438-Le fait du prince,lettre d'un prof 2 posts

Qui n'a pas sa casserole ? ...

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En tant qu'agent de l'Etat, rattaché au service public d'éducation, je ne lirais pas la lettre de Guy Môquet dans mes classes. La mise en place de cette « commémoration du souvenir » est hautement discutable dans la forme, obscène dans le contexte de sa mise en place.

Le fait du Prince. C'est une évidence, cette journée du 22 octobre n'est pas l'œuvre de l'administration, pas plus que le résultat d'une réflexion des instances pédagogiques ou du corps de l'Inspection, mais la volonté du chef de l'Etat qui, seul, décide de la lecture de ce texte dans l'ensemble des établissements d'enseignement français. Aucune discussion, aucune concertation préalable ne sont venues confirmer ou amender cette décision. M. Sarkozy, découvrant Guy Môquet, en fait l'étendard de sa France et demande à « ses agents » d'en être les thuriféraires de luxe puisque telle serait leur fonction.

Aussi bouleversante qu'elle soit, cette lettre n'en demeure pas moins l'œuvre d'un fils et d'un frère qui, à quelques heures de son exécution, se tourne vers ses proches. Nous sommes ici dans la sphère de l'intime, du privé, c'est-à-dire dans cette relation où précisément le signifié excède le signifiant et n'est audible qu'à partir de ce lien tendu, unique, qui lie un individu à sa famille. Rendre sa lecture publique en la recouvrant de la dimension nationale de la commémoration revient à exercer un voyeurisme de l'affect hautement pathogène. Ce que dit cet homme avant de mourir ne nous regarde pas publiquement.

L'instrumentalisation de l'intime pour servir la cause nationale est concomitante à ce que l'on nomme la peoplelisation de la vie politique. Il est manifeste que Nicolas Sarkozy aime les médias qui le lui rendent bien par la place qu'ils accordent à ses moindres faits et gestes. La médiatisation de la vie privée des politiques banalise la fonction d'élu, elle feint de la rendre plus près du peuple alors même qu'elle n'en a jamais été autant éloignée. « Ce que veulent les Français », cette expression est servie systématiquement pour asseoir l'action publique auprès des médias. Elle est le leitmotiv d'un gouvernement rompu aux techniques de communication : on convoque un sondage d'opinion sur l'immigration pour justifier des méthodes de M. Hortefeux et sa loi sur le test ADN. Asseoir ainsi la décision politique sur la doxa la plus grossière, cette dictature d'un prétendu plus grand nombre, c'est recouvrir d'un vernis démocratique un populisme dangereusement pervers, aussi sournois que bête.

La normalisation du glissement de la sphère privée dans la sphère publique tout autant que la médiatisation de l'intime est symptomatique de ce que la philosophe Hannah Harendt diagnostique comme l'origine du totalitarisme. Le libéral fascisme dont il est question ici est plus subtil que n'importe quelle autre forme de totalitarisme ne serait-ce que parce qu'il est le fruit d'une désignation démocratique et que les français l'ont voulu. Dont acte ?

La France s'apprête à célébrer dans ses écoles le souvenir de Guy Môquet quand, au même moment, ses policiers traquent sans relâche sur le territoire les clandestins indésirables jusques et y compris dans les écoles. Nous vanterons, comme le dit le Bulletin Officiel, « les valeurs de liberté d'égalité et de fraternité qui font la force et la grandeur de notre pays et qui appellent le sens du devoir, le dévouement et le don de soi » au nom d'un président de la République qui crée un ministère de l'Identité Nationale et convoque dans la même semaine ses Préfets pour leur demander de faire du chiffre dans les arrestations. On rafle en France des hommes, des femmes et des enfants pour les reconduire manu militari dans leurs pays et, dans le même temps, je devrais moi servir la soupe du souvenir et faire pleurer dans les chaumières comme on l'a fait dans les vestiaires ? Il en va d'une dangereuse imposture à vouloir « dresser sur ses actes le chapiteau de l'histoire », pour reprendre à Nietzsche sa formule.

            Enfin, cette décision inique s'accompagne d'une  assimilation abusive de l'auteur de la lettre à la défense de l'identité nationale. : « Soyez fiers de vos aînés qui vous ont tant donné ; aimez la France car c'est votre pays et que vous n'en avez pas d'autre ». Telles sont les paroles de Nicolas Sarkozy lors de la cérémonie au Monument de la Cascade du Bois de Boulogne, citées par Xavier Darcos, Ministre de l'Education Nationale, dans son texte accompagnant le décret. Pourtant, la confusion est de nouveau de mise. Guy Môquet ne s'est pas battu pour la France, mais contre l'occupation allemande et la barbarie nazie. Il y a un saut sémantique entre un « contre » et un « pour », que dis-je, deux mondes. D'un côté celui d'une réalité historique au caractère vérace, de l'autre la construction d'une virtualité historique et son utilisation abusive comme écran à une politique sécuritaire bien réelle aux desseins aussi funestes que dangereux. A quand Guy Môquet dans Second Life ?
 

Rodolphe Delcros, enseignant, Orléans, le 6/10/2007

Ils étaient des Milliers... mardi 23 octobre 2007 -10:23
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Ce Dimanche, à La Sablière, femmes, hommes et enfants, dans la dignité, ont commémoré la Mémoire des 27 victimes de la barbarie Nazie, il y a soixante-six ans. Tous unis pour dire combien il est essentiel de parler de paix, de la faire et de construire le monde de demain. Redire que cela est fragile si nous n’y prenons garde. Loin des bagarres de chiffres, la foule était là ce dimanche, mobilisée et recueillie.

Marie-George Buffet (PCF) a appelé dimanche à "résister" à la politique du gouvernement, à l’occasion de la commémoration dimanche à la Sablière, à Châteaubriant, du 66e anniversaire de l’exécution de Guy Môquet et de vingt-six camarades par les nazis.

"Aujourd’hui il y a besoin de résistance encore, bien sûr ce n’est pas la même chose : résistance face à une politique qui casse les droits sociaux, résistance face à une politique qui chasse les enfants parce que leurs papas et leurs mamans sont venus d’autres pays, résistance par rapport à une politique qui veut encore renforcer les pouvoirs d’un seul homme à la tête de l’Etat"

 



11/10/2007
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