire-bouchon pour conjurer la béance universitaire.




19/11/2007
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